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07/12/2023 | FRANCE | N°23LY01213

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 07 décembre 2023, 23LY01213


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2208602 du 6 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Pr

océdure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 5 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Villa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2208602 du 6 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2023, M. B... A..., représenté par Me Villard, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 960 euros TTC en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, son conseil s'engageant à exercer l'option prévue à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Par une décision du 5 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 10 octobre 1999 et ressortissant guinéen, est entré sur le territoire français le 25 février 2016 selon ses déclarations. Par un arrêté du 10 octobre 2017, le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour durant un an. La demande d'asile de M. A... a été rejetée notamment par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile en date des 3 juin et 19 novembre 2020. Le préfet de la Haute-Savoie a pris un arrêté le 28 juin 2020 à l'encontre de M. A... portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, puis des arrêtés le 5 mars 2021 portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans et assignation à résidence dans le département de la Haute-Savoie pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable. Le préfet de la Haute-Savoie a repris les mêmes décisions par deux arrêtés du 31 décembre 2021. M. A... a demandé l'asile auprès des autorités suisses, qui l'ont transféré en France le 13 mai 2022. Il a à nouveau été assigné à résidence par arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 13 mai 2022. Il a été interpellé le 28 décembre 2022 puis condamné en comparution immédiate le 29 décembre 2022 à une peine de quatre mois d'emprisonnement. Par un arrêté du 28 décembre 2022, le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 6 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a noué des liens personnels avec des ressortissants français à travers les différentes familles qui l'ont accueilli successivement à leurs domiciles, une enseignante et un directeur délégué aux formations professionnelles de son lycée professionnel, et des personnes qui l'ont accompagné dans le cadre de structures sociales. S'il a obtenu en France un certificat d'aptitude professionnelle d'agent polyvalent de restauration et justifie avoir été apprécié dans le cadre de stages et d'un emploi à durée déterminée du 8 octobre au 29 novembre 2019 dont il a bénéficié au sein d'une entreprise, qui lui a délivré, le 1er mars 2021, une promesse d'embauche de commis de cuisine à temps plein à son bénéfice, il est constant que, selon la consultation décadactylaire du fichier automatisé des empreintes digitales, l'intéressé est connu des forces de l'ordre pour détention non autorisée de stupéfiants du 10 octobre 2018 et il a été condamné le 29 décembre 2022 par le tribunal correctionnel d'Annecy à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour avoir commis le 27 décembre 2022 notamment un vol et un acte de rébellion. Dans ces conditions, M. A..., qui est dépourvu de toute attaches familiales en France, ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Enfin, il n'établit pas ne pas avoir gardé des attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où réside sa mère, quand bien même elle y serait incarcérée, Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-10 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

5. M. A... séjournait sur le territoire français depuis un peu moins de sept ans au jour de la décision attaquée et entretient des liens personnels avec des personnes de nationalité française. Toutefois, il résulte de ce qui a été précédemment retenu qu'il ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française, qu'il est connu pour une détention non autorisée de stupéfiants, qu'il a été condamné pénalement notamment pour vol et acte de rébellion. De plus, M. A... a déjà fait l'objet de mesures d'éloignement les 10 octobre 2017, 28 juin 2020 et 31 décembre 2021 qu'il n'a pas exécutées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français durant trois ans méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

7. M. A... ne peut utilement se prévaloir des stipulations précitées à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français durant trois ans, qui n'ont pas pour objet de fixer le pays de destination. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions formées au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°23LY01213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01213
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : VILLARD MATHILDE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;23ly01213 ?
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