Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) du 31 juillet 2017 prononçant le retrait de la subvention qui lui avait été accordée et le reversement de l'acompte perçu et de condamner l'ANAH à lui verser l'intégralité du montant de cette subvention.
Par un jugement n° 1703155 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2019 et un mémoire enregistré le 6 novembre 2020, M. B..., représenté par Me Dalmayrac, demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de l'ANAH du 31 juillet 2017 et de condamner l'ANAH à procéder au versement intégral de la subvention due en exécution de la convention à loyer intermédiaire acceptée par l'ANAH le 20 avril 2010 ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler partiellement le jugement et d'enjoindre à l'ANAH de réexaminer son dossier dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et d'ordonner au besoin un retrait partiel de la subvention ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'ANAH la somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la société Emergence Immobilière, qui a émis la facture sur laquelle s'est appuyée l'ANAH pour fonder sa décision, était l'assistant au maître de l'ouvrage, et non l'entrepreneur ; une telle facture n'a, par suite, aucune valeur probante ;
- les travaux réalisés sont justifiés par des factures libellées à l'ordre de l'AFUL du 7 rue Paul Landrin et du 4 rue Ferdinand Pelletier ; il n'y a pas eu de surfacturation ; l'ensemble des factures a été payé par l'AFUL ; il a lui-même procédé au règlement de sa quote-part ;
- les modifications constatées par l'ANAH étaient mineures et ne justifiaient pas une nouvelle demande de subvention au sens de l'article 3 du règlement général de l'ANAH.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2020, et un mémoire complémentaire du 19 novembre 2020, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), représentée par Me Pouilhe, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions du requérant tendant à ce que l'intégralité de la subvention lui soit versée sont irrecevables en excès de pouvoir ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un arrêt n° 19MA05473 du 21 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par une décision n°449960 du 23 novembre 2022, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par M. B..., a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 21 décembre 2020 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.
Par un mémoire enregistré après renvoi le 27 décembre 2022 et deux mémoires récapitulatifs produits le 6 janvier 2023 et le 27 février 2023 suite à l'invitation de la Cour sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, M. B..., représenté par Me Dalmayrac, demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de l'ANAH du 31 juillet 2017 et de condamner l'ANAH à procéder au versement intégral de la subvention due en exécution de la convention à loyer intermédiaire acceptée par l'ANAH ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer partiellement le jugement et d'enjoindre à l'ANAH de réexaminer son dossier dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et d'ordonner au besoin un retrait partiel de la subvention ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'ANAH la somme de 10 000 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision se fondait sur le fait que certains travaux effectivement réalisés ne correspondaient pas à ce qui avait été facturé et sur le fait qu'une nouvelle demande n'avait pas été déposée, en méconnaissance de l'article 3 du règlement général de l'ANAH ; il s'agissait du motif déterminant du retrait de la subvention ;
- comme l'a relevé le Conseil d'Etat, la décision se fondait sur le fait que les travaux pour lesquels la subvention avait été accordée n'avaient pas été réalisés, ce qui est faux ;
- il n'y a pas eu de surfacturation ;
- en tout état de cause, le retrait de la subvention n'est possible qu'en cas de fraude ou de non-respect des prescriptions régissant l'octroi des aides ;
- ce régime du retrait se distingue de celui régissant le versement de la subvention qui résulte de l'article R. 321-18 du code de la construction et de l'habitation et des articles 18 et 20 du règlement général de l'ANAH ; l'insuffisance des justificatifs peut seulement justifier le refus de versement de la subvention mais non son retrait ;
- en application de l'article 3 du règlement général de l'ANAH, c'est seulement dans l'hypothèse d'une modification substantielle du projet que le bénéficiaire doit déposer une nouvelle demande ; à défaut, les prescriptions régissant l'octroi de la subvention ne sont pas respectées ce qui justifie un retrait de la subvention en application de l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation ;
- des modifications mineures, comme en l'espèce, ne sauraient justifier le retrait ;
- le nouveau motif que l'ANAH propose de substituer, tiré du non-respect des dispositions de l'article R. 321-18 du code de la construction et de l'habitation pour ne pas avoir justifié dans le délai de cinq ans de l'achèvement de l'immeuble des factures de travaux permettant de liquider la subvention due, ne pouvait légalement fonder la décision de retrait alors que la conformité a été vérifiée et que l'entreprise ayant réalisé les travaux a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 16 octobre 2012, ce qui constituait un cas exceptionnel de défaillance d'une entreprise au sens de l'article R. 321-18 alinéa 6 du code de la construction et de l'habitation précité ;
A titre subsidiaire :
- compte tenu du caractère mineur des modifications apportées, un retrait partiel de la subvention sera prononcé en application de l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation.
