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13/12/2023 | FRANCE | N°23PA01032

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 13 décembre 2023, 23PA01032


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois.



Par un jugement

n° 2222341/8 et n° 2222438/8 du 31 octobre 2022, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois.

Par un jugement n° 2222341/8 et n° 2222438/8 du 31 octobre 2022, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2023, M. B..., représenté par Me Maud Angliviel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 de la préfète du Val-de-Marne ;

3°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente de ce réexamen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement

des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- il omet de répondre à un moyen qui n'était pas inopérant à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît son droit d'être entendu ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence d'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur son état de santé ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'un défaut de base légale dès lors qu'il ne s'est pas vu refuser la qualité de réfugié ;

- elle méconnaît les dispositions du 2° et du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne s'est pas soustrait à l'exécution de la mesure d'éloignement et que la menace à l'ordre public ne constitue pas un motif prévu par le code pour fonder une interdiction de retour sur le territoire français.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 5 septembre 2023, produit de mémoire en défense.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 2 novembre 2023 la clôture de l'instruction a été fixée au 17 novembre 2023.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fullana,

- et les observations de Me Angliviel, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 20 mai 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a retiré le statut de réfugié de M. B..., ressortissant mauritanien né le 20 janvier 1989. Par un arrêté du 11 mars 2022, la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du 24 octobre 2022, le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 24 mois. Par un jugement n° 2222341/8 et n° 2222438/8 du 31 octobre 2022, dont le requérant relève appel, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 424-6 du même code : " Lorsqu'il est mis fin au statut de réfugié par décision définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice ou lorsque l'étranger renonce à ce statut, la carte de résident prévue aux articles L. 424-1 et L. 424-3 est retirée. L'autorité administrative statue sur le droit au séjour des intéressés à un autre titre dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. (...) " et aux termes de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le statut de réfugié est refusé ou il y est mis fin dans les situations suivantes : 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat (...). ".

4. Il est constant que M. B..., entré en France en 2001 au titre de la réunification familiale avec son père, réfugié, s'est vu reconnaître le statut de réfugié le 5 mars 2007 par application du principe de l'unité familiale et que l'OFPRA a mis fin à ce statut, par une décision du 20 mai 2021 devenue définitive, sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. C'est par suite à tort que la préfète du Val-de-Marne a prononcé l'obligation de quitter le territoire français en litige sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 au motif que la demande d'asile de M. B... avait été rejetée par l'OFPRA le 20 mai 2021 et s'est abstenue notamment d'examiner le droit au séjour de l'intéressé à un autre titre que l'asile en application du deuxième alinéa de l'article L. 424-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'arrêté du 11 mars 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a obligé M. B... à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français sur le fondement de ce premier arrêté sont entachés d'illégalité et doivent être annulés.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de réexaminer la situation administrative de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais du litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B..., Me Angliviel, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Angliviel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2222341/8 et n° 2222438/8 du 31 octobre 2022 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 11 mars 2022 et l'arrêté du préfet de police du 24 octobre 2022 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de réexaminer la situation administrative de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.

Article 4 : L'Etat versera au conseil de M. B..., Me Angliviel, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la préfète du Val-de-Marne, au préfet de police et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à Me Maud Angliviel.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.

La rapporteure,

M. FULLANALa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

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No 23PA01032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01032
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: Mme Maguy FULLANA
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : ANGLIVIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;23pa01032 ?
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