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01/12/2023 | FRANCE | N°23DA00141

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 01 décembre 2023, 23DA00141


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un ju

gement n° 2204009 du 13 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Ro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2204009 du 13 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, d'une part, a renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il oblige Mme A... épouse B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays de destination et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2204009 du 14 mars 2023, la formation collégiale de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de la requête de Mme A... épouse B....

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée sous le n° 23DA00141 le 24 janvier 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler le jugement rendu par le magistrat désigné le 13 janvier 2013 et de rejeter les demandes correspondantes présentées en première instance par Mme A... épouse B....

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré que Mme A... épouse B... justifiait, par le seul certificat médical du 5 juillet 2022 qu'elle a produit, que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; ce certificat médical est postérieur à l'arrêté attaqué ; toutes les pathologies qu'il mentionne n'ont pas été portées à la connaissance des services dans le cadre de l'instruction du dossier ; il ne dispose pas du dossier médical de l'intéressée dont seul l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a connaissance ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... épouse B... à l'encontre des décisions attaquées ne sont pas fondés, pour les mêmes motifs que ceux qu'il a avancés en première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 mars 2023 et 7 juin 2023, Mme A... épouse B..., représentée par Me Marie Verilhac, conclut au rejet de la requête d'appel, à la confirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État soit le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros hors taxes au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, soit le paiement à elle-même d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le certificat médical du 5 juillet 2022, pouvait être pris en compte par le tribunal dès lors que, s'il est postérieur à l'arrêté attaqué, il rend compte de son état de santé à la date de ce dernier ; elle avait levé le secret médical dans sa requête introductive d'instance, ce qui autorisait l'OFII à communiquer son dossier médical ; toutes les pathologies qu'elle invoque avaient été portées à la connaissance de l'OFII ; le moyen d'appel du préfet doit, dès lors, être écarté ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en tant qu'elle est fondée sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui est elle-même illégale ; en effet, cette décision est insuffisamment motivée ; la preuve de l'existence d'un avis du collège des médecins de l'OFII doit être apportée ; la procédure d'avis ne serait pas régulière si sa signature électronique s'est faite en dehors d'un dispositif sécurisé ; la décision procède d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; le préfet s'est cru à tort lié par l'avis défavorable du collège des médecins de l'OFII ; la décision méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article L. 435-1 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en tant qu'elle se fonde sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;

- elle méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en tant qu'elle se fonde sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;

- elle procède d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par courrier enregistré le 30 mars 2023, Mme A... épouse B... a, en application de la décision du Conseil d'État du 28 juillet 2022 n° 441481, confirmé sa volonté de lever le secret médical.

Le dossier médical de Mme A... épouse B... a été produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 11 avril 2023 et l'OFII a présenté des observations qui ont été enregistrées le 31 mai 2023.

Par une ordonnance en date du 13 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2023 à 12 heures.

Mme A... épouse B... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

II.- Par une requête, enregistrée sous le n° 23DA01061 le 8 juin 2023, Mme A... épouse B..., représentée par Me Marie Verilhac, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement rendu en formation collégiale le 14 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 du préfet de Seine-Maritime en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou subsidiairement de lui remettre dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, qui devra intervenir dans un délai d'un mois et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État soit le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros hors taxes au titre de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, soit le paiement à elle-même d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- la procédure d'avis devant le collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est irrégulière pour avoir omis de tenir compte de la pathologie psychiatrique qu'elle invoquait ;

- la décision procède d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le préfet s'est cru à tort lié par l'avis défavorable du collège des médecins de l'OFII ;

- la décision méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2023, le préfet de Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 septembre 2023 à 12 heures.