Par un mémoire récapitulatif enregistré le 2 février 2023, suite à l'invitation de la Cour sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, l'ANAH, représentée par Me Pouilhe, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
- elle demande que soit substitué le motif selon lequel la subvention ne pouvait être liquidée ni payée car le montant des travaux n'était pas justifié par les factures des entreprises ayant réalisé les travaux, en violation de l'article R. 321-18 du code de la construction et de l'habitation.
Un courrier du 2 février 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par ordonnance du 4 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- l'arrêté du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,
- les conclusions de M. Allan Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Gau, pour M. B..., et de Me Djabali, pour l'ANAH.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 20 avril 2010, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a accordé à M. B... une subvention de 24 007 euros en vue de réaliser des travaux de rénovation dans un appartement de type 4 dont il est copropriétaire dans un immeuble situé 4, rue Ferdinand Pelloutier et 7, rue Paul Landrin à Toulon. L'ANAH a procédé au versement d'un acompte le 1er juin 2011, mais, à la suite d'une inspection effectuée après leur achèvement et avant de procéder au versement du solde de cette subvention, l'ANAH a, par une décision notifiée le 31 juillet 2017, décidé le retrait de l'intégralité de la subvention et, en conséquence, le reversement de l'acompte versé. M. B... a relevé appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 octobre 2019 rejetant ses demandes tendant à l'annulation de la décision de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) du 31 juillet 2017 ainsi qu'à la condamnation de l'ANAH à lui verser l'intégralité du montant de cette subvention. Par un arrêt du 21 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel. Mais, par une décision du 23 novembre 2022, le Conseil d'Etat a cassé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé l'affaire, estimant que la Cour s'était méprise sur les motifs de la décision de retrait de l'ANAH qui n'était pas fondée sur une insuffisante justification des travaux réalisés mais sur le fait que les travaux pour lesquels la subvention avait été accordée n'avaient pas été réalisés.
2. Invités à produire le mémoire récapitulatif prévu par les dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, l'appelant et l'ANAH ont déféré à cette demande. Les conclusions et moyens non repris dans leur dernier mémoire récapitulatif sont donc réputés abandonnés.
Sur les fins de non-recevoir opposées par l'ANAH :
3. D'une part, contrairement à ce que soutient l'ANAH, M. B... qui demandait déjà en première instance le reversement de l'intégralité de la subvention, n'a pas formulé de conclusions nouvelles en appel.
