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07/12/2023 | FRANCE | N°22LY02393

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 07 décembre 2023, 22LY02393


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge, ou, à défaut, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015, ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement n° 1901485 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.



Procédure

devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er août et 12 décembre 2022, M. et Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge, ou, à défaut, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1901485 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er août et 12 décembre 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Briot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes, ou, à défaut leur réduction ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, remise en cause par le tribunal administratif, est irrégulière dès lors qu'elle l'a amené à mentionner des bases légales erronées et à s'appuyer sur des jurisprudences sans rapport avec l'objet du litige, ce qui a porté atteinte au caractère loyal du débat et les a empêchés de contester utilement la rectification ;

- le jugement du tribunal administratif est irrégulier en ce qu'il contient une contradiction entre ses motifs et son dispositif, les premiers juges ayant indiqué que le gain réalisé relevait du régime des plus-values à long terme taxables au taux de 16 %, sans prononcer la réduction induite par cette qualification ;

- la plus-value en litige relève de l'exonération prévue à l'article 151 septies du code général des impôts, l'administration ne contestant pas que les conditions générales prévues par cet article sont remplies ; au demeurant, M. A... justifie des revenus tirés de la marque Lim au cours des années 2013 à 2015 ; la concession de la marque Lim était au cœur de son activité professionnelle, dès lors que cette concession et son activité de dirigeant de la société Lim, concessionnaire, qui le rémunérait en cette qualité, formaient un tout indissociable ;

- il est pris acte du dégrèvement prononcé en cours d'instance, qui tire les conséquences du jugement du tribunal administratif en ce qui concerne le régime d'imposition applicable à la cession de marque réalisée par M. A... ;

- jusqu'à la cession intervenue en 2015, M. A... a toujours exploité, à titre professionnel et personnel, la marque Lim, même si cette marque était concédé à une société dont il était associé et dirigeant, en créant, déposant et maintenant les différents dépôts de la marque au niveau national et international, en assurant la stratégie relative au développement de la marque et en faisant évoluer le visuel de la marque, alors que la concession était nécessaire pour lui permettre de percevoir une rémunération pour son travail de créateur et développeur ;

- la pénalité de 40 % pour manquement délibéré est injustifiée, dès lors qu'ils n'ont pas dissimulé la vente réalisée, qui a été enregistrée et qu'ils ont pu légitimement penser que la plus-value réalisée était exonérée.

Par un mémoire, enregistré le 16 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- par décision du 14 novembre 2022, l'administration a prononcé le dégrèvement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2015 à hauteur de 109 349 euros, qui correspond à la différence entre le montant initialement réclamé aux intéressés et celui résultant de l'imposition de la plus-value litigieuse au taux de 16 % prévu à l'article 39 quindecies du code général des impôts ;

- pour le surplus, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a cédé le 2 décembre 2015 à la société Lim Investment SA, société de droit luxembourgeois dont il est administrateur et associé, l'intégralité des droits de propriété et de jouissance qu'il détenait sur la marque Lim, au prix de 400 000 euros. Il a procédé à l'enregistrement de cette cession le 17 décembre 2015 auprès du service des impôts des entreprises du Puy-en-Velay sans déclarer la plus-value correspondante. A l'issue d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2014 et 2015, l'administration a taxé cette plus-value dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et a, en conséquence, assujetti M. et Mme A... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2015, assorties de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge et, subsidiairement, à la réduction de ces impositions et des majorations correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué et l'étendue du litige :

2. Dans les motifs du jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à la demande de l'administration tendant à ce que soient substituées au fondement légal initialement retenu pour l'imposition de la plus-value réalisée par M. A... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les dispositions de l'article 39 duodecies du code général des impôts, relatif aux plus-values à long terme imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Les premiers juges n'ont toutefois tiré aucune conséquence de cette substitution de base légale et rejeté la demande de M. et Mme A....

