Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... demandé au tribunal de Rennes d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière
Par un jugement n° 2206440 du 21 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, Mme B..., représentée par
Me Le Verger, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 19 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer, dans un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, un titre de séjour ou subsidiairement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai de 15 jours, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il s'est fondé sur un avis du collège de médecins injustifié au regard des documents médicaux produits, révélant ainsi un défaut d'examen de sa situation et un défaut de motivation de la décision en litige ;
- le jugement est infondé :
- le refus de titre de séjour a été pris à la suite d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été produit ; cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation et méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français la rend illégale par voie de conséquence ; elle méconnaît les articles L. 721-4 al 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2020, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante congolaise, est entrée irrégulièrement en France en février 2020 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 6 mai 2021 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 décembre 2021. Elle a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 septembre 2022 le préfet du Finistère l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 21 mars 2023, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". La requérante fait valoir que le tribunal s'est fondé sur l'avis émis par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sans le confronter aux autres documents médicaux qu'elle a produits. Toutefois, il ressort clairement des mentions figurant au point 9 du jugement attaqué que le tribunal, qui a procédé à l'examen des documents médicaux fournis par l'intéressée en vue de contester cet avis, a répondu de manière suffisante au moyen qui était soulevé devant lui.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / (...). ". Aux termes des dispositions de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ".
4. En premier lieu, la requérante fait valoir que l'avis émis par le collège de médecins n'a pas été émis dans des conditions régulières de sorte qu'un vice dans la procédure relative à la décision portant sur le titre de séjour sollicité devrait être constaté. Toutefois, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins a été produit devant les premiers juges par le préfet, en se bornant à alléguer que cet avis serait irrégulier, sans assortir ce moyen de précisions suffisantes, Mme B... ne met pas la cour en mesure d'en apprécier le
bien-fondé.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un avis rendu le 26 août 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration a estimé que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait voyager sans risque.
6. Pour contester la teneur de cet avis, Mme B... produit, outre un certificat d'un médecin généraliste du 10 février 2022 relatant qu'elle est suivie depuis août 2020 par un centre d'accueil médicalisé dépendant du centre hospitalier universitaire de Brest et mentionnant que son état de santé nécessite la prise d'un traitement quotidien, une attestation du 11 février 2022 par laquelle une psychologue clinicienne de ce centre hospitalier indique que
Mme B... bénéficie d'un suivi psychologique et psychiatrique depuis le 25 octobre 2021, qu'elle prend quotidiennement un traitement psychotrope et qu'elle connait une situation de détresse psychologique significative. Elle produit également un certificat d'un médecin généraliste du 8 décembre 2022 qui indique que l'intéressée a besoin d'un suivi psychiatrique et psychologique régulier ainsi qu'un traitement médicamenteux quotidien.
7. Si ces éléments sont de nature à démontrer la gravité de l'état de santé de
Mme B..., cette dernière ne produit toutefois aucun élément de nature à établir l'impossibilité dans laquelle elle serait de pouvoir se procurer dans son pays d'origine le traitement médicamenteux qui lui est administré ou de bénéficier d'un suivi sanitaire adapté à ses besoins sans qu'il puisse être exigé qu'il soit en tous points équivalent à celui dont elle dispose en France.
8. Dans ces conditions, les documents fournis par l'intéressée ne sont pas de nature à infirmer l'avis du collège de médecins quant aux conséquences du défaut de soins. Par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui refusant la délivrance du titre sollicité.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait sollicité l'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet du Finistère, qui n'y était pas tenu, n'a pas spontanément examiné sa demande au regard de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatifs à l'admission exceptionnelle au séjour, doit être écarté comme inopérant.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B..., dont l'époux et les 5 enfants résident au Congo, serait particulièrement intégrée sur le territoire national. Dans ce contexte, la décision en litige n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, pour les mêmes motifs, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. Aux termes du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage d'éloigner un étranger du territoire national, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences exceptionnelles sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait une éventuelle interruption des traitements suivis en France.
12. Dans son avis du 26 août 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a précisé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale et que le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que
Mme B..., qui indique en particulier avoir été victime d'un viol au Congo, n'établit ni que les soins adaptés à son état de santé ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine, ni que les évènements subis dans ce pays ne permettaient pas, à la date de l'arrêté préfectoral litigieux, d'y envisager un traitement approprié. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaîtrait les dispositions du 9° de l'article
L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
13. Pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés ci-dessus, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et familiale.
En ce qui concerne le pays de destination :
14. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ".
15. Pour motiver la décision fixant le pays de destination le préfet a visé notamment les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a précisé que la situation de Mme B... ne contrevient pas à ces dispositions. Il a ainsi suffisamment motivé en droit et en fait la décision critiquée.
16. En l'absence d'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
17. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " et aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. (...) ".
18. Mme B..., dont l'état de santé, ainsi qu'il a été dit précédemment, ne justifie pas le maintien sur le territoire français, n'apporte pas d'élément probant à l'appui de ses allégations selon lesquelles elle serait susceptible d'être soumise à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Congo ; l'OFPRA et la CNDA, bien que la requérante leur ait communiqué les documents médicaux dont la teneur est rappelée au point 6, ont d'ailleurs rejeté sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur le surplus de conclusions :
20. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, les conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente ;
- M. Vergne, président-assesseur ;
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2023.
La présidente-rapporteure,
C. BRISSON
Le président-assesseur,
GV. VERGNE
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01508