Mme A... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;

- le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., épouse B..., née le 6 décembre 1972, de nationalité nigériane, est entrée irrégulièrement en France le 26 novembre 2015. Sa demande d'asile a été successivement rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 novembre 2016 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 15 mai 2017. Le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement par un arrêté du 11 juillet 2017, confirmé par un jugement n° 1702287 du 7 novembre 2017 du tribunal administratif de Rouen et un arrêt n° 17DA02318 du 3 juillet 2018 de la cour administrative d'appel de Douai. Une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " lui a été délivrée du 28 novembre 2017 au 28 février 2018. Le préfet de l'Eure a refusé de renouveler ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination par un arrêté du 22 juin 2018, confirmé par un jugement n° 1803439 du 14 décembre 2018 du tribunal administratif de Rouen. Le préfet de Seine-Maritime l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assignée à résidence pour une durée de six mois par des arrêtés du 23 novembre 2020, confirmés par un jugement n° 2005680 du 19 janvier 2021 du tribunal administratif de Rouen. Le 10 mai 2021, Mme A..., épouse B..., a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade auprès du préfet de Seine-Maritime. Par un arrêté du 13 juin 2022, celui-ci a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

2. Par une requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rouen le 6 octobre 2022, Mme A..., épouse B..., a sollicité l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2022 du préfet de Seine-Maritime en toutes ses décisions. Dans la perspective de la mise à exécution de la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de l'intéressée, le préfet de Seine-Maritime l'a assignée à résidence, en cours d'instance, par un arrêté du 22 décembre 2022. Par un jugement n° 2204009 du 13 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, d'une part, a renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il oblige Mme A... épouse B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays de destination et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2204009 du 14 mars 2023, la formation collégiale de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de la requête. Le préfet de Seine-Maritime relève appel du jugement du 13 janvier 2013 du magistrat désigné en tant qu'il prononce l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, détermination du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme A..., épouse B..., relève, quant à elle, appel du jugement du 14 mars 2023 rendu en formation collégiale en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Ces requêtes portent toutes les deux sur la situation de Mme A..., épouse B..., au regard du droit au séjour en France et présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'appel de Mme A... épouse B... et la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / (...) ". Les conditions d'établissement et de transmission de cet avis, ainsi que des certificats médicaux et rapports médicaux au vu desquels il est pris, sont fixées par les articles R. 425-11 à R. 425-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précisées par des arrêtés des 27 décembre 2016 et 5 janvier 2017 du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la santé.

4. Il résulte de ces dispositions que la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée à l'étranger se prévalant de motifs de santé si deux conditions cumulatives sont remplies : d'une part, l'état de santé du demandeur doit nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, il doit être justifié que le demandeur ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le préfet statue au vu, notamment, de l'avis rendu par un collège de médecins du service médical de l'OFII. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération cet avis médical. Si le demandeur entend en contester le sens, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de Seine-Maritime s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A... épouse B.... Il vise et mentionne les dispositions des articles L. 425-9 et R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissant la délivrance, pour un motif tenant à l'état de santé de l'étranger, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il énonce que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) s'est, par un avis du 6 mai 2022, prononcé défavorablement à la délivrance de ce titre de séjour au motif que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il rend compte en outre des conclusions de l'examen, par le préfet de Seine-Maritime, de la situation privée et familiale de l'intéressée sur le territoire. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté.

6. En deuxième lieu, l'OFII a versé au dossier la copie de l'avis rendu le 6 mai 2022 par le collège de médecins sur la demande de Mme A..., épouse B..., justifiant ainsi de la réalité de sa consultation. Il ressort en outre des autres pièces qu'il produit que cet avis a été rendu au vu d'un rapport médical établi par un médecin de l'OFII, n'ayant pas siégé au sein du collège, qui, contrairement à ce que soutient Mme A..., épouse B..., mentionne les quatre pathologies qu'elle a invoquées à l'appui de sa demande, y compris son syndrome anxiodépressif. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet avis, qui comporte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant : ", n'aurait pas eu un caractère collégial, alors au demeurant que de tels avis résultent de la réponse apportée par chacun des médecins membres du collèges à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative et que les signataires ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux. Enfin, il est constant que l'accès à l'application " Thémis ", qui permet l'apposition des signatures électroniques, n'est accessible aux médecins signataires qu'au moyen de deux identifiants et de deux mots de passe qui leur sont propres, et qu'elle présente ainsi les garanties de sécurité de nature à assurer l'authenticité des signatures ainsi que le lien entre elles et leurs auteurs, de sorte que ce procédé de signature doit être regardé comme bénéficiant de la présomption de fiabilité prévue par les dispositions combinées de l'article 1367 du code civil, de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 et du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017. Dès lors, le moyen tiré de ce que la procédure de consultation et l'avis du collège de médecins de l'OFII seraient entachés d'irrégularités doit être écarté.

7. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que des pathologies invoquées par Mme A..., épouse B..., à l'appui de sa demande n'auraient pas été prises en compte, dès lors qu'elles sont toutes mentionnées dans le rapport médical établi par le médecin de l'OFII au vu duquel le collège a statué. Il ressort également des mentions de l'arrêté contesté que le préfet de Seine-Maritime, en citant le contenu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, a entendu s'en approprier les constatations et qu'il a en tout état de cause procédé, sur cette base, à un examen particulier de la demande de délivrance de titre de séjour de Mme A..., épouse B..., laquelle est visée et mentionnée dans les motifs de l'arrêté, au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 5, les motifs de l'arrêté attaqué rendent compte de ce que le préfet de la Seine-Maritime a procédé en outre à l'examen de la situation privée et familiale de l'intéressée sur le territoire. Dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet de Seine-Maritime aurait entaché sa décision de refus de délivrance d'un titre de séjour d'erreurs de droit, en s'abstenant de procéder à un examen particulier de la situation de Mme A..., épouse B..., et en s'estimant lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII, doivent être écartés comme manquant en fait.

8. En quatrième lieu, par son avis en date du 6 mai 2022, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme A..., épouse B..., nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet en tout état de cause de voyager sans risque. Pour infirmer cette appréciation, Mme A..., épouse B..., fait valoir que toutes les pathologies qu'elle invoquait à l'appui de sa demande n'ont pas été prises en compte, qu'un certificat médical du 5 juillet 2022 qu'elle produit justifie que chacune d'elles, en particulier son syndrome anxiodépressif, est susceptible, si elles ne sont pas correctement prises en charge, d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que la possibilité de bénéficier effectivement de traitements appropriés dans son pays n'a pas été examinée et que cet avis est contradictoire avec un précédent avis qui avait justifié la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en 2017, alors que ni sa situation ni l'offre de soins dans son pays d'origine n'ont évolué.

9. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'admission au séjour de Mme A..., épouse B..., en 2017 a alors été motivée exclusivement par une intervention chirurgicale qu'elle a subie en novembre 2017 et la durée de validité du titre de séjour qui lui a été remis a été strictement limitée à la période de convalescence qui a suivie, soit quatre mois. L'avis émis dans ces circonstances est donc sans incidence sur l'appréciation, plus de cinq ans après, de la situation de l'intéressée, qui a entretemps évolué, et le collège de médecins de l'OFII ne peut être regardé comme ayant entaché son avis du 6 mai 2022 de contradiction ou d'incohérence. En outre, ainsi qu'il a déjà été dit aux points 6 et 7, les quatre pathologies que Mme A..., épouse B..., invoquait à l'appui de sa demande de titre de séjour ont toutes été prises en considération, y compris son syndrome anxiodépressif. Le certificat dont elle se prévaut, établi par un médecin généraliste le 5 juillet 2022, est peu circonstancié. En particulier, ni ce certificat, ni aucun autre élément du dossier n'apportent de considérations personnalisées et permettant d'apprécier la gravité du diabète et du syndrome anxiodépressif et, par suite, des conséquences que pourrait emporter une interruption de la prise en charge. Si une nouvelle intervention chirurgicale est recommandée pour la prise en charge de son syndrome du canal carpien, il ressort des pièces du dossier que celle-ci est différée depuis plusieurs années, sans qu'aucune aggravation particulière ne soit justifiée. Enfin, si elle a été prise en charge pour un syndrome du canal lombaire étroit en 2017 et si l'intervention qu'elle a subie n'a alors pas permis une récupération totale, son état de santé est décrit comme consolidé et il n'existe pas de perspective d'une nouvelle intervention. Il s'ensuit que les pathologies invoquées ne peuvent être regardées comme étant de nature, au sens des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 visé ci-dessus, à mettre en jeu son pronostic vital ou à emporter une atteinte à son intégrité physique ou une altération significative d'une fonction importante, avec une probabilité élevée et à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné. Ce critère n'étant pas rempli, le collège de médecins de l'OFII n'était pas tenu de se prononcer explicitement sur la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. L'OFII justifie en tout état de cause, par les pièces qu'il produit, que les médicaments ou principes actifs qui lui sont prescrits, qui ont un caractère des plus courants, sont distribués dans son pays d'origine.

