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04/08/2025 | FRANCE | N°502745

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 04 août 2025, 502745


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 25 mars et 19 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 mars 2025 par laquelle le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de l'autoriser à participer aux épreuves du concours professionnel pour le recrutement de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire pour la session 2025 ;



2°) d'enjoindre au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice de l'a...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 25 mars et 19 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 mars 2025 par laquelle le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de l'autoriser à participer aux épreuves du concours professionnel pour le recrutement de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire pour la session 2025 ;

2°) d'enjoindre au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice de l'autoriser à participer à ce concours sous une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 ;

- le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2024-772 du 7 juillet 2024 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La loi organique du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire a réformé les voies d'accès à ce corps en créant, à compter du 1er octobre 2024, un concours professionnel pour le recrutement de magistrats aux second et premier grades de la hiérarchie judiciaire, qui se substitue, à la fois, à l'intégration directe par recrutement sur titres et au concours dit complémentaire, prévus respectivement aux anciens articles 22 et 23 et à l'ancien article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Aux termes de l'article 22 de cette ordonnance, dans sa rédaction issue de la loi organique du 20 novembre 2023 : " Un concours professionnel est ouvert pour le recrutement de magistrats des second et premier grades de la hiérarchie judiciaire. / Les candidats au concours professionnel doivent remplir les conditions prévues à l'article 16. / Les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article et aux articles 23 et 24 sont remplies au plus tard à la date de la première épreuve du concours. (...) ". L'article 23 de cette ordonnance, dans la rédaction issue de cette loi organique, précise que ce concours professionnel est ouvert, notamment, aux personnes qui, outre la condition de diplôme prévue au 1° de l'article 17, justifient, pour le recrutement au second grade du corps judiciaire, d'au moins sept années " d'exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ". Enfin, les articles 25-1, 25-2 et 25-3 de cette même ordonnance prévoient que les lauréats du concours professionnel suivent, en qualité de stagiaires, une formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature comportant un stage en juridiction, à l'issue de laquelle un jury se prononce sur l'aptitude des stagiaires à exercer les fonctions judiciaires, ceux qui ont été déclarés aptes suivant ensuite une formation complémentaire jusqu'à leur nomination. Aux termes de l'article 39-3 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature, modifié par le décret du 7 juillet 2024 tirant les conséquences de la réforme des voies d'accès à la magistrature issue de la loi organique du 20 novembre 2023, les épreuves de ce concours comprennent une épreuve d'admissibilité consistant en une note de synthèse et une épreuve d'admission consistant en un entretien avec le jury. L'article 40 de ce décret fixe la durée de formation en qualité de stagiaire auprès de l'Ecole nationale de la magistrature à douze mois.

2. Il résulte de ces dispositions que la participation aux épreuves du concours professionnel, qui participe de l'ouverture du corps judiciaire, est subordonnée, pour le recrutement au second grade de ce corps à la condition que, outre les diplômes requis, les intéressés justifient de sept années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant particulièrement pour exercer, à l'issue d'une formation de douze mois, des fonctions judiciaires. Si l'administration dispose d'un pouvoir d'appréciation pour évaluer si l'expérience professionnelle d'un candidat le qualifie particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires, cette condition implique nécessairement, compte tenu de la nature des épreuves du concours et de la durée de formation des lauréats, que soient strictement appréciées, outre la qualification juridique des intéressés, leur aptitude à juger, afin de garantir la qualité des décisions rendues, l'égalité devant la justice et le bon fonctionnement du service public de la justice. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, d'apprécier si le garde des sceaux, ministre de la justice a pu légalement refuser l'admission à concourir d'un candidat au motif du caractère non particulièrement qualifiant de son expérience professionnelle.

3. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 3 mars 2025, le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a refusé d'autoriser M. B... à participer aux épreuves du concours professionnel ouvert pour le recrutement des magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire, session 2025, au motif qu'il ne justifiait pas remplir la condition d'expérience professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social le qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

4. En premier lieu, la décision du 3 mars 2025 en litige a été signée, par délégation du ministre de la justice, par l'adjoint à la sous-directrice des ressources humaines de la magistrature, auquel la décision du directeur des services judiciaires du 9 janvier 2025 portant délégation de signature avait donné délégation pour signer, au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, à l'exclusion des décrets, les actes, arrêtés et décisions relevant de la sous-direction des ressources humaines de la magistrature de la direction des services judiciaires. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'incompétence manque en fait.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est titulaire d'une maîtrise de droit mention " carrières judiciaires et sciences criminelles " obtenue à l'université de Montpellier, fait valoir qu'il exerce depuis 17 ans en qualité de sous-officier de la gendarmerie nationale, et comme officier de police judiciaire depuis 2013, affecté successivement en cette qualité aux brigades territoriales de Chevreuse et de La Réunion et, depuis juillet 2022, à la brigade de recherches de Marseille, avec le grade d'adjudant-chef depuis le 1er janvier 2025. S'il souligne l'orientation judiciaire de ses fonctions et s'il fait valoir les formations suivies sur les violences familiales ou sur la lutte contre le travail illégal, ainsi que plusieurs évaluations professionnelles qui font état de son fort engagement dans ses missions d'officier de police judiciaire, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que, eu égard à la teneur de ses missions, son expérience professionnelle puisse être regardée comme le qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions de magistrat à l'issue de la formation prévue pour les lauréats du concours professionnel. Dès lors, c'est sans erreur d'appréciation et sans erreur de droit que le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, a considéré que M. B... ne justifiait pas d'au moins sept années d'exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social la qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires et lui a refusé, pour ce motif, l'admission à concourir, la circonstance qu'il ait été précédemment admis à participer au concours complémentaire, organisé sur un fondement et selon des modalités distinctes, étant à cet égard sans incidence.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du garde des sceaux lui ayant refusé l'admission à concourir pour le recrutement des magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire. Ses conclusions à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 juillet 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 4 août 2025.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Nathalie Destais

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 502745
Date de la décision : 04/08/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 aoû. 2025, n° 502745
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nathalie Destais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:502745.20250804
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