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07/12/2023 | FRANCE | N°21BX02452

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 07 décembre 2023, 21BX02452


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a rejeté sa demande en date du 15 février 2019 tendant au bénéfice d'une indemnité pour mission particulière (IMP) sur la base d'un montant de 2 500 euros au lieu de 1 250 euros au titre de l'année scolaire 2018-2019 et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la prime au taux annuel de 2 500 euros assortie des int

érêts et de la capitalisation des intérêts et la somme de 500 euros au titre de domma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a rejeté sa demande en date du 15 février 2019 tendant au bénéfice d'une indemnité pour mission particulière (IMP) sur la base d'un montant de 2 500 euros au lieu de 1 250 euros au titre de l'année scolaire 2018-2019 et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la prime au taux annuel de 2 500 euros assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts et la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1902964 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 11 janvier 2021 et 12 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A..., représenté par la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1902964 du 9 novembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a rejeté sa demande tendant au bénéfice d'une indemnité pour mission particulière ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser l'indemnité en litige au taux de 2 500 euros ainsi qu'une indemnité de 500 euros en réparation des préjudices subis, le tout sauf à parfaire et outre les intérêts, les intérêts capitalisés ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement de l'affaire relève de la compétence de la cour administrative d'appel ;

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute transmise ne comporte pas la signature des magistrats ;

- le tribunal a statué irrégulièrement en relevant d'office un moyen que le recteur de l'académie n'avait pas soulevé ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit dès lors que le dépassement du seuil de quatre enseignants dans la discipline activités physiques, sportives et artistiques en équivalent temps plein ouvre automatiquement droit au versement de l'indemnité pour mission particulière au taux de 2 500 euros.

Par une décision n° 448541 du 7 juin 2021, le Conseil d'État a attribué le jugement de la requête à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 septembre 2021, 4 février 2022 et 11 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Weyl, demande à la cour ;

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 novembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a rejeté sa demande du 15 février 2019 tendant au bénéfice d'une indemnité pour mission particulière sur la base d'un montant de 2 500 euros au lieu de 1 250 euros au titre de l'année scolaire 2018-2019 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la prime d'indemnité pour mission particulière spécifique aux activités physiques, sportives et artistiques (IMP APS) au taux annuel de 2 500 euros assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- cette décision est entachée d'erreur de droit dès lors que les orientations ministérielles sont définies par la circulaire n° 2015-058 du 29 avril 2015, qui ne prévoit pas d'autre critère que le nombre d'enseignants ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que le seuil de quatre enseignants était dépassé.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 septembre 2023 le recteur de l'académie de Bordeaux conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés

Par ordonnance du 8 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2015-475 du 27 avril 2015 ;

- l'arrêté du 27 avril 2015 fixant le taux de l'indemnité pour mission particulière ;

- la circulaire n° 2015-058 du 29 avril 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Romain Roussel-Cera, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., professeur d'éducation physique et sportive affecté au collège de Mios, a exercé la mission de coordinateur des activités physiques, sportives et artistiques au titre de l'année scolaire 2018-2019. Il a bénéficié du versement de l'indemnité pour missions particulières (IMP) au taux annuel de 1 250 euros. Par un courrier du 15 février 2019, il a demandé au recteur de l'académie de Bordeaux de lui attribuer l'indemnité au taux de 2 500 euros. M. A... relève appel du jugement du 9 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a rejeté sa demande et à la régularisation de sa situation par le versement des sommes dues à ce titre.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort de la minute du jugement attaqué, produite au dossier, que celui-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée au requérant ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur sa régularité.

4. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. (...) ".

5. Pour rejeter les conclusions de M. A..., le tribunal administratif de Bordeaux, a relevé que selon les dispositions du décret du 27 avril 2015, de l'arrêté du même jour et de la circulaire du 29 avril 2015, le nombre d'enseignants en équivalent temps plein n'est que l'un des critères pris en compte pour fixer le taux de l'indemnité pour mission particulière, le recteur devant également apprécier l'importance effective et les conditions d'exercice de la mission particulière exercée par l'enseignant. Ce faisant, le tribunal n'a pas soulevé d'office un moyen de défense mais a interprété les dispositions qui déterminent les conditions d'attribution de l'indemnité pour mission particulière. Le requérant n'est, dès lors, fondé à soutenir ni que les premiers juges ont méconnu les limites de leur office en relevant ce moyen d'office ni qu'ils ont méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative en omettant de le communiquer aux parties.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions relatives au versement de l'indemnité pour mission particulière :

6. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 avril 2015 instituant une indemnité pour mission particulière allouée aux personnels enseignants et d'éducation exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré : " Une indemnité peut être allouée aux personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré et assurant, avec leur accord, une mission particulière soit à l'échelon académique, soit au sein de leur établissement d'exercice (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les taux annuels de l'indemnité définie à l'article 1er sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation nationale, de la fonction publique et du budget ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Dans le cadre des orientations fixées par le ministre chargé de l'éducation nationale, les missions suivantes, mises en œuvre au niveau d'un établissement public d'enseignement du second degré, donnent lieu à l'attribution de l'indemnité instituée à l'article 1er aux personnels enseignants et d'éducation désignés, avec leur accord, par le chef d'établissement, lorsque les besoins du service le justifient, pour les assurer : (...) - coordonnateur des activités physiques, sportives et artistiques (...) ". Enfin, l'article 9 de ce décret dispose : " Sur la base des orientations définies aux articles 6 et 8 et des taux mentionnés à l'article 2 du présent décret, le chef d'établissement propose au recteur d'académie les décisions individuelles d'attribution de l'indemnité instituée à l'article 1er, en fonction de l'importance effective et des conditions d'exercice de la mission. Ces critères prennent notamment en compte les caractéristiques de l'établissement, le nombre d'enseignants qui y exercent et le nombre d'élèves concernés ".