10. Dans ces conditions, Mme A..., épouse B..., n'apporte pas d'éléments suffisants pour infirmer les conclusions de l'avis du collège des médecins de l'OFII, sur lequel s'est notamment appuyé le préfet pour prendre la décision en litige. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

12. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., épouse B..., était présente en France depuis tout juste sept ans à la date de l'arrêté attaqué alors qu'elle a vécu la majeure partie de sa vie au Nigéria, jusqu'à l'âge de 43 ans. Elle est célibataire et sans charge de famille sur le territoire alors qu'elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où elle dispose de ses deux parents et de ses cinq enfants, ainsi qu'elle l'a déclarée lors d'une audition par les forces de l'ordre le 21 décembre 2022. Elle ne justifie d'aucune autre attache familiale en France. Par ailleurs, en dépit de la durée de son séjour en France, qui ne s'est prolongée qu'en raison des obstacles qu'elle a mis à l'exécution des trois précédentes mesures d'éloignement prononcées à son encontre et confirmées par les juridictions administratives qu'elle avait saisies, Mme A..., épouse B..., ne justifie d'aucune insertion professionnelle et sociale de nature à garantir son intégration réussie à la société française. En particulier, elle ne dispose ni d'un logement autonome, ni d'aucune source de revenus et a déclaré lors de la même audition par les forces de l'ordre le 21 décembre 2022 ne satisfaire à ses besoins élémentaires que grâce à l'aide apportée par des associations caritatives. Dans le même temps, elle ne justifie d'aucune considération de nature à empêcher une réinsertion dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le centre de ses intérêts privés et familiaux ne peut être regardé comme s'étant fixé à titre principal en France et sa situation ne peut pas davantage être regardée comme répondant à des considérations humanitaires ou exceptionnelles. Il s'ensuit que c'est sans méconnaître son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales non plus que les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de Seine-Maritime a pu lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, ces moyens soulevés par Mme A..., épouse B..., doivent être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A..., épouse B..., n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 14 mars 2023, la formation collégiale de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de Seine-Maritime lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte en tant qu'elles se rapportent à cette dernière et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Ses conclusions d'appel, tendant à l'annulation de ce jugement, à l'annulation de la décision litigieuse et à ce qu'il soit fait droit à sa demande d'injonction et d'astreinte, doivent dès lors être rejetées à leur tour.

Sur l'appel du préfet de Seine-Maritime et la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

14. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

15. Ainsi qu'il a été dit aux points 8 à 10, ni le certificat établi par un médecin généraliste le 5 juillet 2022, ni aucun autre élément du dossier ne permet d'infirmer l'avis émis le 6 mai précédent par le collège de médecins de l'OFII, selon lequel l'état de santé de Mme A..., épouse B..., nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet en tout état de cause de voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, elle ne peut pas bénéficier de la protection contre l'éloignement instituée par les dispositions citées au point précédent.

