Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les titres exécutoires n° 371 et n° 2354 d'un montant chacun de 5 400 euros émis les 19 mars 2019 et 19 novembre 2018 par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).
Par un jugement n° 1901226 et 1904964 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé ces deux titres exécutoires et a condamné l'AP-HP à verser à l'ONIAM la somme de 1 620 euros au titre de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 6 mai 2020 et le 2 octobre 2023, sous le n° 20VE01233, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Fitoussi, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 mars 2020 en ce qu'il a annulé ces titres exécutoires ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'AP-HP devant le tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'AH-HP au paiement des sommes dues assorties des intérêts légaux et de leur capitalisation ;
4°) d'appeler en déclaration de jugement commun la Caisse nationale de retraite des industries électriques et gazinières (CNIEG);
5°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la créance de l'ONIAM est certaine et bien fondée ;
- les titres exécutoires sont valides : la personne qui a émis le titre n'est pas nécessairement l'auteur au sens de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, la SHAM ne pouvait ignorer l'identité de l'auteur au regard de l'ensemble des documents, l'absence de signature n'a pas privé la SHAM d'une garantie ;
- sur ses demandes reconventionnelles : si la cour confirme le jugement sur l'annulation des titres exécutoires, il y a lieu de condamner l'AP-HP à lui verser les sommes dues assorties des intérêts et de leur capitalisation ;
- il y a lieu d'appeler en cause l'organisme de sécurité sociale de la victime.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2023, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris représentée par Me Tsouderos, avocat, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la décision de rejet d'indemnisation du 31 mai 2018 opposée par l'AP-HP aux consorts D... était définitive ; L'ONIAM ne détient plus de créance à l'encontre de l'AP-HP au titre de sa subrogation ;
- il n'est pas établi que le décès soit imputable à une faute du service hospitalier ;
- il y a lieu de confirmer le jugement sur l'illégalité externe des titres exécutoires ;
- la mise en cause de l'organisme de protection sociale de la victime n'est pas utile.
Par ordonnance du président de la chambre du 15 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2023 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
II. Par une seconde requête enregistrée le 6 mai 2020 sous le n° 20VE01234, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Fitoussi, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 mars 2020 en ce qu'il a annulé ces titres exécutoires ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'AP-HP devant le tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'AH-HP au paiement des sommes dues assorties des intérêts légaux et de leur capitalisation ;
4°) d'appeler en déclaration de jugement commun la Caisse nationale de retraite des industries électriques et gazinières (CNIEG);
5°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il reprend les mêmes moyens que ceux développés dans la requête ci-dessus visée n° 20VE01233.
Une mise en demeure a été adressée le 15 septembre 2020 à l'AP-HP.
Par ordonnance du président de la chambre du 15 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2023 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars,
- et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., né le 17 août 1958, a consulté son médecin généraliste le 29 septembre 2014 pour un état fébrile, qui lui a prescrit un antibiotique. Il a été admis le 2 octobre 2014 aux urgences de l'hôpital Avicenne. Le 3 octobre il a été transféré en réanimation en raison d'une insuffisance rénale aigüe. Un traitement antibiotique lui a été administré à partir du 9 octobre, à la suite à des résultats de sérologie mettant en évidence une leptospirose. Le 11 octobre, compte tenu de l'aggravation de l'hypoxémie du patient, son traitement antibiotique a été modifié. Le jour même, à 20h, une infection locale au niveau du cathéter placé sur le poignet gauche a été constatée par l'équipe médicale. Le 12 octobre, M. D..., en détresse respiratoire, a alors été intubé et placé sous ventilation assistée. Le 16 octobre, un traitement antifongique est mis en place à la suite de l'identification de deux bactéries, " enterobacter Cloacae " et " candida albicans ", à l'origine de la pneumopathie. Son état de santé s'est encore aggravé et il est décédé le 17 octobre 2014 à l'hôpital Avicenne. La commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Île-de-France, saisie par les deux enfants de la victime, Mme E... D... et M. F... D..., a, dans son avis du 1er février 2018 donné après une expertise contradictoire dont les conclusions ont été rendues le 28 juillet 2017, retenu que les manquements fautifs de l'hôpital Avicenne dans la prise en charge de M. D... lui avaient fait perdre 90 % de chance de survie. L'AP-HP, par des courriers datés du 31 mai 2018, a informé les intéressés qu'elle n'entendait pas les indemniser au motif que le lien de causalité entre les manquements relevés et le décès de la victime n'était pas établi. Saisi par les enfants de M. D... d'une demande de substitution en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, l'ONIAM a indemnisé ces derniers à hauteur de 5 400 euros chacun en réparation du préjudice moral résultant du décès de leur père imputable pour 90 % à l'AP-HP. L'ONIAM, subrogé dans les droits des ayants-droit ainsi indemnisés, a émis deux titres exécutoires n° 2354 du 19 novembre 2018 et n° 371 du 19 mars 2019, d'un montant respectif de 5 400 euros. Par jugement n° 1901226, 1904964 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé ces titres exécutoires à la demande de l'AP-HP et a condamné cette dernière à verser à l'ONIAM une somme de 1 620 euros au titre de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. L'ONIAM relève appel de ce jugement par les deux requêtes ci-dessus visées, en tant qu'il a annulé les deux titres exécutoires qu'il avait émis.
