La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2023 | FRANCE | N°22LY02060

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 29 novembre 2023, 22LY02060


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. D... ... et Mme B... ..., agissant en leurs noms propres et au nom de leur fille mineure, A... ..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de ... à verser la somme de 30 000 euros à leur fille et à leur verser la somme de 5 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices respectifs résultant d'une faute répétée de surveillance et d'organisation des services péri-scolaires.



Par un jugement n° 2102496 du 9 ju

in 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de ... à verser à A... ... ... une somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... ... et Mme B... ..., agissant en leurs noms propres et au nom de leur fille mineure, A... ..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de ... à verser la somme de 30 000 euros à leur fille et à leur verser la somme de 5 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices respectifs résultant d'une faute répétée de surveillance et d'organisation des services péri-scolaires.

Par un jugement n° 2102496 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de ... à verser à A... ... ... une somme de 15 000 euros et à M. ... et Mme C... une somme de 5 000 euros chacun, ainsi qu'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juillet 2022 et 23 février 2023, la commune de ..., représentée par Me Pierson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102496 du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de mettre à la charge de M. ... et Mme C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits dénoncés ne sont pas de nature à caractériser des atteintes répétées ;

- aucune faute de surveillance ou dans l'organisation du service ne saurait être reprochée à la commune ;

- le caractère direct et certain des préjudices allégués n'est pas démontré et les demandes indemnitaires présentent un caractère disproportionné.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2023, M. ... et Mme C..., représentés par Me Bouhalassa, concluent au rejet de la requête et demandent à ce qu'une somme de 2 200 euros soit mise à la charge de la commune de ... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les faits litigieux sont avérés et caractérisent des atteintes répétées à l'intégrité de A... ... F... ;

- la survenance de ces faits caractérise un défaut de surveillance de la part de la commune et une carence dans l'organisation des services d'accueil péri-scolaires ;

- les préjudices allégués sont en lien direct avec les faits litigieux.

Par ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée au 6 octobre 2023 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dupuy, substituant Me Pierson, représentant la commune de ....

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 25 janvier 2021, M. ... et Mme C..., parents de la jeune A... C... F..., ont sollicité de la commune de ... une indemnisation d'un montant de 40 000 euros en réparation des préjudices subis par leur fille et par eux-mêmes à raison des atteintes répétées à l'intégrité physique et morale de la jeune A... survenues dans le cadre de l'accueil péri-scolaire organisé par la commune. Il n'a pas été répondu à cette réclamation. Par le jugement attaqué du 9 juin 2022, dont la commune de ... interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune à verser à A... ... ... une somme de 15 000 euros et à M. ... et Mme C... une somme de 5 000 euros chacun, outre 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la responsabilité de la commune :

2. La jeune A... C... ..., née le 28 septembre 2012, était inscrite en 2019 à la cantine scolaire et aux temps d'accueil péri-scolaires des mercredis et des vacances scolaires organisés par la commune de .... Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de dépôt de plainte du 30 avril 2019 comme des différents documents produits par la commune, qu'elle a fait, le 29 avril 2019 sur le temps de la pause méridienne et dans les toilettes de l'école, l'objet d'atteintes de nature sexuelle de la part de deux autres enfants et que des animateurs sont intervenus suite à l'alerte d'un autre enfant. Il en résulte également que la commune, reconnaissant l'existence d'attitudes et de comportements inadaptés portant sur le respect de l'intégrité physique et morale de A..., a indiqué, dans un courrier du 13 juin 2019 adressé à ses parents, avoir mis en place des mesures pour que de tels faits ne se reproduisent plus. Un rapport d'incident établi par un animateur de l'accueil du centre de loisir de la commune, ainsi qu'un procès-verbal de dépôt de plainte circonstancié du père de la jeune victime en date du 19 décembre 2019, attestent toutefois que de nouvelles atteintes de même nature ont eu lieu à son encontre le mercredi 18 décembre 2019 dans une salle vidéo du centre de loisirs pendant la période de temps calme d'après repas. Par ailleurs, lors de son audition par des enquêteurs spécialisés, la jeune A... a révélé l'existence de faits d'atteintes survenus entre le mois d'avril et le mois de décembre 2019 qui n'ont pas été vus par les personnels d'encadrement des services péri-scolaires. Son père a déposé à ce sujet une troisième plainte le 7 janvier 2020 relatant, de manière également circonstanciée, des faits s'étant déroulés dans les toilettes en accueil péri-scolaire.

3. Ces éléments permettent de tenir pour établis que la jeune A... C... ... a été victime, à plusieurs reprises, d'atteintes graves à son intégrité physique et morale par d'autres enfants dans le cadre de l'accueil péri-scolaire organisé par la commune de .... Eu égard à leur nature, aux circonstances de leur survenue et à leur caractère réitéré, les faits en cause mettent en évidence des carences fautives dans la surveillance des enfants et l'organisation du service de nature à engager la responsabilité de la commune. Les circonstances selon lesquelles le personnel d'encadrement aurait été en nombre suffisant au regard des exigences légales et règlementaires, les enfants mineurs n'auraient pas été pleinement conscients de la gravité et de la portée de leurs comportements ou les parents des enfants concernés accompagnés dans leur démarche éducative, ne sont pas de nature à exonérer la commune de sa responsabilité, dés lors qu'il lui appartient d'assurer la sécurité physique et morale des enfants accueillis, notamment en prenant toute mesure de nature à protéger une victime lorsque des faits d'atteinte grave à sa personne sont avérés. De même est sans incidence sur la responsabilité de la commune la circonstance que les plaintes aient fait l'objet d'un classement sans suite en raison de l'âge des enfants ayant commis les atteintes en cause.

Sur les préjudices :

4. A... ... ..., alors âgée de 6 ans et demi, a été victime d'atteintes graves et répétées à son intégrité physique et morale durant plusieurs mois, le service d'accueil péri-scolaire communal ayant failli à son obligation d'assurer sa protection, malgré les faits signalés une première fois, la mettant ainsi en situation d'insécurité physique et psychologique et obligeant ses parents à la retirer de l'accueil péri-scolaire. Il résulte de l'attestation établie en mars 2021 par la psychologue clinicienne assurant le suivi nécessaire à la petite fille compte tenu de ces faits, que si cette dernière semble aller bien, elle ressent un mal être et fait de nombreux cauchemars à l'évocation de ce qu'elle a vécu. La psychologue indique en outre que la " réponse psychique au traumatisme n'est pas immédiate et qu'elle peut mettre plusieurs mois, voire plusieurs années à advenir ". Dans les circonstances de l'espèce le tribunal administratif de Lyon n'a pas fait une inexacte appréciation des préjudices de A... ... ... en les évaluant à une somme de 15 000 euros et en évaluant, pour les mêmes motifs, le préjudice moral subi par chacun de ses parents à 5 000 euros.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de ... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à indemniser les requérants et leur fille des préjudices qu'ils ont subis.

Sur les frais d'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. ... et à Mme C... soient condamnés à verser à la commune de ..., partie perdante, une somme au titre de cet article. En revanche, il y lieu de mettre à la charge de la commune, sur ce même fondement, une somme de 1 500 euros qui sera versée à M. ... et à Mme C....

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de ... est rejetée.

Article 2 : La commune de ... versera à M. ... et Mme C... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de ..., à M. D... ... et à Mme B... C....

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2023.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne à la préfète du Rhône, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02060


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02060
Date de la décision : 29/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. - Réparation. - Préjudice. - Caractère certain du préjudice. - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BERTRAND & CAYOL & THOMAS &PIERSON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-29;22ly02060 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award