3. Par une décision du 14 novembre 2022, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration a prononcé le dégrèvement partiel, à concurrence de 74 692 euros en droits et de 34 657 euros en pénalités, du complément d'impôt sur le revenu et des majorations mis à la charge de M. et Mme A... au titre de l'année 2015, le ministre indiquant, dans ses écritures, que ce dégrèvement est la conséquence de l'imposition de la plus-value réalisée par M. A... dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au taux de 16 % prévu à l'article 39 quindecies du code général des impôts. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

4. Si M. et Mme A... soutiennent, en appel, que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, faute pour le tribunal d'avoir tiré, dans son dispositif, en prononçant la réduction correspondante, les conséquences de l'imposition de la plus-value en litige dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux qu'il a retenue, ce moyen est, compte-tenu du dégrèvement prononcé par la ministre, énoncé au point 3 ci-dessus, désormais sans portée utile.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. Le moyen tiré de ce que, en imposant la plus-value réalisée par M. A... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur le fondement du 3° du 2. de l'article 92 du code général des impôts, l'administration a porté atteinte à la loyauté des débats et les a empêchés de contester utilement la rectification opérée, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 de leur décision.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

6. Aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel. / II. - Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, à l'exception de celles afférentes aux biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G, et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées pour : / 1° La totalité de leur montant lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à : / a) 250 000 € s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés, ou s'il s'agit d'entreprises exerçant une activité agricole ; / b) 90 000 € s'il s'agit d'autres entreprises ou de titulaires de bénéfices non commerciaux ; / 2° Une partie de leur montant lorsque les recettes sont supérieures à 250 000 € et inférieures à 350 000 € pour les entreprises mentionnées au a du 1° et, lorsque les recettes sont supérieures à 90 000 € et inférieures à 126 000 €, pour les entreprises mentionnées au b du 1°. (...) IV. - Le montant des recettes annuelles s'entend de la moyenne des recettes, appréciées hors taxes, réalisées au titre des exercices clos, ramenés le cas échéant à douze mois, au cours des deux années civiles qui précèdent la date de clôture de l'exercice de réalisation des plus-values. ".

7. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de cette exonération est, notamment, subordonné à la condition que le bien dont la cession a dégagé une plus-value ait été affecté à l'une des activités qu'elles visent, et que celle-ci ait été exercée à titre individuel par le cédant pendant une période de cinq ans précédant la cession.

8. Par un acte du 2 décembre 2015, M. A... a cédé la marque Lim, qui désigne des outils et procédés de mesure, à la société Lim Investment SA, qui détenait 75 % du capital de la société Lim SAS, dont il était le fondateur, l'associé majoritaire et le dirigeant, au prix de 400 000 euros, montant porté au crédit du compte courant que M. A... détient dans les comptes de la société Lim Investment SA. Il résulte de l'instruction que M. A..., qui a procédé aux dépôts successifs de la marque depuis son premier enregistrement en 1985, en a concédé, moyennant rémunération, l'exploitation à la société Lim SAS depuis 1990, en dernier lieu, par un contrat de licence de marque du 29 juin 2012. Dans ces conditions, celui-ci ne peut être regardé comme ayant exploité personnellement la marque en litige pendant la période de cinq ans précédant la cession, les circonstances qu'il était dirigeant de la société Lim SAS, concessionnaire de la marque Lim et qu'il, se soit, pendant cette période, chargé à titre personnel, de maintenir la protection juridique de sa marque, étant, à cet égard sans incidence. M. et Mme A... ne sont dès lors pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration leur a refusé, sur le fondement de l'article 151 septies du code général des impôts, le bénéfice de l'exonération totale de la plus-value réalisée en 2015 à l'occasion de la cession de cette marque.

Sur les majorations :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. En se bornant à relever que M. et Mme A... ne pouvaient ignorer le caractère imposable de la plus-value de cession réalisée par M. A..., qu'ils se sont abstenus de déclarer, la disponibilité de la somme correspondant au prix de cession, inscrite en compte courant d'associé, et l'importance de la minoration de l'impôt dû au titre de l'année 2015, l'administration fiscale n'apporte pas la preuve, qui lui incombe en application de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée de M. et Mme A... d'éluder l'impôt alors, au demeurant, qu'ils ont fait enregistrer la cession en litige auprès du service des impôts des entreprises. Par suite, les intéressés sont fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a appliqué la pénalité de 40 % pour manquement délibéré aux impositions résultant de la taxation de la plus-value.

11. Il résulte de ce qui précède, et sous réserve du dégrèvement prononcé en cours d'instance, que M. et Mme A... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge de la pénalité de 40 % dont ont été assorties les cotisations supplémentaire d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu, à concurrence de la somme de 109 349 euros, de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A... tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2015, ainsi que des majorations correspondantes.

Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés de la majoration de 40 % appliquée aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 28 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02393
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-005 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;22ly02393 ?
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