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22/11/2023 | FRANCE | N°22BX01817

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 22 novembre 2023, 22BX01817


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet de la Dordogne a déféré au tribunal administratif de Bordeaux le contrat à durée déterminée par lequel le conseil départemental de la Dordogne a recruté M. A... C... pour assurer les fonctions de gestionnaire administratif et financier du centre départemental de santé d'Excideuil à compter du 1er février 2021.





Par un jugement n° 2103835 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'article 4 du contrat en

cause fixant sa rémunération, en tant qu'elle excède le 9ème échelon du grade de rédacteur principal de deuxième ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Dordogne a déféré au tribunal administratif de Bordeaux le contrat à durée déterminée par lequel le conseil départemental de la Dordogne a recruté M. A... C... pour assurer les fonctions de gestionnaire administratif et financier du centre départemental de santé d'Excideuil à compter du 1er février 2021.

Par un jugement n° 2103835 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'article 4 du contrat en cause fixant sa rémunération, en tant qu'elle excède le 9ème échelon du grade de rédacteur principal de deuxième classe dans le cadre d'emploi des rédacteurs territoriaux et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

I. Sous le n° 22BX01817, par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juillet 2022 et 29 octobre 2022, le département de la Dordogne, représenté par la SELARL HMS Atlantique Avocats, demande à la Cour : :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mai 2022 précité en tant qu'il a annulé l'article 4 du contrat à durée déterminée de M. C... ;

2°) de rejeter le déféré du préfet de la Dordogne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation a été retenu à tort par le tribunal s'agissant de la rémunération de M. C... dès lors que les agents contractuels ne se trouvent pas dans la même situation que les fonctionnaires ; ainsi la circonstance qu'un agent titulaire avec la même ancienneté que M. C..., soit 22 années, ne pourrait atteindre que le 9ème échelon de la grille indiciaire du grade de rédacteur principal de 2eme classe, en application des dispositions du I de l'article 25 du décret du 22 mars 2010 ne saurait justifier à elle seule l'annulation de l'article 4 de son contrat fixant sa rémunération ; le classement de M. C..., par référence à cette grille, au 12ème échelon à l'indice brut 594, indice majoré 501, est justifié compte tenu de son expérience professionnelle et de ses diplômes et formations et des attentes de son employeur quant au profil attendu pour le poste qu'il occupe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2022, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 septembre 2022 la clôture de l'instruction a été fixée au 24 novembre 2022.

II. Sous le n° 22BX01823, par une requête et un mémoire, enregistrés, le 6 juillet 2022 et le 29 octobre 2022, le département de la Dordogne, représenté par la SELARL HMS Atlantique Avocats, demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 5 mai 2022.

Il soutient que :

- sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative, les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions aux fins d'annulation accueillies par ce jugement ;

- sur l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2022, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 novembre 2022 la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu, au 28 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, notamment son article 136 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2010-329 du 22 mars 2010 ;

- le décret n° 2010-330 du 22 mars 2010 ;

- le décret n°2012-924 du 30 juillet 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Safar, représentant le département de la Dordogne.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 17 novembre 2020, le conseil départemental de la Dordogne a créé un emploi permanent à temps complet de gestionnaire administratif et financier du centre départemental de santé d'Excideuil, lequel pouvait être pourvu par un fonctionnaire du cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux ou par un agent non titulaire après création de l'emploi contractuel. M. A... C... a été recruté par un contrat de trois ans à compter du 1er février 2021, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, en qualité d'agent contractuel du cadre départemental de catégorie B pour exercer les fonctions de gestionnaire administratif et financier du centre départemental de santé d'Excideuil. Sa rémunération a été fixée à l'indice brut (IB) 594, indice majoré (IM) 501, par référence à la grille indiciaire du grade de rédacteur principal de deuxième classe dans le cadre d'emploi de catégorie B, soit au 12ème échelon. Ce contrat a été télétransmis à la préfecture de la Dordogne, qui en a accusé réception le 12 février 2021. Le préfet de la Dordogne a demandé au président du conseil départemental de la Dordogne, par une lettre d'observations reçue le 12 avril 2021, de retirer le contrat à durée déterminée en cause au motif que la rémunération ne pouvait excéder l'indice majoré 452 applicable au 9ème échelon du grade de rédacteur principal de deuxième classe dans le cadre d'emploi des rédacteurs territoriaux. Par un courrier notifié le 26 mai 2021, le président du conseil départemental de la Dordogne a rejeté cette demande. Le préfet de la Dordogne a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, par voie de déféré, d'annuler le contrat à durée déterminée de M. C....

