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12/12/2023 | FRANCE | N°22LY00863

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 12 décembre 2023, 22LY00863


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... C... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 avril 2019 par laquelle le maire de la commune de Luzinay s'est opposé à leur déclaration préalable déposée le 2 mars 2019 en vue du détachement d'un lot de terrain à bâtir de la parcelle cadastrée ... et de la décision du 28 juin 2019 rejetant leur recours gracieux.



Par un jugement n° 1906027 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a

annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires complémentai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 avril 2019 par laquelle le maire de la commune de Luzinay s'est opposé à leur déclaration préalable déposée le 2 mars 2019 en vue du détachement d'un lot de terrain à bâtir de la parcelle cadastrée ... et de la décision du 28 juin 2019 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1906027 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 23 mars 2022, 13 décembre 2022 et 13 janvier 2023, la commune de Luzinay, représentée par Me Combaret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 janvier 2022 ;

2°) de rejeter la requête de M. et Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme C... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appréciation portée par le tribunal est entachée d'erreur de fait ;

- le risque pour la sécurité publique que présente le projet en litige est établi et ne peut être neutralisé par de simples prescriptions.

Par un mémoire enregistré le 29 août 2022, et un mémoire enregistré le 4 mars 2023 et non communiqué, M. et Mme C..., représentés par Me Gallety, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Luzinay au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la commune de Luzinay ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mauclair, première conseillère ;

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,

- les observations de Me Perrouty, représentant la commune de Luzinay et de Me Barnouin, représentant M. et Mme C....

La commune de Luzinay a présenté une note en délibéré qui a été enregistrée le 21 novembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., propriétaires de la parcelle de terrain cadastrée ... à Luzinay, sur laquelle est bâtie leur maison d'habitation, ont déposé en mairie le 2 mars 2019 une déclaration préalable en vue de la division de cette parcelle par détachement d'un lot de terrain à bâtir d'une superficie de 1 295 m². Par une décision du 16 avril 2019, le maire de la commune de Luzinay, estimant que les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme faisaient obstacle au projet en raison de l'existence de risques d'inondation, s'est opposé à cette déclaration préalable. La commune de Luzinay relève appel du jugement du 25 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision d'opposition du 16 avril 2019 et la décision du 28 juin 2019 rejetant le recours gracieux de M. et Mme C....

2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

3. D'une part, il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire une opposition à déclaration préalable sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

4. D'autre part, il résulte des dispositions du code de l'urbanisme que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.

5. Le bureau d'ingénieurs-conseils Géolithe a réalisé, le 15 janvier 2016, une carte des aléas naturels pour le compte de la commune de Luzinay, qui a été intégrée en annexe au PLU et dans les documents graphiques et règlementaires du PLU approuvé par délibération du conseil municipal de la commune du 31 mars 2017. Il a plus particulièrement procédé à la modélisation hydraulique détaillée du ruisseau du Béal Maras qui précise les hauteurs d'écoulement en crue centennale auxquelles ont été ajoutés des éléments de débordements issus de l'analyse experte et des débordements observés lors des crues récentes dudit ruisseau, notamment celle en rive gauche. Afin de définir les différentes zones d'aléas, il s'est appuyé sur une analyse concrète des secteurs de la commune et a relevé, dans le secteur du terrain en litige, que le lit mineur du ruisseau du Béal Maras est en aléa torrentiel fort (T3) inconstructible, y compris ses berges et les ouvrages, que les débordements sur les deux rives sont en aléa torrentiel faible (T1) pour la plupart, et, enfin, que quelques zones d'accumulation, où la hauteur des écoulements est plus importante d'après les modélisations effectuées, sont, quant à elles, en aléa torrentiel moyen (T2). La parcelle ..., qui se trouve en zone UB de ce PLU, est comprise par ces documents dans ces trois zones d'aléas, le risque étant croissant lorsqu'on se rapproche du ruisseau le Béal Maras qui la longe. Si le lot A à créer d'une superficie de 1 295 m², que le projet de division envisage de détacher, supporte ces zones de risques T2 et T3, en principe inconstructibles, il comprend également une superficie de 650 m² située en zone T1, constructible, sauf en cas d'aggravation du risque de crue à l'aval et sous réserve de respecter des prescriptions spéciales, l'étude Géolithe précitée relevant à cet égard que, dans cette zone, il n'y a pas de risques pour la vie des personnes, ni pour la pérennité des biens, dont la protection peut être techniquement assurée par des mesures techniques spécifiques et des recommandations, qu'elle précise. S'il est constant qu'en raison de pluies exceptionnelles en octobre 2014, de nombreuses parcelles de la route des Allobroges, dont la parcelle ..., ont été inondées dès lors que l'ouvrage hydraulique permettant au ruisseau de traverser la rue des Allobroges est sous-dimensionné, il ne ressort ni des pièces du dossier ni de l'étude précitée de Géolithe, postérieure à ces inondations, que l'intensité ou la fréquence du risque d'inondation auraient induit une modification de l'appréciation de l'ampleur du risque d'inondation affectant la partie constructible destinée à être détachée. Dans ces conditions, et alors même que le Syndicat isérois des rivières Rhône Aval (SIRRA) a émis le 9 avril 2019 un avis défavorable au projet de division en litige au motif que les travaux envisagés pour la restauration hydro-morphologique des bassins versants du Joux et du Maras afin de réduire l'inondabilité de la parcelle ... à une inondation trentennale n'ont pas encore été réalisés, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire entacherait sa décision d'une quelconque erreur au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme s'il délivrait un permis de construire assorti de prescriptions spéciales dans la partie de la parcelle située en zone T1, ni, par suite, que le projet de division ne permettrait pas l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourrait être ultérieurement assurée lors de la délivrance d'un permis de construire.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Luzinay n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du maire du 16 avril 2019 s'opposant à la déclaration préalable de division de la parcelle ....

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme C..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Luzinay au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Luzinay une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Luzinay est rejetée.

Article 2 : La commune de Luzinay versera à M. et Mme C... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Luzinay et à M. B... et Mme A... C....

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

La rapporteure,

A.-G. Mauclair La présidente,

M. D...

La greffière,

O. Ritter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY00863 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00863
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : GALLETY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;22ly00863 ?
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