Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 23 février 2021 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2100862 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de la Guyane a fait droit à sa demande d'annulation de l'arrêté précité, a enjoint au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros au bénéfice du conseil de la requérante.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 août 2023, le préfet de la Guyane, représenté par Me Tomasi et Me Dumoulin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 13 juillet 2023 précité ;
2°) de rejeter l'entière demande de Mme B....
Il soutient que :
- le tribunal a retenu à tort le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- aucun des autres moyens invoqués devant le tribunal n'est fondé.
La requête a été communiquée à Mme B... qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 31 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme H... B..., ressortissante haïtienne née le 3 janvier 1971, qui déclare être entrée sur le territoire français en 2005, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 février 2021, le préfet de la Guyane a refusé de faire droit à sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 13 juillet 2023, le tribunal de la Guyane a fait droit à sa demande d'annulation de cet arrêté et a enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet de la Guyane relève appel de ce jugement dont il demande l'annulation.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Pour annuler l'arrêté contesté, le tribunal a retenu le moyen tiré de ce qu'il a été pris en méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme H... B..., née le 3 janvier 1971, qui déclare être entrée en France en 2005 à l'âge de 34 ans, n'établit, eu égard au nombre et à la nature des documents essentiellement médicaux qu'elle produit au titre de la période de 2005 à 2014, l'ancienneté de sa présence sur le territoire de manière stable et continue que depuis juin 2015, date à laquelle l'intéressée a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour, puis d'un titre de séjour valable du 1er juin 2016 au 31 mai 2017. Si Mme B... se prévaut de son insertion professionnelle en produisant douze attestations d'emploi valant bulletins de salaire, émises par la caisse générale de sécurité sociale, qui établissent qu'elle a exercé l'emploi de femme de ménage de février 2017 à janvier 2018, ces éléments ne suffisent pas, alors qu'elle est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas avoir établi des liens familiaux ou amicaux sur le territoire, à justifier de son intégration sociale ou professionnelle. Dans ces conditions, alors que l'intéressée n'indique pas qu'elle serait dépourvue de tout lien dans son pays d'origine dans lequel elle a passé la majeure partie de sa vie, l'arrêté en litige n'a pas porté à l'intéressée une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que prévu par les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Guyane est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à en demander l'annulation pour ce motif.
5. Il y a lieu pour la Cour, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... à l'encontre de l'arrêté du 23 février 2021 en litige.
Sur les autres moyens :
6. En premier lieu, par un arrêté du 31 décembre 2019 portant délégation de signature à M. D... E..., directeur général de la sécurité, de la réglementation et des contrôles, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 2 janvier 2020, le préfet de la Guyane lui a donné délégation à l'effet de signer entre autres les actes référencés en son article 4 et concernant le séjour des étrangers, l'instruction des titres de séjour, l'éloignement et le contentieux. En vertu des termes de cet arrêté, M. E... a été expressément habilité à signer les arrêtés portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire avec et sans délai et interdiction du territoire. Par ailleurs, M. E... a été autorisé, par ce même arrêté, à subdéléguer sa signature aux agents placés sous son autorité. Ce faisant, par un arrêté du 19 février 2020, publié le même jour au recueil des actes administratifs, M. E... a accordé une subdélégation à M. A... G..., chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, à l'effet de signer en cas d'absence ou d'empêchement de M. C... F..., les actes référencés par l'article 4 de l'arrêté du 31 décembre 2019 sous la rubrique éloignement et contentieux. Il en résulte que M. A... G... disposait d'une délégation de compétence pour signer, comme en l'espèce, les arrêtés portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire français. En conséquence, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté, qui n'est pas stéréotypé, que celui-ci mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et notamment la référence au parcours de l'intéressée et à sa situation personnelle. Le préfet de la Guyane vise en particulier les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cite les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que Mme B... est entrée en France de manière irrégulière en 2005 selon ses déclarations, qu'elle ne démontre pas sa présence en France avant 2015, qu'elle est célibataire et sans enfant et qu'elle ne dispose pas de famille en France. Par suite, et dès lors que le préfet n'était pas tenu de faire état de l'ensemble des circonstances propres à sa situation, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté doit être écarté.
8. En troisième lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas sollicité le bénéfice d'un titre de séjour sur ce fondement et, d'autre part, que le préfet n'a pas examiné sa situation au regard de ces dispositions. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de Mme B... doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guyane est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé l'arrêté du 23 février 2021 en litige, a enjoint au préfet de la Guyane de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans un délai de deux mois à compter du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros à verser à Me Balima, conseil de la requérante, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane n° 2100862 du 13 juillet 2023 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de la Guyane est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme H... B.... Copie en sera délivrée au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2023.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
La présidente,
Ghislaine Markarian La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX02338