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30/11/2023 | FRANCE | N°23NC02943

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 30 novembre 2023, 23NC02943


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 8 décembre 2020 par laquelle le directeur opérationnel de La Poste Lorraine a prononcé sa radiation des cadres, de l'enjoindre de procéder à sa réintégration et à la reconstitution rétroactive de sa carrière dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 000 euros au titre de l'

article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2100374 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 8 décembre 2020 par laquelle le directeur opérationnel de La Poste Lorraine a prononcé sa radiation des cadres, de l'enjoindre de procéder à sa réintégration et à la reconstitution rétroactive de sa carrière dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2100374 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision, a enjoint à La Poste de replacer Mme C... dans une position statutaire réglementaire et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros à la charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 septembre 2023, La Poste SA, représentée par Me Bellanger, demande à la cour :

1°) sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;

2°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a fait une interprétation erronée de l'instruction CORP-DRHG-2017-154 du 13 octobre 2017 qui n'impose pas une réintégration dans le périmètre géographique souhaité par l'agent ;

- l'emploi localisé à Saint-Max ne correspondait pas à son corps de métier ni à sa branche de rattachement ;

- en tout état de cause, elle n'a postulé à ce poste, qui n'était pas vacant, qu'après avoir refusé quatre postes ;

- l'exécution du jugement s'avère aujourd'hui difficile compte tenu de la localisation du domicile de Mme C... ;

- aucun des autres moyens soulevés par Mme C... au titre de la légalité externe et interne n'est de nature à justifier l'annulation de la décision du 8 décembre 2020 : incompétence, vice de procédure, motivation, refus illégal de réintégration.

Par un mémoire enregistré le 20 novembre 2023, Mme C..., représentée par Me Tadic, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge de La Poste la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'état de l'instruction, aucun des moyens soulevés par La Poste n'est de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué ;

- la décision de radiation des cadres prise à son encontre a été prise par une autorité incompétente ;

- l'instruction CORP-DRHG-2017-154 du 13 octobre 2017 impose à La Poste de tenir compte des souhaits formulés par les agents dans le cadre d'une demande de réintégration ;

- la décision de radiation des cadres est illégale dès lors qu'elle fait suite au retrait illégal de la première proposition de poste en date du 2 octobre 2018 et que l'ensemble des postes proposés par la suite n'ont eu pour seul objet que de dissuader Mme C... de réintégrer La Poste.

Un mémoire de La Poste a été enregistré le 22 novembre 2023, soit postérieurement à la clôture d'instruction. Il n'a pas été communiqué.

Vu :

- la requête n° 23NC02728, enregistrée au greffe de la Cour, le 16 août 2023, par laquelle La Poste a demandé l'annulation du même jugement.

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente-rapporteure,

- les observations de Me Bellanger pour La Poste ;

- et les observations de me Tadic pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Madame C..., agent titulaire de niveau III.3 à La Poste, a bénéficié du 8 octobre 2016 au 7 octobre 2018 d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. Le 18 juin 2018, elle a sollicité sa réintégration à l'issue de sa disponibilité et a précisé dans un second courrier daté du 27 septembre 2018, qu'elle souhaitait une affectation proche de son domicile, à Ludres. Par courrier du 2 octobre 2018, la directrice des ressources humaines opérationnelles Lorraine Sud a proposé à Mme C..., dans le cadre de sa réintégration à la suite de sa disponibilité, un poste de chargée de mission ressources humaines (RH) de niveau III.3 à Nancy. Ce courrier indique que la réintégration ne pourra intervenir qu'après son acceptation et l'avis favorable du recruteur. Le même jour le médecin agrée l'a déclarée apte à la reprise de ses fonctions. Mme C... a accepté par coupon réponse sa réintégration sur ce poste. Par un courriel du 19 octobre 2018, " sa candidature " au poste de chargée de mission ressources humaines (RH) de niveau III.3 à Nancy a été refusée aux motifs suivants : " malgré l'expérience et les qualités que vous possédez, nous sommes au regret de vous informer que votre candidature n'a pas été retenue. Sachez que cette décision ne remet nullement en cause l'ensemble de vos compétences mais est davantage en rapport avec l'adéquation de votre candidature et les exigences de ce poste ". En réponse à ce courriel, Mme C... a fait part à La Poste, dès le 8 octobre 2018, de son interrogation quant au refus qui lui a été opposé alors que sa réintégration après disponibilité est un droit. Un poste de responsable d'équipe de niveau III.2 à Metz lui a été proposé le 24 octobre 2018 qu'elle a refusé au motif qu'il était d'un niveau inférieur à son grade. Faute de trouver un poste proche de son domicile et dans la filière RH dont elle était issue, des postes lui ont été proposés fin d'année 2019 sur le territoire de la direction exécutive (DEX). Une première proposition de poste d'organisateur à Thionville lui a été adressée le 18 décembre 2019 qui a été refusée. Une deuxième offre de poste organisateur à Strasbourg lui a été proposée le 28 janvier 2020 qu'elle a refusée. Par courrier du 7 février 2020, Mme C... a été informée que le recruteur n'avais pas émis un avis favorable à sa réintégration en 2018 sur le poste de chargé de mission RH de niveau III.3 à Nancy au motif que le 2 octobre 2018 un nouveau maillage territorial des centres de services des ressources humaines (CSRH) a été annoncé modifiant leur nombre, les CSRH spécialisés se rattachant aux généralistes entrainant la suppression du CSRH de Nancy. Par courrier du 25 juin 2020, une troisième offre de poste organisateur courrier à Strasbourg a été proposée à Mme C... qu'elle a refusée. Par courrier du 30 juin 2020, Mme C... a fait état aux services de La Poste de l'entretien qu'elle a eu dans lequel ont été évoqués plusieurs postes plus proches de son domicile dont un à un niveau inférieur à Heillecourt qu'elle était prête à accepter. Une quatrième offre de poste de niveau III.3 à Mulhouse lui a été proposée en juillet 2020 qu'elle a refusée. Par courrier du 22 juillet 2020, Mme C... s'étonne de constater que la bourse aux emplois de La Poste propose des postes en Meurthe-Moselle alors qu'aucune proposition ne lui est faite dans ce secteur depuis deux ans y compris dans d'autres branches. Par une décision du 8 décembre 2020, le directeur opérationnel de La Poste a prononcé la radiation des cadres de Mme C... au motif des refus successifs qu'elle a opposés aux quatre postes proposés. Par un jugement du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 8 décembre 2020. La Poste demande le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les conclusions à fins de sursis à exécution :

2. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".

3. D'une part, aux termes de l'article 49 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions dans sa version applicable au litige : " A l'issue de la disponibilité prévue aux 1°, 1° bis et 2° de l'article 47 du présent décret, le fonctionnaire est, par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, obligatoirement réintégré à la première vacance dans son corps d'origine et affecté à un emploi correspondant à son grade. S'il refuse le poste qui lui est assigné, les dispositions du précédent alinéa lui sont appliquées ". Aux termes de cet alinéa : " S'il refuse successivement trois postes qui lui sont proposés, il peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. ". Aux termes de l'alinéa suivant du même article : " Le fonctionnaire qui a formulé avant l'expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration est maintenu en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé dans les conditions fixées aux deux alinéas précédents ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'agent mis en disponibilité pour convenances personnelles a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'obtenir sa réintégration à l'issue d'une période de disponibilité ou s'il la sollicite avant le terme normal de cette période. Si ces textes n'imposent pas à l'autorité dont relève le fonctionnaire de délai pour procéder à cette réintégration, celle-ci doit intervenir, en fonction des vacances d'emplois, dans un délai raisonnable. Il appartient à l'employeur de produire les éléments permettant au juge de constater l'absence de vacances de postes.

5. D'autre part, selon l'article 3.2.1 du bulletin des ressources humaines du 13 novembre 2017 relatif à la gestion des fins de disponibilité des fonctionnaires de La Poste : " Un fonctionnaire en disponibilité ne peut exiger sa réintégration dans un NOD donné, mais il peut émettre des souhaits. (...) Si le fonctionnaire a précisé un ou plusieurs souhaits d'affectation (...) le service RH vérifie s'il existe un ou des emplois vacants correspondant au grade de l'intéressé, dans le périmètre géographique souhaité par le fonctionnaire, dans sa branche de rattachement, et disponible à une date proche de la date/période de sa réintégration. / Dans la négative, il est recommandé d'effectuer les mêmes recherches en direction des autres branches du même périmètre géographique. (...) ".

6. Il ressort des motifs du jugement contesté que les premiers juges n'ont pas consacré un principe selon lequel La Poste serait tenue, en application du bulletin des ressources humaines du 13 novembre 2017, de réintégrer un agent à l'issue de sa période de disponibilité dans le secteur géographique de son choix mais a constaté que, dans le cas précis de la réintégration de Mme C..., un poste dans le secteur géographique souhaité par cette dernière ne lui avait pas été proposé en méconnaissance des orientations figurant dans cette instruction. Alors qu'il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement des termes mêmes de son courrier du 30 juin 2020 et des entretiens qu'elle a eu avec les services que Mme C... était d'accord pour prendre un poste relevant d'autres branches que la sienne et que cette dernière a fait état de plusieurs postes correspondant à son grade proposés dans la bourse aux emplois dans le périmètre qu'elle souhaitait dont celui évoqué par le tribunal, La Poste n'apporte aucun élément permettant au juge de constater l'absence de vacance de poste correspondant à son grade dans le périmètre géographique souhaité depuis la demande de réintégration de l'intéressée le 18 juin 2018, soit pendant plus de deux années. A cet égard, au regard du droit de l'agent en disponibilité à sa réintégration, la seule circonstance qu'un poste soit ouvert au recrutement ne peut conduire à le regarder comme non vacant. Par suite le moyen tiré de ce que c'est à tort que les premiers juges ont annulé le licenciement de Mme C... au motif de la méconnaissance des dispositions et engagement précités ne paraît pas, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande de l'intéressée.

7. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du courriel du 19 octobre 2018 que La Poste a refusé la réintégration de Mme C... sur le poste de chargée de mission ressources humaines (RH) de niveau III.3 à Nancy qu'elle lui avait proposé au motif que son profil ne correspondait pas et non au regard de la suppression du poste invoquée pour la première fois dans un courrier de 2020. Ce motif n'est pas au nombre de ceux pouvant justifier la non réintégration. Dans ces conditions, le moyen, invoqué en défense, tiré de ce qu'en raison de l'acceptation par Mme C... de ce poste, les refus postérieurs ne pouvaient, en tout état de cause pas, justifier le licenciement de l'intéressée sur le fondement des dispositions précitées paraît également, en l'état de l'instruction, de nature justifier l'annulation de la décision de licenciement.

8. Enfin, la circonstance que La Poste aurait des difficultés à exécuter le jugement est inopérante.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête à fin de sursis ne peuvent être que rejetées.

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de La Poste tendant à leur bénéfice. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 2 000 euros au bénéfice de Mme C... sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de La Poste à fin de sursis et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 2 : La Poste versera à Mme C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à Mme A... C....

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2023

La présidente-rapporteure,

Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 23NC02943


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02943
Date de la décision : 30/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : TADIC

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-30;23nc02943 ?
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