4. D'autre part, en demandant un tel reversement, le requérant doit être regardé comme formulant des conclusions tendant à ce qu'en application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, il soit enjoint un tel reversement suite à l'annulation de la décision de retrait de la subvention ou à tout le moins au réexamen de sa situation. Par suite, l'ANAH n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de M. B... tendant au reversement de la subvention seraient irrecevables dans un contentieux de l'excès de pouvoir.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. D'une part, aux termes de l'article R. 321-18 du code de la construction et de l'habitation alors en vigueur : " [...] La subvention est versée, sur déclaration d'achèvement de l'opération, après vérification de la conformité des opérations réalisées avec les caractéristiques du projet sur lesquelles la décision d'attribution a été fondée. La subvention est versée sur présentation des justificatifs précisés par le règlement général de l'agence, en particulier des factures des entreprises ayant réalisé les travaux, sauf cas exceptionnels dus, notamment, à la défaillance de l'entreprise chargée des travaux [...] ". L'article R. 321-19 du même code précise que : " Le règlement général de l'agence [...] fixe le délai dans lequel doit intervenir le commencement de l'opération ainsi que la liste des pièces que le bénéficiaire d'une subvention doit produire pour obtenir son versement et les délais dans lesquels ces pièces doivent être transmises à l'agence. / Il fixe également les critères, conditions et limites dans lesquels ces délais peuvent être prolongés par l'autorité qui a octroyé l'aide, sur demande motivée du bénéficiaire de la subvention, notamment lorsque des circonstances extérieures à la volonté de l'intéressé ont fait obstacle à la réalisation de l'opération. / En cas de non-respect de ces délais, éventuellement prolongés, la décision d'octroi de la subvention devient caduque et le bénéficiaire est tenu de rembourser les sommes déjà perçues. ". Selon l'article R. 321-21 du même code : " [...] Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent également être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section ou des conventions conclues en application des articles L. 321-4 et L. 321-8, ou de toute autre convention liée au bénéfice des aides de l'agence, selon les modalités fixées par le règlement général de l'agence. [...] Ces décisions sont prises à tout moment, avant ou après le versement du solde de la subvention. / Lorsqu'elles sont prononcées avant le versement du solde de la subvention, elles sont prises par l'organisme ayant décidé de l'attribution de la subvention, qui peut être, selon le cas, l'agence ou l'autorité à laquelle cette compétence a été déléguée. / Lorsqu'elles sont prononcées après le versement du solde de la subvention, elles sont prises par l'agence. [...]". Il résulte des dispositions de l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation que le retrait par l'ANAH d'une aide dont elle a accordé le bénéfice peut être prononcé par l'agence, aussi bien en cours de travaux, après versement d'avances ou d'acomptes, qu'après que l'achèvement des travaux a conduit l'agence à en verser le solde, en cas de non-respect des prescriptions relatives aux conditions d'attribution des aides et selon les modalités fixées par le règlement général de l'ANAH. Des irrégularités portant sur une partie seulement des factures produites pour justifier de la réalisation des travaux et de leur conformité avec les caractéristiques du projet au vu duquel la subvention avait été octroyée peuvent, eu égard à leur nombre, leur nature et leur importance, priver l'ANAH de la possibilité de vérifier le coût des travaux et leur conformité aux caractéristiques du projet faisant l'objet de la subvention et justifier le retrait de celle-ci dans sa totalité.
6. D'autre part, selon l'article 3 du règlement général de l'ANAH, dans sa version alors en vigueur : " En cas d'extension de travaux, il ne peut y avoir de subvention supplémentaire sans dépôt préalable d'une demande complémentaire. En cas de modification substantielle du projet, une nouvelle demande doit être déposée dans les conditions prévues à l'article 1er du présent règlement. ". L'article 14 de ce règlement précise au II : " L'achèvement des travaux doit être justifié par le bénéficiaire de la subvention sous peine de retrait de la décision d'octroi de la subvention et du remboursement des sommes déjà perçues, dans un délai de trois ans, [...] à compter de la notification de la décision attributive de la subvention. / Sur demande motivée du bénéficiaire de la subvention, une prorogation de ces délais, de deux ans maximum, peut être accordée par le délégué de