Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 mai 2022 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.
Par un jugement n° 2205092 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Blanchot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2022 du préfet du Finistère ou, à titre subsidiaire, la mesure d'obligation de quitter le territoire français contenue dans cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- il est insuffisamment motivé en droit et en fait ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une inexacte application de ces dispositions et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellouch,
- et les observations de Me Pavy, substituant Me Blanchot, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant notamment de son mariage avec une ressortissante française. Par un arrêté du 9 mai 2022, le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office. M. B... relève appel du jugement du 29 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Le refus de titre de séjour litigieux cite l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, les dispositions des articles L. 412-1 et L. 423-1 et 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, outre qu'elle vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision litigieuse précise notamment que M. B... ne justifie ni d'un visa d'entrée et de long séjour ni d'une entrée régulière sur le territoire français, et que son mariage avec une ressortissante française est récent, qu'il ne justifie pas des liens affectifs dont il se prévaut avec les enfants de cette dernière et qu'il a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement. Ainsi, le refus de titre de séjour litigieux comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
3. Il ressort des motifs de l'arrêté litigieux que le préfet du Finistère a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.
4. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Alors que le préfet du Finistère a indiqué avoir été saisi d'une demande de titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... ne justifie pas avoir saisi le préfet d'une demande sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne peut, dès lors, utilement soutenir que le préfet du Finistère aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en s'abstenant d'examiner son droit au séjour au regard de ces dernières dispositions. En toute hypothèse, ces dispositions étant la transposition en droit interne de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort des motifs de l'arrêté litigieux que le droit au séjour de M. B... a été examiné à l'aune de ces stipulations.
5. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
6. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des déclarations de l'intéressé dans le cadre de son audition par les services de police le 28 février 2020, que M. B... est présent en France de manière continue depuis le mois de janvier 2019, soit moins de trois ans avant l'intervention de l'arrêté litigieux et qu'il a vécu entre 2003 et 2019 dans plusieurs pays de l'Union européenne, notamment en Allemagne où lui aurait été reconnue la qualité de réfugié. Si le requérant justifie s'être installé en janvier 2020 avec une ressortissante française, avec laquelle il s'est marié en août 2021, et qu'il a tissé des liens affectifs avec les enfants que son épouse a eu de précédentes unions, en particulier son fils né en 2006, la communauté de vie entre les époux est encore relativement récente et il est constant que M. B..., qui est entré irrégulièrement en France, avait déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement du territoire français, en 2014, puis 2020, qu'il n'a pas exécutées. Ayant toujours été en situation irrégulière, le requérant ne justifie d'aucune insertion professionnelle ni d'aucune insertion sociale particulière. Dans ces conditions, malgré le soutien qu'il apporte à sa conjointe, dont l'état de santé est fragile, et aux enfants de celle-ci, eu égard au caractère relativement récent de leur vie commune, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé. Le moyen tiré de l'inexacte application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. ". Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
8. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6.
9. Aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n'est d'ailleurs allégué, que l'enfant Emmanuel, né en 2006, que l'épouse de M. B... a eu d'une précédente union, n'aurait pas de père, bien que sa mère en ait la garde. L'équilibre que M. B... paraît lui apporter ne permet pas de considérer que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2023.
La rapporteure,
J. LELLOUCH
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00582