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05/12/2023 | FRANCE | N°21VE03151

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 décembre 2023, 21VE03151


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 27 avril 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une autorisation prov

isoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement, et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 27 avril 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement, et de saisir les services ayant procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen afin que ces services procèdent à la mise à jour du fichier tenant compte de la décision d'annulation de l'arrêté du 27 avril 2021 par le jugement, en application de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2020.

Par un jugement n° 2105670 du 27 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Orum, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de saisir les services ayant procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen afin que ces services procèdent à la mise à jour du fichier tenant compte de la décision d'annulation de l'arrêté du 27 avril 2021 par l'arrêt, en application de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions du 7) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle ne fait pas état de sa vie professionnelle et de sa durée de présence sur le territoire national ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et professionnelle ;

- la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la condition de garanties de représentation et dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'absence d'indication sur le fait qu'une interdiction de retour sur le territoire français pouvait intervenir méconnaît son droit à être entendu et qu'il n'est pas établi que, dans l'hypothèse où il aurait produit l'ensemble des éléments relatifs à sa situation, l'autorité préfectorale aurait pris la même décision ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il réside sur le territoire national depuis plus de quatorze ans, ce qui est constitutif d'une circonstance humanitaire, et qu'il est intégré socialement et professionnellement à la société française ;

- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2023, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés et se réfère à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bonfils a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant pakistanais né le 1er novembre 1966 à Gujrat (Pakistan), est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2007, selon ses déclarations. A la suite d'un contrôle effectué le 27 avril 2021, le préfet du Val-d'Oise a, par un arrêté du même jour, obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel M. B... pourrait être reconduit d'office et a interdit à ce dernier tout retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 27 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ". De plus, l'article L. 211-5 du même code précise : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que celle-ci mentionne les textes dont elle fait application, notamment le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision indique également que M. B... a déclaré être entré sur le territoire français en 2007, qu'il a été contrôlé en situation irrégulière après s'être soustrait à l'exécution de l'une des précédentes mesures d'éloignement prononcées à son encontre par le préfet des Hauts-de-Seine, que l'intéressé ne dispose pas d'une résidence effective et permanente, et elle fait enfin état des éléments de la situation familiale. Ainsi, la décision portant obligation de quitter le territoire comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et permet ainsi à M. B... d'en contester utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., la décision en litige fait état de ce que le requérant indique être arrivé en France en 2007. Ainsi, le préfet du Val-d'Oise a fait état de la durée de présence sur le territoire français dont se prévaut l'intéressé et a précisément analysé l'ensemble des éléments relatifs à la situation de M. B..., ainsi que cela a été exposé au point précédent. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise aurait entaché son arrêté d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé.

5. En troisième lieu, M. B... ne justifiant pas du dépôt d'une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions.

6. En quatrième lieu, M. B... fait grief à la décision en litige de ne faire état ni de sa durée de présence en France, ni de sa situation professionnelle. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 4 de l'arrêt, le préfet du Val-d'Oise a pris en compte la date déclarée par l'intéressé de son entrée en France. D'autre part, le requérant, qui ne fait état devant la cour que de la dernière page d'un contrat à durée indéterminée daté du 20 juin 2017 et d'une promesse d'embauche établie postérieurement à la décision en litige, ne justifie pas par ces seuls documents d'une insertion professionnelle, pas plus, au demeurant, qu'il n'allègue avoir fait état du moindre élément sur ce point devant l'autorité préfectorale. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été interpellé par les services de police le 27 avril 2021 alors qu'il se trouvait en situation irrégulière depuis son entrée sur le territoire français. M. B... produit des ordonnances médicales, des courriers de la caisse primaire d'assurance maladie, des justificatifs de transport, la dernière page d'un contrat de travail, non assortie de bulletins de paie, et des avis d'impôt sur les revenus des années 2008, 2009 et 2010, outre une attestation de domicile du 5 juin 2012 du centre d'action sociale protestant au titre de cette même période, laquelle indique qu'il ne dispose " d'aucune adresse sur le département de Paris ou sur un autre département " et que l'adresse référencée constitue uniquement une domiciliation administrative. Ces éléments ne permettent pas de justifier d'une résidence stable et permanente en France pour la période allant de 2008 à 2017, seuls deux avis de taxe d'habitation attestant d'une résidence effective et permanente au titre des années 2018 et 2019. A supposer même que les justificatifs produits permettent de considérer que M. B... est présent de manière permanente et continue sur le territoire français depuis 2009, dates des premières pièces versées au dossier, il est constant que le requérant a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement, prononcées par deux arrêtés du préfet des Hauts-de-Seine des 5 mars 2018 et 16 mai 2019. Par ailleurs, si l'intéressé se prévaut d'une insertion professionnelle, il n'en justifie pas par la seule production de la dernière page d'un contrat de travail signé avec la SARL " KM Pro " le 20 juin 2017, dont il allègue, sans l'établir, qu'il serait à durée indéterminée ainsi que, pour la première fois en appel, d'une promesse d'embauche au sein de la SASU " Bati Zaiq " en qualité de peintre avec une prise de fonction estimée au 11 octobre 2021, soit postérieurement à la date de la décision attaquée. Ainsi, et dès lors que M. B... n'établit ni même n'allègue disposer de liens personnels ou familiaux suffisamment anciens, intenses et stables sur le territoire national, ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans, le préfet du Val-d'Oise n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale de l'intéressé en prononçant une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de ce dernier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, en faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, le préfet du Val-d'Oise n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation de l'intéressé.

