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23/11/2023 | FRANCE | N°21BX04341

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 23 novembre 2023, 21BX04341


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 6 mars 2019 par laquelle le directeur du port de plaisance d'Arcachon a refusé de lui accorder à titre prioritaire une autorisation d'occupation du poste d'amarrage L30 au tarif titulaire.



Par un jugement n° 1904335 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 12 juillet 2018 du directeur du port de plaisance d'Arcachon ainsi que sa d

écision du 6 mars 2019.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 6 mars 2019 par laquelle le directeur du port de plaisance d'Arcachon a refusé de lui accorder à titre prioritaire une autorisation d'occupation du poste d'amarrage L30 au tarif titulaire.

Par un jugement n° 1904335 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 12 juillet 2018 du directeur du port de plaisance d'Arcachon ainsi que sa décision du 6 mars 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 novembre 2021, le 3 août 2023 et le 30 octobre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la régie du port d'Arcachon, représentée par Me Bardet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 septembre 2021 ;

2°) de rejeter les demandes de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il y a bien lieu de statuer sur la requête d'appel ;

- la demande ne contenait pas de conclusions tendant à l'annulation de la décision du 12 juillet 2018 ;

- la demande était irrecevable dès lors qu'elle est tardive ; elle n'est dirigée contre aucune décision administrative au sens des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administratif ;

- les conclusions aux fins d'injonction sont irrecevables car elles n'accompagnent aucune conclusion en annulation d'une décision administrative ;

- les conclusions tendant à l'indemnisation sont irrecevables en l'absence de décision préalable ;

- elle n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur d'interprétation du règlement intérieur et de police du port d'Arcachon dès lors que l'article 17 de ce règlement prévoit qu'il ne peut y avoir de droit de suite pour le copropriétaire ; la copropriété du bateau n'était qu'un montage pour pouvoir bénéficier d'une place dans le port d'Arcachon.

Par des mémoires en défense enregistrés le 27 janvier 2022 et le 22 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Tastet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la régie du port d'Arcachon d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dès lors qu'à la suite du jugement du tribunal administratif, une nouvelle décision de refus d'autorisation d'occupation du domaine public a été prise le 29 novembre 2021 qui est contestée dans le cadre d'une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 29 janvier 2022 ;

- les moyens de la régie du port d'Arcachon ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Romain Roussel-Cera, rapporteur public,

- les observations de Me Bardet, représentant la régie du port d'Arcachon et de Me Bocquet, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... était titulaire d'une autorisation d'occupation du poste d'amarrage L30 dans le port de plaisance d'Arcachon, qui était occupé par un navire dénommé " Chloé ", détenu à 60 % par M. C... et à 40 % par M. B.... À la suite du décès de M. C..., M. B... a présenté une demande tendant à l'attribution prioritaire de l'autorisation d'occupation du poste d'amarrage L 30. Par une décision du 12 juillet 2018, le directeur du port de plaisance d'Arcachon a rejeté sa demande. La régie du port d'Arcachon relève appel du jugement du 30 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 12 juillet 2018 du directeur du port de plaisance d'Arcachon ainsi que sa décision confirmative du 6 mars 2019, a enjoint à la régie du port d'Arcachon de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai de deux mois et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :

2. Dans son jugement du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions du 12 juillet 2018 et du 6 mars 2019 par lesquelles le directeur du port de plaisance d'Arcachon a refusé d'accorder à M. B... une autorisation d'occupation du poste d'amarrage L30 au tarif titulaire. Il a également enjoint à la régie du port d'Arcachon de procéder à un réexamen de la demande de M. B.... Si, en exécution de ce jugement, la régie du port d'Arcachon a réexaminé la demande et pris, le 29 novembre 2021, une nouvelle décision de refus, ce nouveau refus, qui fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif, pris pour l'exécution du jugement du 30 septembre 2021, ne prive pas d'objet l'appel contre ce jugement. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la régie du port d'Arcachon.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Ainsi que le soutient la régie du Port d'Arcachon et comme exposé au point 1, le tribunal a annulé la décision 12 juillet 2018 du directeur du port de plaisance d'Arcachon, alors qu'il n'était saisi d'aucune demande en ce sens mais d'une demande tendant, dans le dernier état des écritures de M. B..., à l'annulation de la seule décision du 6 mars 2019. Dans ces conditions l'appelante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé en tant qu'il prononce l'annulation de la décision du 12 juillet 2018.

4. M. B... n'ayant pas, ainsi qu'il vient d'être dit, demandé l'annulation de la décision du 12 juillet 2018, il n'y a pas matière, pour la cour, à évoquer sur ce point. Il y a lieu de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-5 du même code prévoit : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

6. Aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai (...) ". Aux termes de l'article L. 112-3 du même code : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ". Aux termes de l'article R. 112-5 du même code : " L'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 comporte les mentions suivantes : 1° La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ; / (...) Il indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision (...) ".

7. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

8. La présentation, dans le délai imparti pour introduire un recours contentieux contre une décision administrative, d'un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, contre cette décision a pour effet d'interrompre ce délai. Il en va notamment ainsi lorsque, faute de respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, le délai dont dispose le destinataire de la décision pour exercer le recours juridictionnel est le délai découlant de la règle énoncée au point 7. Lorsque le recours administratif fait l'objet d'une décision explicite de rejet, un nouveau délai de recours commence à courir à compter de la date de notification de cette décision. Si la notification de la décision de rejet du recours administratif n'est pas elle-même assortie d'une information sur les voies et délais de recours, l'intéressé dispose de nouveau, à compter de cette notification, du délai découlant de la règle énoncée au point 7 pour saisir le juge. En cas de silence gardé par l'administration sur le recours administratif, le délai de recours contentieux de droit commun contre la décision administrative contestée recommence à courir dès la naissance d'une décision implicite de rejet du recours administratif lorsque l'autorité administrative a accusé réception de ce dernier recours et que l'accusé de réception comporte les indications prévues à l'article R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration. À défaut, l'intéressé dispose, pour introduire son recours contentieux contre la décision administrative qu'il conteste, à compter du jour où il a eu connaissance de la décision implicite de rejet de son recours administratif, du délai raisonnable découlant de la règle énoncée au point 7.

9. Une deuxième décision dont l'objet est le même que la première revêt un caractère confirmatif, dès lors que ne s'est produit entre temps aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige.

10. Il ressort des pièces du dossier que par courriers du 18 décembre 2017 et du 22 juin 2018, M. B..., auparavant copropriétaire du bateau dénommé " Chloé " à hauteur de 40 % et bénéficiaire du legs des 60 % détenus par M. C..., a demandé au directeur du port d'Arcachon, à la suite du décès de M. C... survenu le 25 septembre 2017, le bénéfice de l'autorisation d'occupation de l'emplacement L30 du port de plaisance d'Arcachon au tarif " titulaire " dont bénéficiait M. C... et a joint à sa demande les pièces justificatives nécessaires à l'application des dispositions de l'article 17 du règlement particulier de police et d'exploitation du port de plaisance d'Arcachon relatif au transfert du droit de propriété ou de jouissance du navire. Dans ces courriers, M. B... invoquait sa qualité de seul propriétaire du bateau à la suite du legs des 60 % détenus par M. C.... Par courrier du 12 juillet 2018, le directeur du port d'Arcachon a rejeté sa demande au motif que le règlement du port ne prévoit pas de droit de suite au bénéfice du copropriétaire d'un bateau. Par courrier du 23 juillet 2018 qui doit être analysé comme un recours gracieux, M. B... a exprimé son désaccord sur le motif de refus opposé et a renouvelé sa demande d'autorisation d'occupation de l'emplacement. Par courrier du 2 août 2018 qui ne comportait pas la mention des voies et délais de recours, le directeur du Port d'Arcachon a rejeté le recours gracieux de M. B.... Par courrier du 4 septembre 2018, M. B..., par l'intermédiaire de son avocat, a contesté à nouveau le refus qui lui était opposé en mentionnant la réception d'une lettre recommandée le 10 août 2018 qui correspond au courrier de rejet du recours gracieux du 2 août. Ainsi, le délai prévu au point 7 a commencé à courir à compter de cette date et expirait le 10 août 2019.

11. Dans ces conditions, à la date à laquelle M. B... a présenté des conclusions à fin d'annulation de la décision du 6 mars 2019, dans ses écritures de première instance enregistrées le 14 octobre 2020, la décision du 12 juillet 2018 était devenue définitive et en l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, la décision du 6 mars 2019 doit s'analyser comme une décision purement confirmative de la décision de refus initiale datée du 12 juillet 2018, qui n'a pas eu pour effet de rouvrir le délai de recours contentieux. Par suite, les conclusions de la demande dirigées contre la décision confirmative du 6 mars 2019, étaient pour ce motif, irrecevables.

12. En second lieu, et ainsi que l'admet l'intimé dans ses écritures, les conclusions à fin d'injonction et les conclusions indemnitaires formulées dans la demande initiale présentée devant le tribunal ont été abandonnées en cours d'instance.

13. Il résulte de ce qui précède que la régie du Port d'Arcachon est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 septembre 2021.

Sur les frais liés au litige :

14. Il n'apparait pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais d'instance qu'elles ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1904335 du tribunal administratif de Bordeaux du 30 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la régie du port d'Arcachon et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023.

La présidente-assesseur,

Christelle Brouard-Lucas

Le président-rapporteur,

Jean-Claude PauzièsLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX04341 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04341
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CABINET BARDET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;21bx04341 ?
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