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01/12/2023 | FRANCE | N°23NT00056

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 01 décembre 2023, 23NT00056


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.



Par un jugement n° 2205689 du 14 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 10 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Le Verger, demande à la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.

Par un jugement n° 2205689 du 14 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Le Verger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît son droit d'asile garanti par la convention de Genève sur les réfugiés et méconnait le principe de non-refoulement ;

- elle méconnaît l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1952 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lellouch a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant turc né le 3 juin 2001, est entré en France en novembre 2021. Il a présenté une demande de protection internationale, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFRPA) a rejetée par une décision du 24 mars 2022, confirmée le 26 août 2022 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 14 octobre 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office. M. A... relève appel du jugement du 14 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la mesure d'obligation de quitter le territoire français :

2. Les moyens tirés de l'incompétence de la signataire, de l'insuffisante motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation, invoqués au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, que M. A... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux, peuvent être écartés par adoption des motifs retenus par le premier juge.

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A... a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 août 2022 et il est constant qu'à la date de la décision litigieuse, l'intéressé n'avait pas saisi l'OFPRA d'une demande de réexamen de sa demande de protection internationale ainsi qu'il ressort des mentions figurant sur le relevé " Telemofpra ". Il se trouvait ainsi dans l'hypothèse visée par le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans laquelle un étranger peut fait l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.

Alors qu'il est toujours loisible à un étranger se trouvant dans cette configuration de solliciter du juge administratif la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement qui le touche en se prévalant d'éléments nouveaux au soutien de sa demande de protection internationale, le moyen tiré de la méconnaissance du droit constitutionnel d'asile et du principe de non refoulement garanti par la convention de Genève doit être écarté.

5. Aux termes du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".

6. Les stipulations précitées de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas applicables aux litiges relatifs au droit au séjour des étrangers, lesquels n'ont trait ni à des contestations sur des droits et obligations de caractère civil ni au bien-fondé d'une accusation en matière pénale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... séjournait en France depuis moins d'un an avant l'intervention de la décision litigieuse. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par décision du 26 août 2023 de la Cour nationale du droit d'asile. Si le requérant fait valoir avoir sollicité un rendez-vous auprès de la préfecture pour déposer une demande de réexamen de sa demande d'asile avant l'intervention de la décision litigieuse, il ne produit ni ne fait état d'aucun élément nouveau à l'appui de sa demande de protection. Dès lors, la mesure d'éloignement en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

8. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

9. L'obligation de quitter le territoire français de M. A... n'étant pas annulée par le présent arrêt, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement.

10. Aux termes de l'article L. 721-4, anciennement codifié à l'article L. 513-2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A... a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile au motif que son engagement politique auprès du parti démocratique des peuples (HDP) et ses allégations selon lesquelles, le 10 juillet 2021, il aurait été vu par des militaires en train de se cacher dans le cadre de son service militaire afin de ne pas participer aux affrontements en cours n'étaient pas étayées et apparaissaient peu crédibles. Si M. A... produit un mandat d'arrêt et un acte d'accusation émis par la cour d'assises au soutien, qu'il avait au demeurant déjà produits devant les instances en charge de l'asile, l'authenticité de ces documents est douteuse et les éléments que ces documents relaient sur les faits du 10 juillet 2021 diffèrent du récit de l'intéressé devant la Cour nationale du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des articles

L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2023.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00056


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00056
Date de la décision : 01/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LE VERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-01;23nt00056 ?
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