16. Il s'ensuit que le préfet de Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision faisant obligation à Mme A..., épouse B..., de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ainsi que, par voie de conséquence, les décisions subséquentes fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A..., épouse B..., devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

17. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-1 du même code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ". Aux termes de l'article L. 613-2 : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

18. En premier lieu, l'arrêté attaqué cite les dispositions des articles L. 611-1 et L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constituent le fondement légal de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Il ressort également sans ambiguïté des énonciations de cet arrêté que l'obligation de quitter le territoire français qu'il prononce à l'encontre de Mme A..., épouse B..., est fondée sur le refus de séjour qui lui est également opposé. L'arrêté attaqué comporte à cet égard, ainsi qu'il a été dit au point 5, les considérations de fait et de droit qui fondent cette décision de refus de séjour. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'avait, en application des dispositions citées au point 17 de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Il ne ressort pas davantage des dispositions des articles L. 612-1 et L. 613-2 du même code que la durée du délai de départ volontaire qui est laissé à l'étranger doit faire l'objet d'une motivation. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 7, l'arrêté attaqué rend compte des conclusions de l'examen, par le préfet de Seine-Maritime, de la situation privée et familiale de l'intéressée sur le territoire et conclut qu'elle ne répond à aucune considération humanitaire, seule circonstance qui aurait justifié qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours lui soit à titre exceptionnel accordé. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet de Seine-Maritime n'aurait, préalablement au prononcé de la décision en litige, pas dûment tenu compte de la situation personnelle de l'intéressée. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et de ce qu'elle procèderait d'un défaut d'examen personnalisé doivent être écartés.

19. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 3 à 13, Mme A..., épouse B..., n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, serait illégal. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de cette décision de refus de séjour et son moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

20. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 8 à 10 et 14 à 16, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme A..., épouse B..., nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait emporter des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait pas voyager sans risque vers son pays d'origine. Ainsi qu'il a également été dit au point 12, elle n'établit pas que le centre de sa vie privée et familiale se soit établi en France et qu'elle ne puisse pas se réinsérer dans son pays d'origine dans lequel elle ne serait pas isolée en cas de retour. Dans ces conditions, elle n'établit pas que son départ volontaire ne pouvait pas être organisé dans le délai de droit commun de trente jours et c'est donc sans méconnaître les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de Seine-Maritime ne lui a pas accordé, à titre exceptionnel, un délai d'une durée supérieure. Le moyen soulevé en ce sens par Mme A..., épouse B..., doit dès lors être écarté.

21. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour emporter sur la situation personnelle de Mme A..., épouse B..., des effets disproportionnés au regard des buts qu'elle poursuit doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12.

22. Il résulte de ce qui précède que Mme A..., épouse B..., n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

23. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

24. En premier lieu, pour décider que la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de Mme A..., épouse B..., pourra être exécutée à l'encontre du pays dont elle a la nationalité, à savoir le Nigeria, ou de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où elle est légalement admissible, l'arrêté attaqué vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle qu'elle a la nationalité nigériane, est venue depuis ce pays en 2015 et ne justifie pas y être démunie d'attaches, que sa demande d'asile a été successivement rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile et qu'elle n'établit pas y être exposée à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Cette motivation, en droit et en fait, a ainsi mis à même Mme A..., épouse B..., de comprendre les motifs de la décision prise à son encontre et est proportionnée dès lors qu'elle ne justifie pas avoir adressé au préfet des observations préalables à ce sujet. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté.

25. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 14 à 22, Mme A..., épouse B..., n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, serait illégal. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de cette obligation de quitter le territoire français et son moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

26. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 8 à 10 et 14 à 16, Mme A..., épouse B..., n'établit pas que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait emporter des conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'avis en date du 6 mai 2022 du collège de médecins de l'OFII mentionne en outre que son état de santé est compatible avec un voyage vers le Nigéria, sans qu'elle n'apporte aucun élément en sens contraire. Elle n'établit pas davantage être exposée à un risque pour sa sécurité en cas de retour dans ce pays, alors que sa demande d'asile a été précédemment successivement rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Enfin, ainsi qu'il a déjà été dit au point 12, elle n'avance aucune considération s'opposant à sa réinsertion au Nigéria, pays dans lequel elle n'est pas dépourvue d'attaches, alors que le centre de sa vie privée et familiale ne peut pas être regardé comme s'étant établi à titre principal en France. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 doit être écarté.

