Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Cluny Développement a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 1904285/1-3 du 5 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 novembre 2022, la SARL Cluny Développement, représentée par Me Hervé Oliel, demande à la Cour :
1°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;
2°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification méconnaît l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la méthode de reconstitution de la comptabilité est viciée dès lors qu'elle se fonde sur trois articles représentant une part insuffisante du chiffre d'affaires ;
- le dosage à retenir pour le café est de 9 grammes et les pertes pour la bière à la pression sont de 20 % de sorte que le montant du chiffre d'affaires éludé doit être ramené respectivement pour les exercices clos en 2013, 2014 et 2015 à 125 213 euros, à 154 606 euros et à 204 656 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Topin,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Cluny Développement, qui exploite un restaurant de type brasserie " le petit Cluny " à Paris, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle ont été mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des intérêts de retard et des pénalités au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2015. Elle relève appel du jugement du 5 octobre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 16 décembre 2016 adressée à la société précise l'imposition concernée, le montant des rehaussements envisagés, les années concernées et les motifs retenus par l'administration pour fonder ces redressements, ainsi que les circonstances de droit et de fait qui les fondent, permettant à la requérante de présenter utilement ses observations. La circonstance que la société ait apporté au cours de la procédure des éléments pour justifier que le chiffre d'affaires avait été rehaussé sur une base erronée est sans incidence sur la motivation de la proposition de rectification. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit ainsi être écarté.
4. En deuxième lieu, l'administration a reconstitué le chiffre d'affaires de la société vérifiée d'après la méthode des liquides en calculant la part des recettes provenant de la vente de bières en bouteille et en pression ainsi que les cafés. Si la société requérante soutient que le choix des produits n'est pas représentatif, il est constant que ces derniers représentaient 28,12 %, 29,31 % et 31,87 % du chiffre d'affaires réalisé respectivement en 2013, 2014 et 2015 et la société requérante ne propose pas de produits plus pertinents pour procéder à cette reconstitution. Par suite, l'administration apporte la preuve du bien-fondé de la méthode de reconstitution critiquée.
5. En troisième lieu, d'une part, l'administration a déterminé le nombre de cafés vendus à la clientèle à partir de la variation de stock de café de chacun des exercices et d'une estimation d'une consommation de 7 grammes par unité de café vendu. Il résulte du courrier du fournisseur de café du 30 mars 2016 que ce dosage correspond à celui recommandé et si le fournisseur indique que le dosage peut être porté à 8,5/9 grammes, la société requérante ne justifie pas avoir pratiqué de 2013 à 2015 un dosage de 9 grammes en produisant un constat d'huissier établi le 28 novembre 2016, soit à une date postérieure à la période des impositions en litige. D'autre part, pour évaluer les ventes de bières en pression, l'administration, qui a porté à 18 % les pertes inhérentes à la manipulation de la bière pression, aux offerts et à la consommation du personnel à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, a mis à la charge de la société requérante les rappels en litige calculés sur le chiffre d'affaires tenant compte de cet abattement. Pour contester la pertinence de l'abattement de 18 % qu'elle estime à 20 %, la société requérante se réfère aux offerts à 13 salariés, alors que l'administration établit qu'elle n'en employait que 8 au cours de la période vérifiée, aux pertes liées à la purge du tuyau, qui ne sont pas établies par le constat d'huissier du 28 novembre 2016 postérieur à la période des impositions en litige, ainsi qu'à des pertes liées au perçage du fût, au produit restant jeté lors du changement du fût ainsi que celles liées au redémarrage du système journalièrement, sans toutefois justifier du volume des pertes ainsi alléguées, preuve qu'elle est seule en mesure d'apporter. Dans ces conditions, la société Cluny Développement n'est pas fondée à soutenir que les évaluations du chiffre d'affaires liées aux ventes de cafés et de bières en pression, et par suite les impositions en litige, seraient excessives.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cluny Développement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Cluny Développement est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cluny Développement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.
La présidente-rapporteure,
E. TOPINL'assesseure la plus ancienne,
M-D. JAYER
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA05095