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07/12/2023 | FRANCE | N°21TL02881

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 07 décembre 2023, 21TL02881


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le maire de Valros a refusé de délivrer à l'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses un permis de construire pour la transformation d'un hangar ouvert sur façade en local fermé pour une surface de plancher de 100 m².



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n jugement n° 1903638 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le maire de Valros a refusé de délivrer à l'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses un permis de construire pour la transformation d'un hangar ouvert sur façade en local fermé pour une surface de plancher de 100 m².

Par un jugement n° 1903638 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA02881 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL02881 les 21 juillet 2021 et 3 octobre 2022, M. B... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses, représentés par Me Peter, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le maire de Valros a refusé de délivrer à l'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses un permis de construire pour la transformation d'un hangar ouvert sur façade en local fermé pour une surface de plancher de 100 m² ;

3°) d'enjoindre au maire de Valros de délivrer à M. B... le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Valros une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt pour agir ;

- leur requête d'appel n'est pas tardive ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- les travaux projetés, n'emportent pas modification de l'emprise au sol et changement de destination du hangar existant, rendent l'immeuble existant plus conforme aux dispositions de l'article UA-1 du règlement du plan local d'urbanisme et sont donc étrangers à ces dispositions ;

- la décision attaquée est illégale par exception d'illégalité du règlement de la zone UA qui aurait dû prendre en compte, en application de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme, l'emplacement historique du domaine des Creisses au centre du village afin de permettre l'aménagement, la transformation ou l'extension des bâtiments agricoles existants ; en outre, ce règlement n'est pas cohérent avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables visant à préserver le patrimoine du centre historique ; en édictant une interdiction générale, sans la moindre nuance ou règle dérogatoire, le règlement de la zone UA porte donc une atteinte grave à l'activité économique de M. B... et de son exploitation agricole.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2022, la commune de Valros, représentée par Me Ducroux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. B... et autre.

Par ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Peter, représentant M. B... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses et Me Mouakil, représentant la commune de Valros.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses, dont le représentant légal est M. B..., a déposé le 15 février 2019 une demande de permis de construire pour la transformation d'un hangar ouvert sur façade en local fermé pour une surface de plancher de 100 m². Par un arrêté du 14 mai 2019, le maire de Valros a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. Par la présente requête, M. B... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. (...). ". Aux termes de l'article A. 424-1 du même code : " La décision expresse prise sur une demande de permis de construire, d'aménager ou de démolir ou sur une déclaration préalable prend la forme d'un arrêté. ". Aux termes de l'article A. 424-4 du même code : " (...) l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision (...) ".

3. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le maire de Valros a refusé de délivrer le permis de construire à l'entreprise requérante au motif que les travaux projetés, qui consistent en la transformation d'un hangar ouvert en local fermé pour le stockage de bouteilles de vin, méconnaissent les dispositions de l'article UA 1 du règlement du plan local d'urbanisme qui interdisent les constructions à destination d'exploitation agricole. Dans ces conditions, et alors même que l'arrêté ne mentionne pas si le projet de construction est conforme aux autres dispositions relatives à l'utilisation des sols, la décision portant refus de permis de construire est suffisamment motivée en fait et en droit. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, si un permis de construire ne constitue pas un acte d'application de la réglementation d'urbanisme en vigueur et si, par suite, un requérant demandant son annulation ne saurait utilement se borner à soutenir, pour l'obtenir, qu'il a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal, mais doit faire valoir, en outre, que ce permis méconnaît les dispositions d'urbanisme pertinentes remises en vigueur en application de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, cette règle ne s'applique pas au refus de permis de construire, lorsqu'il trouve son fondement dans un document d'urbanisme. Dans ce cas, ainsi que le prévoit le dernier alinéa de l'article L. 600-12-1, l'annulation ou l'illégalité de ce document d'urbanisme entraîne l'annulation du refus de permis de construire pris sur son fondement, sauf au juge à procéder, le cas échéant, à une substitution de base légale ou de motifs dans les conditions de droit commun.

5. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. Il peut définir, en fonctions des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-18 du même code : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ". Aux termes de l'article R. 151-13 dudit code : " Les règles générales peuvent être assorties de règles alternatives qui en permettent une application circonstanciée à des conditions locales particulières ". Aux termes de l'article R. 151-33 de ce code : " Le règlement peut, en fonction des situations locales, soumettre à des conditions particulières : 1° Les types d'activités qu'il définit ; 2° Les constructions ayant certaines destinations ou sous-destinations ; (...) ".

6. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, et leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

7. L'article 1 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme, qui correspond au centre ancien du village de Valros à vocation mixte d'habitations, de commerces et d'activités de service, interdit " les constructions ayant une des destinations ou sous-destinations suivantes : exploitation agricole et forestière ; commerce de gros ; industrie ; entrepôts ". De plus, l'axe n°3 du projet d'aménagement et de développement durables prévoit de " préserver l'organisation urbaine du cœur du village et valoriser ses qualités architecturales et patrimoniales " et son axe n°4 consacré à la préservation des espaces viticoles et de la nature, prévoit d'" encadrer l'implantation des bâtiments agricoles au regard de la sensibilité paysagère de la commune ". Enfin, le rapport de présentation précise par ailleurs que : " le stockage du petit matériel agricole s'effectue le plus souvent aux domiciles des vignerons, souvent au cœur du village, dans des granges attenantes à leur habitation, voir en rez-de-chaussée (...). L'enjeu du PLU est de permettre l'implantation de nouveaux bâtiments agricoles pour que les agriculteurs puissent mener à bien leur projet, sans risque de conflits d'usages avec les habitants. L'implantation en dehors des espaces résidentiels est de fait préférable ".

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... est propriétaire d'un ensemble immobilier composé de deux parcelles cadastrées ... comprenant deux grands bâtiments agricoles utilisés depuis 1904 comme cave de vinification au sein de la zone UA du règlement du plan local d'urbanisme. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions de l'article 1 du règlement de la zone UA sont pas incohérentes avec l'orientation du projet d'aménagement et de développement durables visant à préserver l'identité patrimoniale du centre historique, les auteurs du plan local d'urbanisme ayant au contraire souhaité que les activités agricoles soient implantées en dehors des espaces résidentiels. En outre, même si le règlement du plan local d'urbanisme ne prévoit pas de déroger à l'article 1 du règlement de la zone UA pour lui permettre de développer son activité économique et l'empêche de transformer ou d'étendre les constructions existantes pour l'exploitation agricole, cet article qui répond au parti d'aménagement retenu par les auteurs du plan local d'urbanisme ne révèle pas une appréciation manifestement erronée. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme de Valros doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article UA 1 du règlement du plan local d'urbanisme : " (...) sont interdites en zone UA les constructions ayant une des destinations ou sous-destinations suivantes : exploitation agricole et forestière ; commerce de gros ; industrie ; entrepôts (...) ".

10. La circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan local d'urbanisme régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions.

11. Il ressort des pièces du dossier que les travaux en litige visent à permettre la fermeture d'un hangar agricole existant afin de réaliser un abri fermé destiné au stockage des bouteilles de vin pour une surface de plancher créée de 100 m². Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces travaux n'emportent pas changement de destination du bâtiment agricole existant, les bâtiments à usage d'entrepôt étant au demeurant également interdits dans la zone UA du plan local d'urbanisme. En outre, d'une part, ils portent sur une construction existante non conforme au règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone UA et d'autre part, les travaux envisagés ne sont pas étrangers à la règle méconnue de l'article UA 1 et n'ont pas pour effet de rendre la construction plus conforme à cette règle. Par suite, l'arrêté en litige portant refus de permis de construire n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation au regard du principe précité au point 10 du présent arrêt.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Valros qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... et de l'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses la somme totale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à la commune de Valros.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... et autre est rejetée.

Article 2 : M. B... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée A... B... - Domaine des Creisses verseront à la commune de Valros une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, et à la commune de Valros.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

J.-F. MoutteLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21TL02881


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02881
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUTTE
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : DL AVOCATS - ME DUCROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;21tl02881 ?
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