2. Par un jugement du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'article 4 de ce contrat fixant la rémunération de l'intéressé, en tant qu'elle excède le 9ème échelon du grade de rédacteur principal de deuxième classe dans le cadre d'emploi des rédacteurs territoriaux et a rejeté le surplus du déféré. A l'appui de la requête n° 22BX01817, le département de la Dordogne relève appel de ce jugement dont il demande l'annulation en tant qu'il fait partiellement droit à la demande du préfet de la Dordogne et, à l'appui de la requête n° 22BX01823, en demande le sursis à exécution.

Sur la requête n° 22BX01817 :

En ce qui concerne le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Pour annuler l'article 4 du contrat fixant la rémunération de M. C..., le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que la fixation de la rémunération de l'intéressé à l'indice brut (IB) 594, indice majoré (IM) 501 était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des fonctions qui lui seraient confiées, de son expérience et de ses qualifications.

4. Aux termes de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi ; (...) ". Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La rémunération des agents contractuels est fixée par l'autorité compétente en tenant compte des fonctions exercées, de la qualification requise pour leur exercice et de l'expérience de ces agents. Elle peut tenir compte de leurs résultats professionnels et des résultats collectifs du service. ". Aux termes de l'article 1-2 du décret du 15 février 1988, pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Le montant de la rémunération est fixé par l'autorité territoriale en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l'agent ainsi que son expérience ".

5. Si en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires relatives à la fixation de la rémunération des agents non titulaires, l'autorité compétente dispose d'une large marge d'appréciation pour déterminer, en tenant compte notamment des fonctions confiées à l'agent et de la qualification requise pour les exercer, le montant de la rémunération ainsi que son évolution, il appartient au juge, saisi d'une contestation en ce sens, de vérifier qu'en fixant ce montant l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

6. Il ressort des pièces du dossier que le département de la Dordogne a fixé la rémunération de M. C..., recruté pour exercer les fonctions de gestionnaire administratif et financier du centre départemental de santé d'Excideuil, par référence à la grille indiciaire du grade de rédacteur principal de deuxième classe dans le cadre d'emploi de catégorie B au 12ème échelon, à l'indice brut (IB) 594, indice majoré (IM) 501. En réponse au Préfet qui sollicitait le retrait du contrat de recrutement de M. C... au motif que le 12ème échelon ne pouvait être servi qu'à un agent titulaire de son grade et de son cadre d'emploi justifiant d'une ancienneté de plus de 29 ans, le département de la Dordogne fait valoir que cette rémunération est justifiée à raison de la formation de M. C... et de son expérience professionnelle dans l'organisation et le fonctionnement d'une collectivité territoriale, en adéquation avec le poste proposé, dès lors que M. C... a exercé des fonctions auprès d'élus territoriaux, et qu'il a su mettre au profit de la collectivité ses connaissances des principaux acteurs locaux et partenaires ce qui lui permettra d'appréhender les dossiers à portée sanitaire et sociale de la collectivité.

