Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de l'admettre au séjour en qualité de réfugié, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois suivant le jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2201660, 2201682 du 27 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 août 2022, M. A... B..., représenté par Me Ghaem, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 par lequel le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle et a assimilé ce moyen de légalité interne à celui du défaut de motivation relevant de la légalité externe et qui n'avait pas été soulevé ;
- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle porte atteinte au droit à un recours effectif tel que garanti par l'article 46 de la directive européenne 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale : il devait être autorisé à se maintenir sur le territoire jusqu'à l'expiration du délai offert pour se pourvoir en cassation à l'encontre de la décision rendue par la cour nationale du droit d'asile, soit jusqu'au 19 juin 2022 ;
- elle est entachée d'illégalité dès lors qu'il avait manifesté le souhait de déposer une demande de réexamen de sa demande d'asile, laquelle n'a pas été prise en compte par la préfecture ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement.
Le préfet de Vaucluse n'a présenté aucune observation, malgré une mise en demeure qui lui a été adressée le 27 février 2023.
Par ordonnance du 20 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- et les observations de Me Joubin substituant Me Ghaem, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 1er janvier 1993 à Edo State (Nigéria), de nationalité nigériane, qui déclare être entré sur le territoire français le 18 juin 2019, a présenté une demande d'asile le 9 juillet 2019. Sa demande a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 mai 2021 et par la cour nationale du droit d'asile le 19 avril 2022. Par un arrêté du 12 mai 2022, le préfet de Vaucluse a refusé de l'admettre au séjour en qualité de réfugié et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 27 juillet 2022 dont M. B... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande dirigée à l'encontre de l'arrêté du 12 mai 2022.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. B..., le premier juge a relevé, au point 4 du jugement, que l'arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, et que la circonstance qu'il ne détaille pas la situation personnelle et familiale de l'intéressé ne permet pas de regarder la motivation de l'arrêté comme insuffisante, dès lors que l'intéressé n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement ou fait valoir personnellement auprès du préfet des éléments d'information justifiant qu'il pourrait être, à un autre titre que l'asile, admis au séjour. Contrairement à ce que soutient le requérant, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation a été soulevé dans sa requête enregistrée sous le n°2201660. Il résulte des termes du jugement contesté que celui-ci n'est entaché d'aucune omission à statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. B....
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Si l'arrêté ne mentionne pas que la compagne du requérant ainsi que leurs deux enfants mineurs résident en France, il ressort toutefois des pièces produites que Mme B... a fait l'objet d'un arrêté portant refus d'admission au séjour assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, lequel a été pris le 13 mai 2022. Dans ces conditions, et compte-tenu de ce qui a été exposé au point précédent, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. B... doit être écarté dans la mesure où le préfet de Vaucluse était nécessairement informé de la situation de sa compagne.
4. D'une part, aux termes de l'article 46 de la directive n° 2013/32/UE : " 1. Les Etats membres font en sorte que les demandeurs disposent d'un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants : / a) une décision concernant leur demande de protection internationale (...). / 5. Sans préjudice du paragraphe 6, les Etats membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu'à l'expiration du délai prévu pour l'exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours. / (...) une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l'Etat membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l'Etat membre et lorsque dans ces cas, le droit de rester dans l'Etat membre dans l'attente de l'issue du recours n'est pas prévu par le droit national. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. "
6. Le droit à un recours effectif prévu par l'article 46 de la directive n° 2013/32/UE ne saurait être regardé comme impliquant nécessairement que le demandeur ait le droit de se maintenir sur le territoire de l'État membre jusqu'à l'expiration du délai lui permettant de se pourvoir en cassation à l'encontre de la décision rendue par la cour nationale du droit d'asile, ou s'il a exercé un tel pourvoi jusqu'à ce que le Conseil d'Etat statue sur celui-ci. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté porte atteinte à son droit à un recours effectif tel que garanti par l'article 46 de ladite directive européenne au motif qu'il aurait dû pouvoir se maintenir en France jusqu'à l'épuisement des voies de recours.
7. Si M. B... soutient qu'il avait manifesté le souhait de déposer une demande de réexamen de sa demande d'asile, laquelle n'a pas été prise en compte par les services préfectoraux, il ne justifie d'aucune démarche qu'il aurait effectué à cette fin.
8. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente serait tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
9. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger des décisions portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne relative à la violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, rappelée notamment au point 38 de la décision C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle des décisions faisant grief sont prises que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu des décisions.
10. En l'espèce, alors que le préfet n'était pas tenu d'inviter M. B... à se présenter en préfecture ni à produire d'autres pièces que celles déjà versées lors de sa procédure de demande d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché de faire valoir tout nouvel élément avant que ne soit édicté l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL21900 2