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01/12/2023 | FRANCE | N°23NT01450

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 01 décembre 2023, 23NT01450


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

17 octobre 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le territoire pendant une durée d'un an, l'a informé de son signalement dans le système d'information Schengen et l'a astreint à remettre son passeport et à se

présenter une fois par semaine au commissariat de police de Brest.



Par un jugement n° 22058...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

17 octobre 2022 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le territoire pendant une durée d'un an, l'a informé de son signalement dans le système d'information Schengen et l'a astreint à remettre son passeport et à se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Brest.

Par un jugement n° 2205863 du 1er février 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2023, M. A... B..., représenté par

Me Desfrançois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2022 en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros qui sera versée à son conseil en application des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est illégale dès lors que :

. elle est insuffisamment motivée ;

. elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ; elle méconnaît l'article

L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît les articles 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est disproportionnée.

Par un mémoire enregistré le 20 octobre 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

18 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né en 1994, est, selon ses déclarations, entré en France en 2017. Il a fait l'objet d'un arrêté du préfet de Seine-et-Marne le 25 janvier 2018 portant obligation de quitter le territoire français. M. B... s'est toutefois maintenu de manière irrégulière en France. Le 21 avril 2022, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en faisant valoir des motifs liés à sa situation professionnelle en France. Par un arrêté du 17 octobre 2022, le préfet du Finistère a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a déterminé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur territoire français pendant un an, l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et l'a astreint à remettre son passeport et à se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Brest. Aux termes du jugement n° 2205863 du 1er février 2023 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, M. B... fait valoir que la décision en litige, en ce qu'elle ne fait pas état de sa situation de concubinage depuis 3 ans avec Mme C..., des attaches créées depuis son entrée sur le territoire national et qu'elle indique qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine alors qu'il ne communique plus avec les membres de sa famille, est insuffisamment motivée.

3. Toutefois l'arrêté portant refus de séjour vise les dispositions dont l'autorité administrative a entendu faire application, rappelle les conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé sur le territoire, le fondement de sa demande de titre de séjour et a exposé les considérations pour lesquelles le préfet a refusé de faire droit à la demande de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, et alors que le préfet du Finistère n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments relatifs à la situation du requérant, le refus de titre de séjour est suffisamment motivé.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que

celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

6. En l'espèce, M. B... fait valoir qu'il réside sur le territoire national depuis 2017, qu'il entretient depuis 2019 une relation avec une ressortissante française, Mme C..., résidant à Reims, et a pu ponctuellement travailler au cours des années 2018 et 2019, bien que dépourvu d'une autorisation de travail. Il se prévaut également de la déclaration de concubinage établie par Mme C... en novembre 2022, de la production de factures de gaz émises au titre de la période de l'été 2020 comportant le nom de l'intéressé en sus de celui de Mme C... et de factures de téléphone au titre de la période d'octobre 2020 à février 2023 établies au seul nom de l'intéressé à l'adresse de cette dernière. Le requérant produit également quelques photos et témoignages, au demeurant très peu circonstanciés et personnalisés.

7. Toutefois, les éléments invoqués par l'intéressé ne suffisent pas, en l'espèce, pour établir la stabilité de la relation alléguée avec Mme C.... En effet, il ressort des pièces fournies que le requérant a, en 2021, élu domicile auprès d'une association de Reims, que dans sa demande de titre de séjour, de mars 2022, il a informé les services de la préfecture que sa résidence se situe à Brest, ville dans laquelle il a, lors de son audition de juillet 2022 par les services de police, indiqué être hébergé chez un ami, sans d'ailleurs aucunement mentionner sa relation avec Mme D... laquelle a, en mars 2022, déclaré l'héberger. En outre, alors même que

M. B... aurait exercé sans y être autorisé, une activité professionnelle, l'intéressé, qui ne conteste pas être défavorablement connu des services de police, ne fournit aucune explication quant à l'absence de mise en œuvre de la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 25 janvier 2018 et ne produit pas d'éléments qui feraient obstacle à sa réinsertion dans son pays d'origine.

8. Dans ces conditions, les circonstances dont M. B... se prévaut ne peuvent être regardées comme constituant des motifs exceptionnels ou humanitaires au sens de l'article

L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a ni entaché le refus de séjour d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour, le moyen tiré par le requérant de l'illégalité par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision qui lui fait obligation de quitter le territoire français porterait à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, et comme l'ont estimé les premiers juges, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la commission par le préfet d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

12. M. B... fait valoir qu'il bénéficie d'un suivi médical pour la pathologie dont il est affecté ayant imposé divers examens médicaux en neurologie et ophtalmologie ainsi qu'une hospitalisation de deux jours en janvier 2023. Cependant, alors même que le diagnostic de cette pathologie apparaît délicat, cette circonstance ne permet pas d'établir que le requérant ne pourrait avoir accès dans son pays d'origine aux soins dont il a besoin et ne pourrait, par suite, y être reconduit.

13. Par suite les moyens tirés de la méconnaissance par le préfet des dispositions du 9°de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision en litige ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.

15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales :" Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.". Si M. B... soutient qu'il serait exposé à un risque de souffrances intenses en raison de l'impossibilité alléguée d'accéder aux soins qui lui sont nécessaires, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, qu'un retour du requérant dans son pays d'origine méconnaîtrait, en raison de son état de santé, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Enfin en l'absence de conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour et contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire, les moyens présentés par le requérant ne peuvent être accueillis.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Le rejet des conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Il s'ensuit que les conclusions présentées par M B... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de 7 jours et de le munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais du litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne permettent pas d'en faire bénéficier la partie perdante ou tenue aux dépens, Par suite, les conclusions présentées à ce titre par M. B... ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur

- Mme Lellouch, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er décembre 2023.

La présidente-rapporteure,

C. BRISSON

L'assesseur le plus ancien,

G.V. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01450


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01450
Date de la décision : 01/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : DESFRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-01;23nt01450 ?
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