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10/11/2023 | FRANCE | N°22LY01667

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 10 novembre 2023, 22LY01667


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



La SAS EDF ENR a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 mai 2021, par laquelle l'inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations du Rhône lui a enjoint de cesser, à compter du 1er octobre 2021, de prospecter par voie téléphonique les consommateurs si cette sollicitation n'intervient pas dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours et ayan

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS EDF ENR a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 3 mai 2021, par laquelle l'inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations du Rhône lui a enjoint de cesser, à compter du 1er octobre 2021, de prospecter par voie téléphonique les consommateurs si cette sollicitation n'intervient pas dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours et ayant un rapport avec l'objet de ce contrat, ainsi que d'annuler la décision de rejet implicite de son recours hiérarchique du 25 juin 2021.

Par un jugement n° 2107613 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai et 19 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2107613 du 29 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'enjoindre à la SAS EDF ENR de rembourser la somme perçue au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en exécution de l'article 2 du jugement attaqué ;

3°) de rejeter la demande présentée par la SAS EDF ENR devant le tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- les dispositions de l'article L. 223-1 du code de la consommation interdisent sans ambiguïté toute prospection commerciale par voie téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique ;

- l'hypothèse dans laquelle un professionnel rappelle un consommateur qui lui aurait préalablement remis ses coordonnées n'est pas au nombre des exceptions à ce principe prévues par l'alinéa 3 du même article, dés lors qu'une telle démarche relève de la prospection commerciale ;

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 septembre 2022 et 31 janvier 2023 la SAS EDF ENR, représentée par la SCP August Debouzy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 7 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés ; qu'au demeurant, une instruction ministérielle du 18 novembre 2022 prévoit de ne plus sanctionner sur le fondement de l'article L. 223-1 du code de la consommation, les sociétés du secteur de la rénovation énergétique rappelant les consommateurs ayant préalablement demandé à être appelés.

Par ordonnance du 24 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 février 2023 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la consommation ;

- loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Brenot, représentant la SAS EDF ENR.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 3 mai 2021 l'inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la direction départementale de la protection des populations du Rhône a, sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article L. 223-1 du code de la consommation, notifié à la société EDF ENR une injonction de cesser, à compter du 1er octobre 2021, de prospecter par voie téléphonique les consommateurs si cette sollicitation n'intervient pas dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours et ayant un rapport avec l'objet de ce contrat, sous peine d'amendes administratives. Le recours formé le 25 juin 2021 par la société EDF ENR à l'encontre de cette décision a été implicitement rejeté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance. Par le jugement attaqué du 29 mars 2022, dont le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le ministre soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en méconnaissant le champ d'application de l'article L. 223-1 alinéa 3 du code de la consommation, ces moyens se rattachent au bien-fondé de la décision juridictionnelle et ne constituent pas des moyens d'irrégularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 223-1 du code de la consommation : " Le consommateur qui ne souhaite pas faire l'objet de prospection commerciale par voie téléphonique peut gratuitement s'inscrire sur une liste d'opposition au démarchage téléphonique. / Il est interdit à un professionnel, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers agissant pour son compte, de démarcher téléphoniquement un consommateur inscrit sur cette liste, sauf lorsqu'il s'agit de sollicitations intervenant dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours et ayant un rapport avec l'objet de ce contrat, y compris lorsqu'il s'agit de proposer au consommateur des produits ou des services afférents ou complémentaires à l'objet du contrat en cours ou de nature à améliorer ses performances ou sa qualité. / Toute prospection commerciale de consommateurs par des professionnels, par voie téléphonique, ayant pour objet la vente d'équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d'économies d'énergie ou de la production d'énergies renouvelables est interdite, à l'exception des sollicitations intervenant dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours au sens du deuxième alinéa du présent article."