l'agence dans le département ou le délégataire, notamment lorsque des circonstances extérieures à la volonté du demandeur ont fait obstacle à la réalisation des travaux, telles que : - un motif d'ordre familial ou de santé ; - une défaillance d'entreprise ; - des difficultés importantes d'exécution ". Les dispositions de l'article 17-B du même règlement ajoutent que : " Le délégué de l'agence dans le département ou le délégataire peut procéder ou faire procéder à tout contrôle sur place pour [...] la vérification de l'exécution des travaux ou du respect des obligations réglementaires et, le cas échéant, conventionnelles. / [...] Le bénéficiaire de la subvention, ou son mandataire, est averti au préalable du contrôle dont l'immeuble ou le logement subventionné fait l'objet. Il donne son accord pour l'accès et la visite des locaux, suivant un horaire convenu à l'avance avec l'agent chargé du contrôle et, le cas échéant, avec l'occupant du logement. / Lorsque la visite met en évidence le non-respect des obligations réglementaires ou conventionnelles, il est dressé un rapport qui précise la date et le lieu du contrôle et décrit les constatations opérées. Le rapport est signé par l'agent qui a effectué le contrôle, puis adressé, par courrier recommandé avec accusé de réception, au bénéficiaire de la subvention ou à son mandataire, qui peut faire part de ses observations. / En cas d'entrave à la réalisation du contrôle sur place, les documents mettant en évidence la carence du bénéficiaire de la subvention, ou de son mandataire, sont versés au dossier. Ils peuvent être mentionnés dans les motifs d'une éventuelle décision de rejet, de retrait, de reversement, de remboursement ou de sanction ". Aux termes de l'article 18 du même règlement : " Toute demande de paiement [...] doit être effectuée par le bénéficiaire de l'aide ou son mandataire auprès du délégué de l'agence dans le département [...] à l'appui d'un formulaire spécifique accompagné des pièces justificatives mentionnées en annexe. ". Selon l'article 20 du même règlement : " La réception de la demande de paiement par le délégué de l'agence dans le département [...] vaut déclaration d'achèvement de l'opération. / Le délégué de l'agence dans le département, après avoir examiné et vérifié les pièces et documents produits, liquide le montant de la subvention à payer et établit au profit du bénéficiaire un ordre de paiement à transmettre à l'agent comptable [...] / Le délégué de l'agence dans le département atteste et certifie l'exactitude des éléments retenus pour cette liquidation : / - l'identité et la qualité du bénéficiaire ; / - la régularité et la conformité des factures produites ou autres documents produits prévus à l'annexe 1 avec le projet, objet de la décision attributive de subvention ; / - la nature et le montant des travaux retenus au regard de ces factures [...]". Enfin, les dispositions de l'article 21 du même règlement prévoient qu' " En cas de non-respect des prescriptions relatives aux aides de l'ANAH (articles R. 321-12 à R. 321-21 du CCH, engagements conventionnels, présent règlement général...), la décision de subvention sera retirée et tout ou partie des sommes perçues devra être reversé, en application du I de l'article R. 321-21 du CCH et dans les conditions précisées au présent article [...]".
7. La décision du 31 juillet 2017 prononçant le retrait de l'intégralité de la subvention accordée à M. B... et, en conséquence, le reversement de l'acompte versé se fondait, en application de l'alinéa 4 de l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation précité, sur le non-respect des prescriptions relatives aux conditions d'attribution de l'aide. Le premier motif était tiré du fait que les travaux n'avaient pas été réalisés conformément à ceux que l'intéressé s'était engagé à réaliser dans la convention à loyer intermédiaire acceptée par l'ANAH le 20 avril 2010. Contrairement à ce que soutient l'ANAH dans son mémoire récapitulatif après cassation, il ressort de la décision du 31 juillet 2017 que cette dernière comportait un second motif selon lequel " conformément aux dispositions de l'article 3 du règlement général de l'ANAH, toute modification du projet initial ayant fait l'objet d'une demande d'agrément de la part de l'ANAH doit faire l'objet d'une demande complémentaire, validée elle aussi par l'ANAH préalablement à sa réalisation, ce qui n'a pas été le cas pour les travaux réalisés dans votre logement. ". Si l'ANAH soutient que la décision attaquée se fondait aussi sur l'existence d'une surfacturation, un tel motif ne peut être regardé comme justifiant légalement la décision attaquée alors qu'il était seulement mentionné qu'" il semblerait que les travaux réalisés aient fait l'objet d'une surfacturation ", ce qui demeure hypothétique.