Sur la jonction :
2. Les deux requêtes nos 20VE01233 et 20VE01234 étant dirigées contre le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.
Sur les titres exécutoires :
3. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
4. Pour l'application de ces dispositions aux titres exécutoires visant au recouvrement des créances des établissements publics administratifs, d'une part, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doivent mentionner les nom, prénoms et qualité de l'auteur de la décision, et d'autre part, il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes ou l'état exécutoire comportent la signature de cet auteur. Lorsque le bordereau ou l'état exécutoire sont signés non par l'ordonnateur lui-même mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les nom, prénoms et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.
5. En l'espèce, les titres exécutoires litigieux mentionnent que M. G... C..., directeur de l'ONIAM a émis ces titres. Ni ces titres, ni les ordres à recouvrer exécutoires ne comportent sa signature. Si l'ordre à recouvrer relatif au titre exécutoire n° 371 du 19 mars 2019 comporte la signature, les nom, prénom et qualité de Mme A... de H... de I..., ce ne sont pas ses nom, prénom et qualité qui sont portés sur le titre exécutoire du 19 mars 2019. Concernant l'ordre à recouvrer le titre exécutoire n° 2354 du 19 novembre 2018, il ne comporte pas les mentions des nom, prénom du signataire par délégation du directeur. Dans ces conditions, l'ONIAM ne justifie pas de la signature des titres exécutoires contestés, dès lors entachés d'un vice de forme privant le destinataire d'une garantie liée à l'identification de l'auteur des titres attaqués.
Sur les conclusions reconventionnelles :
En ce qui concerne la demande de condamnation de l'AP-HP au titre des sommes versées :
6. Lorsqu'il cherche à recouvrer les sommes versées aux victimes en application de la transaction conclue avec ces dernières, l'ONIAM peut soit émettre un titre exécutoire à l'encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances, soit saisir la juridiction compétente d'une requête à cette fin. Toutefois, l'office n'est pas recevable à saisir le juge d'une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l'indemnité versée à la victime lorsqu'il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige. Réciproquement, il ne peut légalement émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement forcé de sa créance s'il a déjà saisi le juge ou s'il le saisit concomitamment à l'émission du titre.
7. L'ONIAM ayant choisi de recourir à l'émission de titres exécutoires pour recouvrer les indemnités transactionnelles versées aux victimes, ses conclusions tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui verser les sommes en cause ne peuvent par conséquent qu'être rejetées, alors même que les titres exécutoires ont été annulés pour un motif de régularité en la forme.
Sur les conclusions tendant à déclarer le jugement commun à la CNIEG :
8. Lorsque l'ONIAM a versé une indemnité à la victime en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, il lui appartient d'informer les éventuels tiers payeurs concernés afin de leur permettre de faire valoir leurs droits auprès du tiers responsable ou de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances et de les informer de l'émission d'un titre exécutoire à l'encontre du débiteur de l'indemnité ainsi que des décisions de justice rendues sur le recours formé par le débiteur contre ce titre. En revanche, il ne résulte ni de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que les tiers payeurs ayant servi des prestations à la victime en raison de l'accident devraient être appelés en la cause lorsque le débiteur saisit le juge administratif d'une opposition au titre exécutoire. Par suite, il y a lieu, de rejeter les conclusions présentées par l'ONIAM tendant à ce que la cour appelle en déclaration de jugement commun la CNIEG.
9. Il résulte de tout ce qui précède, que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a annulé les titres exécutoires n° 371 du 19 mars 2019 et n° 2354 du 19 novembre 2018 et a rejeté sa demande de condamnation de l'AP-HP au versement des sommes réclamées.
Sur les frais liés aux instances :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'AP-HP qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes nos 20VE01233 et 20VE01234 de l'ONIAM sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à la Caisse nationale de retraite des industries électriques et gazières.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023.
La rapporteure,
A-C. LE GARS
Le président,
S. BROTONS
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nos 20VE01233-20VE01234 2