4. Les dispositions de l'article L. 223-1 précitées du code de la consommation, issues de la loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux ont pour objet de renforcer la protection des consommateurs contre les pratiques de démarchage téléphonique intempestif et non consenti. Le dernier alinéa de cet article vise à interdire les pratiques de prospection commerciale de consommateurs dans le domaine particulier des travaux d'amélioration ou de rénovation énergétique. Cette interdiction sectorielle tend, d'une part, à assurer la protection des consommateurs contre les abus et les fraudes constatés de la part de certains opérateurs et, d'autre part, à préserver les objectifs de la politique publique en matière transition et de rénovation énergétique au regard des importants dispositifs d'aides publiques prévus en la matière.

5. Il ressort des pièces du dossier que la société EDF ENR, filiale du groupe EDF qui commercialise des centrales photovoltaïques à destination des particuliers, dispose d'un site internet de présentation de ses services comportant un formulaire à destination des personnes intéressées par l'installation d'un équipement photovoltaïque à leur domicile. Il ressort des mentions de ce formulaire en ligne, produit à l'instance, que ce dernier permet aux personnes intéressées de contacter un téléconseiller via un service d'appel gratuit ou de laisser leurs coordonnées pour être contactées par ces derniers ; que le consommateur potentiel est clairement avisé de la finalité des renseignements personnels qu'il porte sur ce formulaire puisque son titre indique " remplissez le formulaire ci-dessous si vous souhaitez qu'un conseiller vous appelle pour échanger autour de votre projet photovoltaïque " et qu'il précise " je demande à être rappelé(e) sous 48H ", avant la rubrique permettant de laisser ses coordonnées téléphoniques pour être contacté dans ce délai. La société EDF ENR soutient, sans être sérieusement contredite, que l'échange téléphonique avec le téléconseiller a pour objet de vérifier l'éligibilité aux offres disponibles avant, dans l'affirmative, et si la personne contactée à sa demande confirme son intérêt, de proposer un rendez-vous à leur domicile avec un agent chargé d'une étude du site. Dans ces conditions, le consommateur qui communique son numéro de téléphone doit être regardé comme ayant pu exercer un choix libre et éclairé, de la même manière qu'un consommateur appelant lui-même le service, dans le but d'obtenir, par une démarche volontaire, des informations concernant un projet d'installation photovoltaïque. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la société EDF ENR procèderait à une prospection commerciale téléphonique directe de consommateurs n'ayant pas précédemment demandé à être appelés. Dans ces conditions, la pratique commerciale de la société EDF ENR, qui consiste uniquement à contacter par téléphone, dans un court délai fixé à 48H, des consommateurs lui ayant préalablement explicitement demandé de le faire, en communiquant volontairement leurs coordonnées téléphoniques, dans le but précis de répondre à une demande d'information concernant un projet photovoltaïque ne saurait être assimilée à de la prospection commerciale téléphonique au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'alinéa 3 de l'article L. 123-1 du code de la consommation. Par suite, la société EDF ENR est fondée à soutenir que la décision contestée du 3 mai 2021 lui enjoignant de cesser cette pratique sous peine d'amendes administratives est entachée d'une erreur de qualification juridique.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 3 mai 2021 ni, par voie de conséquence, à demander le remboursement des frais d'instance versés à la société EDF ENR en exécution de ce jugement.

Sur les frais d'instance :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société EDF ENR tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société EDF ENR présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SAS EDF ENR.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01667
Date de la décision : 10/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-03 Les dispositions du 3ème alinéa de l'article L. 223-1 du code de la consommation, dans sa version issue de la loi n°2020-901 du 24 juillet 2020, interdisent aux professionnels toute prospection commerciale de consommateurs par voie téléphonique pour la vente d'équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d'économies d'énergie ou de la production d'énergies renouvelables, à l'exception des sollicitations intervenant dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours mais elles ne font pas obstacle à ce qu'une entreprise contacte par téléphone, durant une période limitée à quelques jours, des consommateurs lui ayant préalablement explicitement demandé de le faire, au terme d'un choix libre et éclairé, en faisant la démarche de lui communiquer volontairement leurs coordonnées téléphoniques par un formulaire internet dédié, pour répondre à leurs demandes d'information concernant des projets relatifs aux économies d'énergie ou à la production d'énergies renouvelables.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : AUGUST DEBOUZY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-10;22ly01667 ?
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