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour l'appartement de M. B..., un devis de travaux d'un montant total de 82 989,95 euros avait été établi. Et il ressort du procès-verbal du 19 avril 2016 que les agents instructeurs ayant réalisé la visite ont émis un " avis réservé pour le paiement de la subvention compte-tenu des observations faites concernant des travaux facturés non réalisés ou ne correspondant pas à ce qui a été constaté. ".
9. Il était ainsi constaté, par comparaison entre ce qui a été réalisé et le devis annexé à la convention qu'en partie, les prestations, à hauteur de 5 518 euros, soit n'avaient pas été réalisées, comme le radiateur à inertie pour 2 300 euros alors qu'il avait été facturé, soit n'avaient pas été réalisées conformément à ce devis, à savoir une baignoire en acrylique posée à la place d'une baignoire en fonte (1 985 euros) et un WC ordinaire sur pied au lieu d'un WC suspendu (1 233 euros).
10. Par ailleurs, le procès-verbal recense plusieurs " postes facturés à préciser " à savoir la restauration et le remplacement des tommettes à hauteur de 2 856 euros, des convecteurs électriques et d'un sèche-serviette pour 677 euros et d'un poste plâtrerie et peinture " divers provision " pour 4 500 euros.
11. Au total, la somme de 13 551 euros (5 518 + 2 856 + 677 + 4 500) correspond seulement à 16,33 %, soit environ un sixième, du montant total des travaux prévus et subventionnés. Ces irrégularités, eu égard à leur nombre, à leur nature et à leur importance, ne sauraient donc, au regard de leur caractère réduit par rapport à l'ensemble des travaux, être regardées comme ayant privé l'ANAH de la possibilité de vérifier la conformité des travaux aux caractéristiques du projet faisant l'objet de la subvention. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que ces irrégularités étaient limitées et ne justifiaient pas le retrait de la subvention dans sa totalité. Le premier motif de la décision attaquée ne peut donc valablement justifier le retrait de la subvention.
12. En deuxième lieu, le fait que des modifications aient été apportées au projet sur les travaux de chauffage, le sol, les WC, la baignoire ou même la plâtrerie-peinture prévus initialement n'est pas de nature à justifier qu'un dossier complémentaire soit déposé en application de l'article 3 du règlement de l'ANAH précité, qui exige seulement une demande complémentaire en cas d' " extension des travaux " ou même une nouvelle demande en cas de " modification substantielle du projet " alors qu'ainsi qu'il a été vu au point précédent, les modifications apportées restaient mineures au regard de l'ensemble des travaux. Le second motif de la décision attaquée n'est donc pas non plus de nature à justifier légalement le retrait.
13. Par suite, aucun des motifs de la décision initiale n'est de nature à la justifier légalement.
14. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
15. L'ANAH fait valoir, pour la première fois en appel, après cassation, que les factures devaient être présentées, en application de l'article R. 321-18 du code de la construction et de l'habitation, dans un délai de trois ans comme prévu par l'article R. 321-19 du code de la construction et de l'habitation et par le II de l'article 14 du règlement général, précités, et que ce délai qui a été prorogé à deux ans commençait à courir à compter de l'engagement de la subvention le 20 avril 2010 et expirait donc le 20 avril 2015. Toutefois, un tel motif n'était pas mentionné dans le courrier de l'ANAH du 4 avril 2017 invitant M. B... à présenter ses observations, et ne saurait donc être retenu sans le priver d'une garantie procédurale.
16. Il ne résulte donc pas de l'instruction que l'ANAH aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder initialement sur ce motif. Il n'y a dès lors pas lieu de procéder à la substitution demandée.
17. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 31 juillet 2017.
18. L'annulation de la décision du 31 juillet 2017 implique seulement que l'ANAH examine de nouveau la situation de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'ANAH dirigées contre M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ANAH la somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1703155 du tribunal administratif de Toulon du 15 octobre 2019 et la décision de l'ANAH du 31 juillet 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'ANAH de réexaminer la situation de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Article 3 : L'ANAH versera à M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'ANAH formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2023, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023.
N° 22MA0289802