27. Il résulte de ce qui précède que Mme A..., épouse B..., n'est pas davantage fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel elle doit être éloignée.

S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

28. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ". Aux termes de l'article L. 613-2 : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

29. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

30. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

31. En premier lieu, l'arrêté attaqué cite les dispositions précitées des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituant la base légale de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, il ressort des énonciations de cet arrêté que, pour décider de prononcer cette interdiction et déterminer sa durée, le préfet de Seine-Maritime a procédé à un examen de la situation de Mme A..., épouse B..., au regard des critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a retenu en particulier qu'elle est entrée irrégulièrement en France, qu'elle a été définitivement déboutée de l'asile, qu'elle s'est maintenue en situation irrégulière sur le territoire français et qu'elle a fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement auxquelles elle n'a pas déféré et a tenu compte de sa situation matérielle et familiale sur le territoire. Si la motivation de l'arrêté attaqué ne fait pas référence au critère relatif à la menace à l'ordre public que représenterait la présence de l'intéressée sur le territoire français, il ne ressort en l'occurrence pas des pièces du dossier que la requérante représenterait une telle menace et que l'autorité préfectorale aurait retenu une telle circonstance à son encontre. Ainsi, le préfet de Seine-Maritime a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans qu'il a prise à son encontre. Dès lors, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de ce que celle-ci serait entachée d'erreur de droit pour ne pas avoir procédé à l'examen complet de la situation de Mme A..., épouse B..., doivent être écartés.

32. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 14 à 22, Mme A..., épouse B..., n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de cette obligation de quitter le territoire français et son moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

33. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., épouse B..., est entrée irrégulièrement en France en 2015 et, dès lors que sa demande d'asile a été successivement rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, doit être regardée comme ayant contourné les règles de l'asile aux seules fins de se maintenir sur le territoire. A la date de la décision attaquée, elle se trouve en situation irrégulière sur le territoire français depuis plus de quatre ans, malgré le refus de renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré à titre temporaire du 28 novembre 2017 au 28 février 2018 et malgré les trois précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre, qui ont été confirmées par toutes les juridictions administratives qu'elle a saisies de recours. Ainsi qu'il a été dit au point 12, elle ne justifie d'aucune attache familiale en France, ni d'aucune insertion professionnelle et sociale. Dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté de son séjour sur le territoire et même si aucun trouble à l'ordre public ne peut lui être reproché, l'interdiction qui lui a été faite de retourner sur le territoire français ne méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni dans son principe, ni dans sa durée. Dès lors, le moyen soulevé en ce sens par Mme A..., épouse B..., doit être écarté.

34. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour emporter pour la situation personnelle de Mme A..., épouse B..., des effets disproportionnés au regard des buts qu'elle poursuit doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12.

35. Il résulte de ce qui précède que Mme A..., épouse B..., n'est pas davantage fondée à demander l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.

36. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 13 juin 2022 en tant qu'il oblige Mme A..., épouse B..., à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays de destination et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Il convient donc de prononcer l'annulation de ce jugement et de rejeter les conclusions de Mme A..., épouse B..., aux fins d'annulation de ces décisions ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte en tant qu'elles se rapportent à ces dernières et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les frais liés à l'instance :

37. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans les présentes instances d'appel, verse à Mme A..., épouse B..., ou à Me Marie Verilhac, avocate désignée au titre de l'aide juridictionnelle, les sommes que celles-ci réclament au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2204009 du 13 janvier 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... épouse B... devant le tribunal administratif de Rouen, tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2022 du préfet de Seine-Maritime en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jour, fixe le pays à destination duquel elle doit être éloignée et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, est rejetée ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, en tant qu'elles se rapportent aux mêmes décisions.

Article 3 : Les conclusions d'appel de Mme A... épouse B... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme A... épouse B... et à Me Marie Verilhac.

Copie sera adressée au préfet de Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°23DA00141,23DA01061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00141
Date de la décision : 01/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : EDEN AVOCATS;EDEN AVOCATS;EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-01;23da00141 ?
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