Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 mai 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2125449/2-3 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Magdelaine, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 12 mai 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté du préfet de police du 26 mai 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence, mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer pendant ce délai une autorisation provisoire de séjour ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de la mettre à ce titre en possession d'une autorisation provisoire de séjour avec un droit au travail ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
-la décision de refus de délivrance d'un certificat de résident est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de l'état de santé de son enfant et de l'indisponibilité en Algérie, d'un traitement adapté à sa pathologie ;
-elle méconnaît les stipulations des articles 6-5 de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 20 juillet 2022.
Par une ordonnance du 14 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 octobre 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., épouse B..., de nationalité algérienne née le 25 août 1984 à Oran (Algérie), entrée en France le 27 décembre 2018, sous couvert d'un visa " C " délivré le 8 novembre 2018, a sollicité le 21 janvier 2021 la délivrance d'un titre de séjour pour accompagner son enfant malade. Par un arrêté du 26 mai 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme B... relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions d'annulation :
2. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par l'article L. 425-9 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.
3. Pour prendre la décision en litige, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, le préfet s'est notamment fondé sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel relève que si l'état de santé de C..., né le 14 avril 2013, fils de Mme B..., nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie.
4. Pour contester ce refus, Mme B... fait valoir que son fils, qui est atteint " d'encéphalopathie convulsivante à début néonatal ", maladie génétique générant un " retard global de développement avec handicap moteur et mental " et des crises d'épilepsie, ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Elle produit tout d'abord, une ordonnance du 14 septembre 2021 prescrivant à l'enfant du Tégretol (anti-épileptique), du Valium (anxiolytique), du Slenyto (mélatonine) destiné à lutter contre les troubles du sommeil, du Doliprane, de la vitamine D et du Forlax. Elle produit ensuite, un certificat médical établi le 8 décembre 2021 par le Dr F..., médecin au sein de l'établissement hospitalier spécialisé en néonatologie à Oran " Benyahia Zohra - Point du jour ", qui décrit la pathologie dont l'enfant est atteint et indique que celui-ci " nécessite une prise en charge thérapeutique adéquate et des soins hautement spécialisés (rééducation fonctionnelle...etc.), non disponible en Algérie ". Elle verse également aux débats plusieurs certificats médicaux établis, en 2020 et 2021, par les médecins qui suivent C... à l'hôpital Armand Trousseau - Assistance publique des hôpitaux de Paris, lesquels indiquent que " il n'y a pas de traitement spécifique qui permette de guérir C... ", mais que le traitement symptomatique consistant en une prise en charge médicosociale en école spécialisée, en médecine physique, en rééducation, en kinésithérapie, psychomotricité, orthophonie et ergothérapie, qui est essentiel pour l'enfant, n'existe pas en Algérie. Elle joint ainsi à ses écritures des pièces attestant d'un suivi pédopsychiatrique de C... depuis le mois de novembre 2019, de la mise en place de séances hebdomadaires de kinésithérapie, et de ce que l'enfant est accueilli du lundi au vendredi depuis le mois de novembre 2021, au sein de l'externat médico-éducatif " La Colline ". Elle se réfère enfin à la liste des médicaments disponibles en officine, et produit des captures d'écran de recherches infructueuses effectuées sur le site Internet " Pharm'Net " (référentiel algérien du médicament) et des documents relatifs à la pénurie de médicaments en Algérie, aux inégalités d'accès aux soins et à l'impact de la Covid 19 sur le système national de santé. Toutefois, il ressort des pièces produites en défense, en première instance, que l'antiépileptique prescrit à C..., le Doliprane, le Forlax et la vitamine D sont disponibles en Algérie. Par ailleurs, il ressort de la liste des traitements vendus dans les officines algériennes et des extraits du site " Pharm'Net " que des médicaments relevant de la catégorie des anxiolytiques et des somnifères le sont également. Or, l'appelante ne soutient pas que le Valium et le Slényto ne seraient pas substituables. Enfin, le préfet de police verse aux débats plusieurs documents attestant de l'existence en Algérie de centres spécialisés dans la prise en charge d'enfants et d'adolescents souffrant de handicaps, dont l'un propose des soins pluridisciplinaires avec un coût de prise en charge adapté, qui est situé à Oran. Dans ces conditions, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, refuser de délivrer un titre de séjour à la requérante.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant : " " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
6. Pour établir que la décision contestée méconnaîtrait les articles 6-5 de l'accord franco-algérien, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant, Mme B... se prévaut uniquement, en appel, de l'état de santé de son fils et de la nécessité pour lui de poursuivre sa prise en charge médicale et éducative. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 4, il n'est pas établi que C... ne pourrait pas bénéficier d'un suivi et d'un soutien approprié dans son pays d'origine. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B..., qui ne fait état d'aucune intégration professionnelle, serait dans l'impossibilité de retourner en Algérie, avec son époux, également en situation irrégulière en France, et leurs deux fils, C... et A..., né le 21 septembre 2017. En outre, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vivent ses parents et ses frères et sœur. Elle y a elle-même vécu jusqu'à l'âge de trente- quatre ans. Dans ces conditions, le préfet de police, en refusant de faire droit à la demande de Mme B..., n'a pas méconnu les stipulations citées ci-dessus.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête ne peut qu'être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pages, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEU
Le président,
J-C. NIOLLET
La greffière,
Z. SAADAOUILa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04034