Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 juin 2019 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Poitiers l'a licenciée du cadre d'emploi des agents sociaux territoriaux et l'a radiée de ses effectifs à compter du 31 juillet 2019, d'enjoindre au président du CCAS de réexaminer sa situation, de condamner ce dernier à lui verser la somme globale de 18 626 euros en réparation des préjudices subis du fait de la décision de licenciement, enfin de mettre à la charge du CCAS une somme de 2 500 euros à verser à son avocate en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2000035 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 24 juin 2019, enjoint au président du centre communal d'action sociale de procéder à la réintégration de Mme B... en qualité de stagiaire et de réexaminer sa situation, condamné le centre communal à lui verser la somme de 500 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation en réparation des préjudices subis, et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 4 novembre 2021 et le 10 février 2022, Me Mireille Blandeau, représentée par Me Cottet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021 en tant que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à ce que soit mise à la charge du CCAS de Poitiers la somme de 2 500 euros à lui verser en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de faire droit à la demande de première instance présentée sur le fondement de ces dispositions ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- devant les premiers juges, la requérante ne demandait pas le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour elle-même mais pour son avocate ;
- le centre communal d'action sociale étant partie perdante, et ni la situation économique de ce dernier, ni l'équité ne s'opposant à ce que soient mis à sa charge les frais de l'instance non compris dans les dépens, elle est fondée à demander le versement de la somme de 2 500 euros ;
- l'erreur commise par le tribunal administratif de Poitiers lui a causé un préjudice matériel lié aux démarches qu'elle a dû accomplir pour obtenir la rectification du jugement, et au retard dans la perception de sa rétribution, ainsi qu'un préjudice moral ; ainsi elle est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros ;
- elle avait l'obligation d'être représentée par un avocat devant la Cour, ainsi que l'en a informé le greffe.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2022, le centre communal d'action sociale de Poitiers, représenté par la SCP Ten France, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Me Blandeau une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat sont irrecevables car nouvelles en appel et distinctes du litige initial ;
- les moyens invoqués par Me Blandeau ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2023, par une ordonnance du 20 avril 2023.
Un mémoire présenté par Me Blandeau a été enregistré le 12 novembre 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Statuant sur le litige opposant Mme B... à son employeur, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Poitiers, le tribunal administratif de Poitiers, par un jugement en date du 12 octobre 2021 a annulé l'arrêté prononçant le licenciement de Mme B..., a enjoint au président du CCAS de réintégrer l'agent et de réexaminer sa situation, a condamné ce dernier à verser à la requérante la somme de 500 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, et a rejeté le surplus des conclusions des parties. Me Blandeau, avocate de Mme B..., demande à la Cour d'annuler ce jugement en tant que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande tendant à ce que soit mise à la charge du CCAS, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés au cours de l'instance et non compris dans les dépens.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires :
2. Les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à indemniser Me Blandeau des préjudices qu'elle aurait subis du fait du jugement du tribunal administratif de Poitiers, constitue un litige distinct de celui opposant Mme B... à son ancien employeur. Elles ne peuvent ainsi qu'être rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. La demande formée devant le tribunal administratif de Poitiers par Mme B..., qui bénéficiait de l'aide juridictionnelle totale, était présentée au bénéfice de son avocate, Me Blandeau, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a regardé la demande comme formulée au profit de la requérante elle-même. Le jugement du tribunal administratif s'est ainsi mépris sur l'objet des conclusions dont il était saisi et doit, dès lors, être annulé en tant qu'il a statué sur la demande de remboursement des frais non compris dans les dépens de la requérante.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B....
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. Mme B... s'est vu remettre la décision du 24 juin 2019 portant refus de titularisation le 5 juillet 2019, ainsi qu'il ressort de la mention portée sur cette décision, et a présenté un recours gracieux daté du 16 juillet 2019 et reçu le lendemain, ainsi qu'en convient le CCAS de Poitiers, et, en l'absence de réponse, ce recours a fait naître une décision implicite de rejet le 17 septembre 2019. La demande d'aide juridictionnelle déposée par Mme B... le 6 novembre 2019, ainsi que le mentionne la décision lui accordant l'aide juridictionnelle du 12 juin 2020, a ainsi interrompu le délai de recours contentieux. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée en défense doit être rejetée.
Sur les conclusions de première instance relatives aux frais :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Et aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l'aide juridictionnelle, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat ".
7. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 12 juin 2020. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Blandeau, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du CCAS de Poitiers, partie perdante, le versement à Me Blandeau de la somme de 1 500 euros.
Sur les frais de la présente instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Me Blandeau, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au CCAS de Poitiers une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie dans la présente instance, la somme que réclame Me Blandeau au même titre.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 12 octobre 2021 est annulé en tant que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de Me Blandeau présentée sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 2 : Le centre communal d'action sociale de Poitiers versera à Me Blandeau une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Blandeau renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me Mireille Blandeau et au centre communal d'action sociale de Poitiers.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Julien Dufour, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2023.
Le rapporteur,
Julien A...
La présidente,
Ghislaine Markarian La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX04113