La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2023 | FRANCE | N°21VE03158

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 décembre 2023, 21VE03158


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... A... F..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une

carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... F..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2101311 du 27 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 26 novembre, le 6 décembre 2021 et le 15 novembre 2023, Mme E... A... F..., épouse D..., représentée par Mbenoun, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 160 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est également entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation familiale et personnelle, au regard notamment de son état de santé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2023, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bonfils a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A... F..., épouse D..., ressortissante congolaise née le 16 janvier 1952 à Brazzaville (République du Congo), est entrée sur le territoire français le 5 février 2016 munie d'un visa court séjour. Le 21 octobre 2017, Mme F..., s'est mariée à M. C... D..., ressortissant français, et s'est vu délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 5 juillet 2019 au 4 juillet 2020. Le 10 août 2020, Mme F..., épouse D..., a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 31 décembre 2020, le préfet du Val-d'Oise a rejeté cette demande, et a fait à Mme F..., épouse D..., obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme F..., épouse D..., relève appel du jugement du 27 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ". De plus, l'article L. 211-5 du même code précise : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige qu'elle mentionne les textes dont elle fait application, notamment les 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles L. 511-1, L. 513-2 et L. 513-3 du même code, ou encore l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, elle énonce les éléments de fait propres à la situation de Mme F..., épouse D..., comme sa date d'entrée sur le territoire français, son mariage avec un ressortissant français, les circonstances qui ont conduit l'autorité préfectorale à considérer qu'il n'était pas justifié de la communauté de vie entre les époux et les attaches familiales conservées par l'intéressée dans son pays d'origine. Ainsi, la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour de Mme F..., épouse D..., comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient Mme F..., épouse D..., la décision en litige expose notamment les motifs qui ont conduit l'autorité préfectorale à considérer que la réalité de la communauté de vie entre les époux n'était pas établie. Ainsi, le préfet du Val-d'Oise a analysé l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressée. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de Mme F..., épouse D....

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ".

6. Pour soutenir que le préfet du Val-d'Oise ne pouvait refuser de renouveler son titre de séjour au motif qu'elle ne justifiait pas de la communauté de vie avec son époux, Mme F..., épouse D..., produit différentes pièces, dont certaines sont postérieures à la décision en litige, adressées au 10 rue des Violettes à Puiseux-en-France (95380) et libellées à son nom ou celui de son époux. Toutefois, outre que ces quelques documents administratifs ou médicaux ne sont pas de nature à établir par leur seul adressage une communauté de vie entre époux, il ressort des pièces du dossier que cette adresse correspond à celle d'un tiers, M. B..., lequel a, par une attestation établie pour les besoins de la cause, déclaré héberger à son domicile la requérante, sans faire aucune mention du mari de cette dernière. En outre, il résulte de l'enquête de domicile et de vie commune menée par la gendarmerie que l'adresse indiquée comme abritant le domicile des époux n'est pas habitée. Dans ces conditions, et alors que Mme F..., épouse D..., a pu justifier du bien-fondé de ses absences pour la période allant du mois de mars à octobre 2020, elle n'établit pas la réalité de la communauté de vie avec son époux pour la période allant de juillet 2019 à mars 2020, soit pour une période significative qui a suivi la délivrance de son premier titre de séjour en qualité de conjoint de français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Mme F..., épouse D..., soutient résider de manière stable et permanente sur le territoire français depuis son arrivée en 2016 et y avoir ses attaches personnelles et familiales. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de sa présence sur le territoire national depuis 2016, la requérante produit essentiellement des documents relatifs à son état de santé mais aussi un récépissé de la demande de son premier titre de séjour " visiteur ", valable du 2 novembre 2018 au 1er mai 2019, une déclaration de revenus au titre de l'année 2017, un récépissé pour un titre de séjour " vie privée et familiale ", valable du 29 mai 2019 au 29 novembre 2019, un avis d'impôt de 2019 sur ses revenus de 2018, un second récépissé pour un titre de séjour " vie privée et familiale ", valable du 10 août 2020 au 9 février 2021, des bulletins de paie en qualité de salariée agricole couvrant la période d'août à octobre 2020 ou encore un avis d'impôt de 2021 sur ses revenus de 2020. Ces éléments épars ne permettent ni de justifier d'une résidence stable et permanente sur le territoire français depuis plus de cinq ans, ni de traduire une insertion particulière au sein de la société française. Par ailleurs, et alors qu'il a été dit au point 6 de l'arrêt qu'elle ne démontre pas la réalité de la communauté de vie avec son époux, la requérante ne justifie pas davantage, par les pièces produites, de la réalité des autres attaches familiales sur le territoire français qu'elle invoque et ne conteste pas la présence de quatre autres de ses enfants dans son pays d'origine, où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 64 ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 8 de l'arrêt, et alors que les documents médicaux produits par Mme F..., épouse D..., évoquent une maladie bénigne stabilisée, qu'en refusant à la requérante le renouvellement de son titre de séjour, mention " vie privée et familiale ", le préfet du Val-d'Oise n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation de l'intéressée. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, Mme F..., épouse D..., n'établissant pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour serait illégale, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, soulevé par la voie de l'exception à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé et doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 8 de l'arrêt que, dès lors notamment que Mme F..., épouse D..., ne démontre pas la réalité d'une vie commune avec son époux de nationalité française, et n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, où vivent quatre de ses enfants, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 12 de la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, à supposer que Mme F..., épouse D..., ait entendu soulever ce moyen, dans la mesure où cet accord étant dépourvu d'effet direct en droit français, il ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une décision administrative.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F..., épouse D..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions présentées à fin d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F..., épouse D..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... F..., épouse D..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Pham, première conseillère,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.

La rapporteure,

M.-G. BONFILS

Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE03158


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03158
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : MBENOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;21ve03158 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award