7. Les taux de l'indemnité pour mission particulière sont fixés par un arrêté interministériel du 27 avril 2015 qui précise que l'attribution d'un taux tient compte des orientations fixées par le ministre chargé de l'éducation nationale ainsi que de l'importance effective et des conditions d'exercice de la mission. En application des dispositions précitées de l'article 6 du décret du 27 avril 2015, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a défini, par la circulaire n° 2015-058 du 29 avril 2015 publiée au bulletin officiel du 30 avril suivant, le contenu de la mission de coordonnateur des activités physiques, sportives et artistiques, les modalités de détermination des besoins du service justifiant l'attribution de l'indemnité pour mission particulière ainsi que le taux de cette indemnité. Sur ces deux derniers points, le ministre a précisé, d'une part, que la mission de coordonnateur des activités physiques, sportives et artistiques devait être mise en place dès lors qu'exercent dans l'établissement au moins trois enseignants d'éducation physique et sportive, assurant au moins cinquante heures de service hebdomadaire, d'autre part, que le taux annuel de cette indemnité devait être fixé à 1 250 euros, et être porté à 2 500 euros lorsque l'établissement compte plus de quatre enseignants d'éducation physique et sportive en équivalent temps plein.

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'équipe enseignante du collège de Mios était composée, au cours de l'année en cause, de quatre enseignants d'éducation physique et sportive qui assuraient pour trois d'entre eux un service à temps complet et un service complet avec une heure supplémentaire pour le dernier. Ainsi, le collège dans lequel exerçait M. A... doit être regardé comme ayant compté plus de quatre enseignants d'éducation physique et sportive en équivalent temps plein à la date de sa demande.

9. D'autre part, la circulaire du 29 avril 2015, qui détermine les orientations définies par le ministre et qui a été prise en application du décret du 27 avril 2015, est invocable par M. A.... Au vu des orientations qu'elle fixe, qui ne prévoient pas la prise en compte d'autre critère que le nombre d'enseignants pour bénéficier du taux le plus élevé, la seule circonstance invoquée par le recteur, tirée de ce que le dépassement du seuil de quatre enseignants d'éducation physique et sportive en équivalent temps plein n'a pas entrainé un accroissement significatif des missions effectuées par l'appelant, n'est pas de nature à justifier le refus qui a été opposé à M. A....

10. Par suite, M. A..., qui remplissait les conditions pour bénéficier de l'indemnité pour mission particulière à un taux de 2 500 euros au titre de l'année scolaire 2018-2019, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a rejeté sa demande du 15 février 2019 tendant au bénéfice d'une indemnité pour mission particulière sur la base d'un montant de 2 500 euros au lieu de 1 250 euros au titre de l'année scolaire 2018-2019 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser ladite prime au taux annuel de 2 500 euros.

11. M. A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 1 250 euros, correspondant à la part de l'indemnité pour mission particulière lui restant due, à compter du 15 février 2019, date de réception de sa réclamation préalable. Par ailleurs, et en application de l'article 1342-2 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. En l'espèce, l'appelant avait demandé le bénéfice de l'anatocisme dans sa demande introduite devant le tribunal administratif le 13 octobre 2020. Par suite, les intérêts peuvent être capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts dès le 15 février 2020, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'octroi de dommages intérêts :

12. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".

13. M. A..., qui se borne à demander la condamnation de l'Etat à l'indemniser à hauteur de la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts ne produit toutefois aucun élément permettant de caractériser un quelconque préjudice en lien avec la décision de refus de versement de l'indemnité pour mission particulière. Par suite, ces conclusions indemnitaires, au demeurant irrecevables en l'absence de liaison du contentieux sur ce point, ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante à l'instance, le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 9 novembre 2020 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a rejeté la demande de M. A... du 15 février 2019 tendant au bénéfice d'une indemnité pour mission particulière sur la base d'un montant de 2 500 euros au lieu de 1 250 euros au titre de l'année scolaire 2018-2019, et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité pour mission particulière au taux annuel de 2 500 euros assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 1 250 euros, correspondant à la part de l'indemnité pour mission particulière lui restant due, assortie des intérêts à compter du 15 février 2019 et de la capitalisation des intérêts à compter du 15 février 2020 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au recteur de l'académie de Bordeaux.

Copie en sera adressée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.

La présidente-assesseure,

Christelle Brouard-Lucas

Le président-rapporteur,

Jean-Claude PauzièsLa greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02452 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02452
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : SCP MASSE - DESSEN - THOUVENIN - COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;21bx02452 ?
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