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19/08/2025 | FRANCE | N°472049

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 19 août 2025, 472049


Vu la procédure suivante :



La société Sosogood a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune d'Hyères (Var) à lui verser la somme de 177 616 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 14 août 1989 du maire de cette commune réglementant la police des plages et de la bande littorale. Par un jugement n° 1403738 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 18MA00609 du 17 février 2020, la cour adminis

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Vu la procédure suivante :

La société Sosogood a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune d'Hyères (Var) à lui verser la somme de 177 616 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 14 août 1989 du maire de cette commune réglementant la police des plages et de la bande littorale. Par un jugement n° 1403738 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA00609 du 17 février 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Sosogood contre ce jugement.

Par une décision n° 440132 du 10 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur le pourvoi de la société Sosogood, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Par un arrêt n° 21MA04509 du 20 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a de nouveau rejeté la requête de la société Sosogood.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars et 12 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sosogood demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hyères la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sarah Houllier, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Sosogood et à Me Haas, avocat de la commune de Hyères-les-Palmiers.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sosogood se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 10 janvier 2023 par lequel la cour administrative de Marseille, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Hyères à lui verser les sommes de 162 616 euros et de 15 000 euros, en réparation des préjudices matériels et moraux qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'article 27 de l'arrêté du 14 août 1989 par lequel le maire de cette commune a interdit la vente ambulante sur les plages de la commune et dans une bande de 300 mètres au droit de ces plages, du 1er juillet au 31 août, de 9 heures à 18 heures.

2. La cour administrative d'appel n'a pas dénaturé la portée des conclusions de la société Sosogood en regardant l'ensemble des préjudices matériels dont elle demandait réparation comme consécutifs à la saisie des chariots et des marchandises dont elle avait fait l'objet, le 4 août 2011, y compris la perte de chiffre d'affaires qu'elle alléguait pour l'ensemble du mois d'août, qu'elle attribuait explicitement, aux termes de ses écritures, à cette saisie, ainsi que le préjudice moral dont elle se prévalait également en faisant valoir l'atteinte portée à sa réputation du fait notamment de l'interpellation, le même jour, de six de ses vendeurs ambulants.

3. Alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, et notamment des propres déclarations du conseil du gérant de la société Sosogood et de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 25 juin 2013 que celui-ci avait été interpellé puis placé en garde à vue le 4 août 2011 et que des poursuites avaient été engagées à son encontre notamment " pour avoir à Hyères, le 4 août 2011, embauché, entraîné ou détourné une personne pour qu'elle se livre à la vente à la sauvette ou exercé sur elle, une pression pour qu'elle s'y livre ou continue de s'y livrer, en vue d'en tirer profit en l'espèce la vente de beignets, boissons, glaces et autres denrées alimentaires, fait prévu et réprimé par les articles 225-12-8, 446-1 alinéa 1, 225-12-8 alinéa 4, 225-20, 225-21 du Code pénal ", la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que la saisie du matériel nécessaire à l'exploitation de l'activité commerciale de l'appelante, ainsi, du reste, que de ses recettes de la journée, avait été effectuée dans le cadre d'une opération de police judiciaire tendant à la constatation et à la répression d'infractions de vente à la sauvette.

4. Toutefois, après avoir estimé que les préjudices matériels et moraux dont la société Sosogood demandait ainsi réparation résultaient d'une opération de police judiciaire, et quand bien même la société avait fondé sa demande sur l'illégalité de l'arrêté municipal qui prohibait la vente ambulante, la cour a commis une erreur de droit en reconnaissant implicitement mais nécessairement la compétence de la juridiction administrative pour connaître d'une telle action. Par suite, son arrêt doit être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond.

6. Il résulte de ce qui vient d'être dit, que la juridiction administrative est incompétente pour connaître de la demande de la société Sosogood tendant à la condamnation de la commune d'Hyères à l'indemniser des conséquences de l'opération de police judiciaire dont elle a fait l'objet le 4 août 2011. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon s'est reconnu compétent pour examiner la demande de la société Sosogood. Il y a donc lieu d'annuler son jugement et de rejeter la demande de la société Sosogood comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

7. Les conclusions de la société Sosogood présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune d'Hyères.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 20 juin 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du 14 décembre 2017 du tribunal administratif de Toulon sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la société Sosogood devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Sosogood et par la commune d'Hyères au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Sosogood et à la commune d'Hyères.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 juillet 2025 où siégeaient : M. Alain Seban, assesseur, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et Mme Sarah Houllier, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 19 août 2025.

Le président :

Signé : M. Alain Seban

La rapporteure :

Signé : Mme Sarah Houllier

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 472049
Date de la décision : 19/08/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 aoû. 2025, n° 472049
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sarah Houllier
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:472049.20250819
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