Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour avec changement de situation, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2205512 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 février 2023, Mme B..., représentée par Me Karzazi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi-création d'entreprise " et subsidiairement de réexaminer de nouveau sa situation et de prendre une nouvelle décision ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- alors qu'elle a sollicité un titre de séjour mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", le préfet s'est borné à lui opposer les conditions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans examiner si elle remplissait les conditions posées par l'article L. 422-14 du même code ;
- le préfet des Alpes-Maritimes a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- et les observations de Me Karzazi, pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine, née le 18 janvier 1986, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi-création d'entreprise " par une demande réceptionnée par les services de la préfecture des Alpes-Maritimes le 5 janvier 2022. Par un arrêté du 21 juin 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de la mesure d'éloignement. Mme B... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 24 janvier 2023, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme B... fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie soit avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret, soit avoir été titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent-chercheur " délivrée sur le fondement de l'article L. 421-14 et avoir achevé ses travaux de recherche, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : / 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur ; / 2° Il justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches. ".
3. Aux termes de l'article L. 422-14 du même code : " L'étranger qui a obtenu, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret et qui, à l'issue de ses études, a quitté le territoire national peut se voir délivrer, dans un délai maximal de quatre ans à compter de l'obtention dudit diplôme en France, une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le 5 janvier 2022, Mme B... qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour mention " recherche d'emploi " ou " création d'entreprise " a obtenu le 18 novembre 2019 un diplôme de Master II en droit, économie, gestion mention droit public. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'elle a quitté le territoire français en juillet 2021. L'appelante entrait ainsi dans les prévisions de l'article L. 422-14 précité concernant les anciens étudiants diplômés. Par suite, en lui opposant les dispositions de l'article L. 422-10 qui concernent les seuls jeunes diplômés, le préfet a commis une erreur de droit. L'arrêté du 21 juin 2022 doit donc être annulé sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
7. Eu égard aux motifs du présent arrêt et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de la requérante se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de la décision attaquée, l'exécution de cet arrêt implique que le préfet des Alpes-Maritimes examine à nouveau la demande de l'appelante tendant à la délivrance d'un titre de séjour mention " recherche d'emploi " ou " création d'entreprise " à la date à laquelle elle a formulé sa demande de titre de séjour. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à cet examen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros qui sera versée à Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 21 juin 2022 et le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 janvier 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la demande de Mme B... et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2023, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023.
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No 23MA00477