Sur la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire :

10. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ".

11. En premier lieu, la décision en litige, qui vise le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise qu'il existe un risque que M. B... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dès lors qu'il est entré en France sans être en possession des documents et visa exigés à l'article L. 211-1 du même code et s'est maintenu dans la clandestinité. Elle est également motivée par le fait que l'intéressé s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement édictée par le préfet des Hauts-de-Seine le 16 mai 2019 et qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Dans ces conditions, la décision en litige est suffisamment motivée et le moyen doit être écarté.

12. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire national et qu'il a fait l'objet de deux mesures d'éloignement prononcées par le préfet des Hauts-de-Seine par deux arrêtés des 5 mars 2018 et 16 mai 2019. Par ailleurs, M. B... ne justifie d'aucune habitation effective et permanente depuis son entrée en France en 2007, à l'exception des années 2018 et 2019. S'il produit un chèque énergie délivré par le ministère de la transition écologique et solidaire en 2020, cet élément est insuffisant pour considérer que la domiciliation dont il se prévaut à Garges-Lès-Gonesse était encore effective à la date de la décision attaquée. Enfin, dès lors que la décision attaquée a été prise sur le fondement du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur celui du 1° du même article, le requérant ne peut utilement soutenir qu'il ne constitue aucune menace pour l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 11 et 12 que M. B... n'établit pas que la décision portant refus de lui octroyer un délai de départ volontaire serait entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité, alléguée par la voie de l'exception, de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire doit être écarté.

15. En deuxième lieu, l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères énumérés par les dispositions précitées, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. En outre, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose, cependant, que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Cette décision doit, par ailleurs, faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels l'autorité a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. L'autorité administrative doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

16. La décision attaquée vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait référence expressément aux dispositions du premier alinéa du III de cet article. Par ailleurs, elle mentionne la date d'entrée sur le territoire dont M. B... se prévaut, l'absence d'attache familiale de l'intéressé sur le territoire français, de même que l'absence de circonstances humanitaires, mais également la précédente mesure d'éloignement à l'exécution de laquelle M. B... s'est soustrait. Ainsi, et nonobstant l'absence de mention que la présence du requérant sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public, la décision contestée du préfet du Val-d'Oise comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

17. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été interpellé par les services de police le 27 avril 2021 alors qu'il résidait de manière irrégulière sur le territoire français depuis 2007, selon ses propres déclarations, et qu'il a été entendu concernant les différents aspects de sa situation et les précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet avant que ne soit édictée à son encontre la décision en litige. En outre, au vu des pièces qu'il produit devant la cour, le requérant n'établit pas avoir été privé de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu modifier le sens de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

18. En quatrième lieu, s'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... constituerait une menace pour l'ordre public, ainsi que le requérant est fondé à le faire valoir, il est en revanche établi que l'intéressé se trouve en situation irrégulière sur le territoire français depuis son arrivée en France, sans avoir jamais cherché à régulariser sa situation. En outre, il ne justifie d'aucune insertion, personnelle ou professionnelle, au sein de la société française. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet du Val-d'Oise a édicté à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans.

19. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent et au point 8 de l'arrêt, la décision faisant à M. B... interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Pham, première conseillère,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.

La rapporteure,

M.-G. BONFILS

Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE03151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03151
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : ORUM

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;21ve03151 ?
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