La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2023 | FRANCE | N°23LY00880

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 12 décembre 2023, 23LY00880


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2201923 du 9 février 2023 le tribunal administratif a rejeté sa requête.



Procédure devant la cour
r>

Par une requête enregistrée le 8 mars 2023 et un mémoire enregistré le 15 novembre 2023, ce dernier n'ay...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2201923 du 9 février 2023 le tribunal administratif a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 mars 2023 et un mémoire enregistré le 15 novembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... A..., représenté par la Selarl C. Durif Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, à défaut, de lui délivrer, dans le même délai, un titre de séjour au regard de sa durée de présence sur le territoire français ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 429-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet n'a pas expliqué les raisons pour lesquelles il pourrait désormais bénéficier au Bénin des soins nécessaires à son état de santé ; dans l'hypothèse où il ne serait pas fait droit à sa demande de titre de séjour en raison de son état de santé, il est fondé à obtenir un titre de séjour au titre de sa présence en France depuis 2007 ; le préfet de l'Yonne devait, à ce dernier titre, consulter la commission du titre de séjour ;

- sa situation relève de circonstances exceptionnelles et humanitaires ;

- l'obligation de quitter le territoire français emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité et méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par courrier enregistré le 7 avril 2023, M A... a accepté de lever le secret médical.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a communiqué l'entier dossier médical du requérant et des observations, enregistrés respectivement le 25 avril 2023 et le 10 juillet 2023, qui ont été communiqués aux parties.

Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2023, le préfet de l'Yonne, représenté par la Selarl Centaure Avocats, conclut au rejet de la requête de M. A.... Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 13 octobre 1977 à Toui (République du Bénin), de nationalité béninoise, déclare être entré sur le territoire français le 16 septembre 2007. Par un arrêté du 24 février 2015, le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et le recours que l'intéressé a introduit a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 avril 2015. Il a présenté le 18 mars 2016 une nouvelle demande de titre de séjour en raison de son état de santé, rejetée par une décision du 15 juin 2017 du préfet de l'Yonne, qui lui a également enjoint de quitter le territoire français. Suite à une nouvelle demande de titre de séjour en raison de son état de santé, et des avis favorables émis par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), il s'est vu délivrer une carte de séjour, valable du 13 mars 2019 au 24 janvier 2020 et prolongée par une autorisation provisoire de séjour valable du 7 mai 2020 au 6 août 2020. M. A... relève appel du jugement du 9 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Par ailleurs, l'article R. 425-11 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Par un avis du 1er février 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Il ressort des pièces du dossier que M. A... présente une schizophrénie paranoïde qui a nécessité des hospitalisations en février 2014 et en juin 2017, et qu'un suivi par une consultation mensuelle et des traitements médicamenteux, avec notamment de la Rispéridone, lui permettent de stabiliser son état de santé. Il n'est pas contesté que la Rispéridone, et les autres médicaments prescrits à M. A... dans le cadre de ses troubles du sommeil, sont inscrits sur la liste des médicaments essentiels et sont disponibles dans leur version générique au Bénin, permettant à l'intéressé de disposer d'un traitement équivalent. Si M. A... soutient qu'il ne pourra plus bénéficier de ce suivi et de ce traitement en cas de retour dans son pays d'origine en raison des coûts financiers de cette prise en charge et produit, à cette fin et pour la première fois en appel, le tarif des consultations au service psychiatrique du centre hospitalier de Cotonou ainsi qu'une attestation d'un docteur en psychologie en date du 22 février 2023 qui affirme que les soins psychiatriques au Bénin sont à la charge du patient, ces pièces sont toutefois trop imprécises pour remettre en cause l'avis précité de l'OFII, et ne font notamment pas état du système social présent au Bénin concernant la prise en charge des maladies psychiatriques, étant au surplus relevé que l'intéressé n'apporte aucun élément sur l'absence de possibilité de prise en charge personnelle, et alors que le Bénin dispose d'un régime de sécurité sociale, notamment pour les travailleurs, ou encore, et alors que l'intéressé a vécu dans son pays d'origine au moins jusqu'à l'âge de trente ans, par sa famille. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En deuxième lieu, compte tenu de secret médical bénéficiant à l'intéressé lors de l'instruction de sa demande de titre de séjour, M. A... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le préfet de l'Yonne, qui s'est d'ailleurs fondé sur l'avis émis par l'OFII pour prendre sa décision, n'aurait pas justifié dans l'arrêté en litige de l'évolution de la disponibilité des traitements au Bénin depuis la fin de validité de son titre de séjour.

5. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que M. A... a le droit de bénéficier d'un titre de séjour au titre de sa présence en France depuis 2007 ne peut qu'être rejeté, cette présence, à la supposer établie, n'ouvrant pas à elle seule un droit à l'attribution d'un titre de séjour de plein droit. Les moyens tirés de ce que sa situation présente des circonstances exceptionnelles et humanitaires et que le préfet de l'Yonne devait consulter la commission du titre de séjour à ce dernier titre, sont inopérants en l'absence de demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, M. A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la mesure d'éloignement en litige, laquelle n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays de destination vers lequel il sera, le cas échéant, reconduit.

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. M. A... soutient être entré sur le territoire français en 2007, soit à l'âge de trente ans. Toutefois, l'intéressé ne produit qu'une attestation de domicile en région parisienne pour l'année 2007, des relevés des heures pour une société concernant le mois de juin 2009, un courrier d'un opérateur téléphonique pour justifier de sa présence en 2012 et enfin, une lettre d'admission à l'aide médicale d'Etat de décembre 2013 à décembre 2014 pour établir sa présence sur le territoire français au cours de l'année 2013. Ces seuls éléments ne peuvent démontrer une présence habituelle et continue de l'intéressé sur le territoire français de 2007 à décembre 2013. Si la présence de l'intéressé sur le territoire français est, en revanche, établie depuis 2014, notamment par la production de nombreuses pièces médicales, il résulte du point 1 qu'il n'a pas respecté les mesures d'éloignement prononcées à son encontre. Par ailleurs, les éléments d'insertion professionnelle produits par l'intéressé, y compris les formations suivies, s'avèrent particulièrement récents et il n'est pas démontré qu'il ne dispose plus d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a majoritairement résidé. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaît les stipulations précitées.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de l'Yonne et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. C...

La greffière,

O. Ritter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY00880 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00880
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : DURIF

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23ly00880 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award