7. Aux termes de la fiche de poste, les missions du poste de gestionnaire administratif et financier du centre départemental de santé d'Excideuil consistent, pour les centres de santé en fonctionnement, à assurer la coordination administrative et financière du centre de santé en assurant notamment la " régie de recette, l'accompagnement du personnel administratif et du secrétariat médical affecté au centre (lien fonctionnel), la Gestion financière et budgétaire en lien avec le Service Budget de la DGA-SP (élaboration des propositions budgétaires, suivi d'exécution du budget annexe, suivi et tenue des tableaux de bord d'activité et d'indicateurs financiers, participation à la réalisation du compte administratif, élaboration des documents et pièces nécessaires aux recettes liées au Protocole National)". Les compétences et qualités requises pour le poste sont notamment " Fonctionnement administratif et financier d'une collectivité départementale et des Ressources Humaines ; Gestion budgétaire et financière ; Connaissance en comptabilité publique et notamment des régies ".

8. M. C..., titulaire d'une licence de sociologie et d'un niveau master 2 " les métiers du politique ", âgé de 44 ans lors de la conclusion du contrat, justifiait d'une expérience professionnelle de 22 ans. Il a successivement occupé des fonctions de conseiller formation emploi au conseil régional d'Aquitaine, chargé de la mise en œuvre du programme régional de formation, puis de conseiller développement économique au conseil départemental de la Dordogne, chargé d'accompagner les autoentrepreneurs dans la gestion de leur projet de création d'entreprise pendant dix ans, puis, il a exercé des fonctions d'attaché parlementaire auprès du sénateur de la Dordogne en 2008-2009 en charge du courrier, agenda, communication, publication et veille et enfin, comme collaborateur au cabinet du maire de de Coulounieix-Chamiers à compter du 1er octobre 2009, en charge notamment de la rédaction de discours, de communiqués de presse et de supports de communication, période durant laquelle il avait la qualité de fonctionnaire de catégorie B relevant du corps des rédacteurs territoriaux, placé en position de disponibilité, avant d'être radié des cadres, à sa demande, le 30 juillet 2020.

9. Le département de la Dordogne fait valoir que M. C... dispose d'une solide formation et d'une grande expérience professionnelle dans l'organisation des collectivités territoriales et qu'il a, depuis sa prise de poste, eu la charge de piloter la création de plusieurs autres centres de santé dans le département, dont la création s'impose pour lutter contre les déserts médicaux en zone rurale, et qu'il a rempli pleinement ses missions avec succès. Toutefois, au regard des compétences exigées par le poste en matière de projets dans le domaine spécifique de la santé, secteur dans lequel M. C... ne conteste pas n'avoir jamais exercé auparavant, et de gestion comptable et financière, matière pour laquelle il n'a pas de formation, M. C... ne disposait pas, lors de son recrutement, d'une expérience et de compétences professionnelles particulières justifiant qu'il soit surclassé au-delà de l'échelon maximal des rédacteurs principaux de 2ème classe justifiant d'une ancienneté équivalente à la sienne. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que le président du conseil départemental de la Dordogne avait commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant, à l'article 4 du contrat à durée déterminée, la rémunération de M. C... sur la base de l'indice brut 594, indice majoré 501.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Dordogne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'article 4 du contrat à durée déterminée de recrutement de M. C... en tant qu'il fixe sa rémunération à un échelon excédant le 9ème échelon du grade de rédacteur principal de deuxième classe dans le cadre d'emploi des rédacteurs territoriaux.

En ce qui concerne les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le département de la Dordogne au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Sur la requête n° 22BX01823 :

12. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions du département de la Dordogne tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il fait partiellement droit au déféré du préfet de la Dordogne, les conclusions de la requête susvisée tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ont perdu leur objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces conclusions.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22BX01823.

Article 2 : La requête n° 22BX01817 du département de la Dordogne est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Dordogne, à M. A... C... et au département de la Dordogne. Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2023.

La rapporteure,

Caroline B...

La présidente,

Ghislaine Markarian La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX01817, 22BX01823 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01817
Date de la décision : 22/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SELARL HMS ATLANTIQUE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-22;22bx01817 ?
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