Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 mars 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.
Par un jugement n° 2102151 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Francos, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2021 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité en l'assortissant d'une autorisation de travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et, à tout le moins de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la rétribution prévue en la matière, en application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, la même somme à son propre profit en application des seules dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît " l'article L. 611-3 9° (ancien article L. 511-4, 10°) " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et remplit toutes les conditions de " l'article L. 425-9 " du même code ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est dépourvue de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 5 octobre septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 décembre 2022.
Par une décision du 8 mars 2023, Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli, président-assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane, née le 5 mai 1994 à Obi (Nigéria), est entrée sur le territoire français en 2014, selon ses déclarations. Elle a bénéficié d'une carte de séjour d'un an, puis d'une carte de séjour pluriannuelle de deux ans en qualité d'étranger malade valable jusqu'au 2 octobre 2020. Le 2 octobre 2020, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 22 mars 2021, le préfet de la Haute-Garonne, après avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu le 22 décembre 2020, a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement susvisé du 2 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. L'appelante a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 8 mars 2023. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français: / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie de l'avis d'un collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.
5. Pour refuser à l'appelante, qui est atteinte du VIH diagnostiqué en 2015 en France, la délivrance d'une carte de séjour temporaire, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis du 22 décembre 2020 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précise que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque. Pour contester cet avis, Mme B... verse des certificats médicaux indiquant l'exceptionnelle gravité de cette affection mais relève l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine le Nigéria. Toutefois, ces certificats ne sauraient, à eux seuls et eu égard aux termes généraux dans lesquels ils sont rédigés, être de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pas plus que la documentation générale sur le système de santé au Nigéria, notamment le rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) de 2014 faisant état de discrimination des personnes atteintes de VIH. Dès lors, Mme B... n'établit pas, par les pièces qu'elle verse aux débats, que le traitement que son état de santé nécessite ne serait pas disponible au Nigeria alors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche extraite de la base de données MedCOI (" medical country of origin information ") financée par le fonds asile et migration de l'Union européenne, actualisée en 2020 et produite par l'administration défenderesse en première instance, que les personnes séropositives sont traitées gratuitement au Nigéria dans la quasi-totalité des hôpitaux publics. Par suite, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas fait une inexacte application à sa situation des dispositions de l'article L. 311-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, et désormais codifiées à l'article L. 425-9 de ce code, en lui refusant un droit au séjour sur ce fondement.
6. Par ailleurs, la décision portant refus d'admission au séjour n'étant pas illégale, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.
7. Comme il a été dit au point 5, si l'état de santé de l'appelante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
8. Enfin, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, la décision fixant le pays de destination n'est pas dépourvue de base légale.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission de Mme B... à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Francos.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.
Le président-assesseur,
X. Haïli
Le président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL21488