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27/11/2023 | FRANCE | N°23MA01150

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 novembre 2023, 23MA01150


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2210703 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.





Procédure devant

la Cour :



Par une requête, enregistrée le 11 mai 2023, M. D..., représenté par Me Ant, demande à la Cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2210703 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2023, M. D..., représenté par Me Ant, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 200 euros à lui payer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur de l'arrêté n'est pas identifiable ;

- le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen ;

- le préfet a fait une inexacte application du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- il doit être regardé comme résidant habituellement en France ;

- le refus de renouvellement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence ;

- elle a été prise en méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Un mémoire complémentaire a été présenté pour M. D... le 10 novembre 2023, après la clôture automatique de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 20 mars 1989, a sollicité le 29 mars 2021 le renouvellement d'un certificat de résidence qui lui avait été délivré sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par arrêté du 21 janvier 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de celui-ci tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. En première instance, M. D... a soutenu, dans ses écritures introductives d'instance, qu'" il est parfaitement impossible de déterminer qui a signé (...) la décision du 28 janvier 2022 " et indiqué qu'" il n'est pas possible de déterminer si la décision a été prise par une autorité compétente ". M. D... devait ainsi être regardé comme invoquant la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.

4. Le jugement n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant.

5. Il y a lieu pour la Cour d'annuler ce jugement, qui est irrégulier, et d'évoquer l'affaire pour y statuer immédiatement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Bouches-du-Rhône :

6. Il ressort de l'avis de réception postal, produit par le préfet des Bouches-du-Rhône, que l'arrêté attaqué, notifié à l'adresse suivante : " M. D... E... / F... résidence sociale AHHP / 59 avenue de Saint-Just / 13013 Marseille ", est revenu avec la mention " N'habite pas à l'adresse indiquée ". Toutefois, cette adresse était incomplète, l'adresse indiquée par M. D... dans sa demande de renouvellement de titre de séjour précisant " Appt. B005 ". M. D... justifie en outre, par la production d'un échange de courriels avec la préfecture, la réalité des difficultés d'acheminement en l'absence de mention de l'adresse complète. Dès lors, faute pour le préfet de justifier d'une notification régulière de l'acte à l'adresse qui lui avait été indiquée, la fin de non-recevoir qu'il présente ne peut être accueillie.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

7. Aux termes des dispositions de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

8. Le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé au vu de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que, si un défaut de soins était susceptible d'entraîner pour M. D... des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier pouvait bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine.

9. M. D... soutient qu'il a reçu une greffe de rein en novembre 2020, et suit un traitement, à base notamment d'un immunosuppresseur, le Cellcept(r) (Micophenolate mofetil), médicament qui n'est selon lui pas disponible en Algérie. Il ressort des pièces fournies par l'Office français de l'immigration et de l'intégration que le principe actif du Cellcept(r) est commercialisé en Algérie sous le nom de " A... ". Toutefois, il ressort du certificat établi le 16 décembre 2022 par le docteur B..., en charge de l'intéressé, que " le Cellcept ne doit pas être substitué par un générique " en raison d'une " pharmacodynamie différente ", avis qui est corroboré par le certificat médical établi le 27 avril 2023 par le docteur C..., médecin néphrologue algérien, qui indique que les médicaments actuellement prescrits à M. D... " ne peuvent en aucun cas être remplacés ou substitués par d'autres molécules (notamment les médicaments génériques dont les effets restent non négligeables et néfastes quant à la survie du greffon rénal comme le A...) sans avis de son médecin de survie post-greffe rénale ". Ni le préfet, ni l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne contestent ces affirmations, qui doivent être tenues pour établies. M. D... est donc fondé à soutenir que le préfet a fait une inexacte application du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

10. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés à l'appui de sa requête, M. D... est donc fondé à soutenir que l'arrêté préfectoral du 21 janvier 2022 est illégal.

Sur l'injonction :

11. En l'absence de tout changement allégué dans les circonstances de fait ou de droit, le présent arrêt implique le renouvellement du certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " de M. D..., dans un délai qu'il convient de fixer à un mois, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à payer à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2210703 du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 21 janvier 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de délivrer à M. D... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. D... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 novembre 2023.

N° 23MA01150 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01150
Date de la décision : 27/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : ANT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-27;23ma01150 ?
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