Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1901756 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juin 2022 et 6 mars 2023, M. B... A..., représenté par le Cabinet Fidal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner la décharge de cette imposition ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Il soutient que :
- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a usé de manière implicite de la théorie de l'abus de droit et l'a privé de la garantie tirée de la saisine du comité de l'abus de droit fiscal ;
- la procédure de licenciement qui a abouti à un accord transactionnel est réelle et il n'est pas parti volontairement à la retraite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 17 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Porée, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur l'année 2012 à la suite duquel l'administration a réintégré dans son revenu imposable, dans la catégorie des traitements et salaires, des indemnités de 136 000 et 80 000 euros versée par la société APRR dont il était salarié à l'occasion de son licenciement prononcé le 19 septembre 2012 au motif qu'ayant fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2013, l'indemnité ne présentait pas le caractère d'une indemnité transactionnelle de rupture du contrat de travail exonérée d'impôt. La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012, établie suivant la procédure contradictoire, a été assortie de la majoration pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement du 28 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "
3. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. L'obligation qui est ensuite faite à l'administration de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents qui contiennent les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux. Dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner ne sont pas détenus par l'administration fiscale, il appartient à l'administration fiscale d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure d'en demander communication au tiers qui les a en sa possession.
4. Il résulte de la proposition de rectification du 28 août 2015 et de la réponse aux observations du contribuable du 21 décembre 2015 que l'administration s'est fondée, pour procéder au rehaussement en litige, sur le procès-verbal de contrôle de la société APRR établi par l'URSSAF de Bourgogne et dont il ressort notamment qu'il a été retrouvé dans la comptabilité de la société APRR une facture de la société Carrefour d'un montant de 283,44 euros enregistrée le 4 décembre 2012 se rapportant à une tablette tactile destinée à M. A... en cadeau de départ à la retraite, ainsi qu'un courriel du 17 juillet 2013 par lequel un salarié de la société APRR a établi un tableau mentionnant le départ à la retraite de M. A..., et l'existence de divers justificatifs de cadeaux " coffret vin et livres " offerts à M. A... par la société APRR lors de l'événement organisé pour son départ à la retraite. Par une lettre du 4 janvier 2016, le requérant a demandé à l'administration la communication de l'ensemble des pièces fondant les rehaussements. Par un courrier du 6 janvier 2016, l'administration a transmis à M. A... la copie du procès-verbal de contrôle de la société APRR établi par l'URSSAF. Si l'intéressé fait valoir que l'administration ne lui a transmis ni la facture de la société Carrefour, ni le courriel du 17 juillet 2013, ni les divers justificatifs de cadeaux " coffret vin et livres ", il résulte de ce qui vient d'être dit que l'administration s'est fondée sur le procès-verbal de contrôle et n'a pas été destinataire des trois pièces évoquées par ce procès-verbal. Ainsi, elle n'avait pas à communiquer ces pièces au requérant et n'avait pas davantage à l'informer de ce que les pièces étaient détenues par l'URSSAF, cette indication se déduisant de la lecture de cet acte. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. "
6. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration invoque des faits constitutifs d'un abus de droit pour justifier un chef de redressement, le contribuable, qui n'a pas demandé la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit, doit être regardé comme ayant été privé de la garantie tenant à la faculté de provoquer cette saisine si, avant la mise en recouvrement de l'imposition, l'administration omet de l'aviser expressément que le redressement a pour fondement les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.
7. Pour justifier l'imposition en litige, l'administration fiscale a estimé que les sommes versées à M. A... à la suite de son licenciement devaient être qualifiées d'indemnités de départ à la retraite négociées avec son employeur. En procédant de la sorte, l'administration n'a pas entendu écarter la notification de licenciement du 29 septembre 2012 et le protocole transactionnel du 30 septembre 2012 en raison de leur caractère fictif, mais s'est seulement bornée à estimer que les circonstances et les conditions dans lesquelles ils avaient été pris ne permettait pas de justifier du caractère non imposable desdites indemnités. Cette analyse ne repose donc pas sur la dénonciation implicite d'un abus de droit, pour lequel l'administration aurait été tenue de mettre en œuvre la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. En outre, la circonstance que l'URSSAF a mis en œuvre, dans le cadre de son contrôle de la société APRR, la procédure d'abus de droit prévue à l'article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, est sans incidence sur la procédure menée par l'administration fiscale à l'égard de M. A.... Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration s'est implicitement placée sur le terrain de l'abus de droit sans respecter les garanties applicables à cette procédure doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
8. Aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. Ne constituent pas une rémunération imposable : 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; / 2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail ; / 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail (...) ".
9. Pour déterminer si une indemnité versée à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes versées au salarié. Ces dernières ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 1235-3 du code du travail que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités, accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont exonérées d'imposition. La détermination par le juge de la nature des indemnités se fait au vu de l'instruction.
10. S'il ressort de la lettre de la société APRR du 25 avril 2012 des divergences entre M. A... et la direction de la société concernant l'exercice de ses responsabilités de directeur technique et clientèle, il en résulte également que M. A... a été affecté à un poste de chargé de mission auprès du PDG de la société compte tenu de sa " précieuse expérience " à compter du 1er juin 2012. Si le courrier de la société APRR du 2 août 2012 indique qu'il existait des difficultés pour M. A... à s'intégrer dans les nouvelles évolutions organisationnelles souhaitées par la direction générale de l'entreprise, ce courrier se limite à procéder à un rappel au requérant. En outre, M. A... a fait valoir ses droits à la retraite à effet du 1er janvier 2013, à la suite des trois mois de préavis. La société APRR n'a pas délivré à M. A... l'attestation destinée à Pôle Emploi, alors que la lettre de licenciement du 19 septembre 2012 en prévoyait la délivrance. De plus, M. A... reconnaît dans ses propres écritures l'organisation d'un évènement festif un mois après son départ et admet avoir reçu à cette occasion deux livres et une tablette et n'établit pas que, comme il l'affirme, le licenciement serait resté confidentiel aux yeux de ses anciens collègues. Il ne conteste pas que les cadeaux qu'il a reçus à l'occasion de son départ de l'entreprise ont été financés par la société APRR. Enfin, il est constant que la société APRR n'a pas contesté le motif de rehaussement opposé par l'URSSAF tiré de l'absence de licenciement effectif dans sa réponse à l'URSSAF du 1er décembre 2014. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les indemnités versées à M. A... par son employeur à l'occasion de la rupture du contrat de travail en 2012 ne constituaient pas des indemnités de licenciement non imposables et qu'elle les a soumises à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires, sur le fondement de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01969