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04/08/2025 | FRANCE | N°495757

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 04 août 2025, 495757


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet 2024 et 27 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " C'est assez ! " demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 juin 2024 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fixant les caractéristiques générales et les règles de fonctionnement des établissements autorisés à héberger des spécimens vivants de cétacés ;


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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet 2024 et 27 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " C'est assez ! " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 juin 2024 du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fixant les caractéristiques générales et les règles de fonctionnement des établissements autorisés à héberger des spécimens vivants de cétacés ;

2°) de mettre à la charge de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1/2005 du 22 décembre 2004 ;

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Leïla Derouich, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 413-12 du code de l'environnement, issu de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes : " I. Sont interdits les spectacles incluant une participation de spécimens de cétacés et les contacts directs entre les cétacés et le public. Cette interdiction entre en vigueur à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 précitée. / II. Il est interdit de détenir en captivité ou de faire se reproduire en captivité des spécimens de cétacés, sauf au sein d'établissements mentionnés à l'article L. 413-1-1 ou dans le cadre de programmes scientifiques dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature. Cette interdiction entre en vigueur à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 précitée. / III. Un arrêté du ministre chargé de la protection de la nature détermine les caractéristiques générales, les modalités de présentation du contenu des programmes scientifiques et les règles de fonctionnement des établissements autorisés à détenir des spécimens vivants de cétacés mentionnés au II ". Aux termes de l'article L. 413-1-1 du même code, issu de la même loi : " Un refuge ou sanctuaire pour animaux sauvages captifs est un établissement à but non lucratif accueillant des animaux d'espèces non domestiques, captifs ou ayant été captifs, ayant fait l'objet d'un acte de saisie ou de confiscation, trouvés abandonnés ou placés volontairement par leur propriétaire qui a souhaité s'en dessaisir. / L'exploitant d'un refuge ou sanctuaire pour animaux sauvages captifs doit être titulaire du certificat de capacité prévu à l'article L. 413-2 pour une activité d'élevage des espèces animales présentes sur le site lorsqu'il n'y a pas de présentation au public. Dans l'hypothèse d'une présentation au public, le certificat pour cette activité est requis. (...) / Au sein d'un refuge pour animaux sauvages captifs, les animaux doivent être entretenus dans des conditions d'élevage qui visent à satisfaire les besoins biologiques, la santé et l'expression des comportements naturels des différentes espèces en prévoyant, notamment, des aménagements, des équipements et des enclos adaptés à chaque espèce. / Toute activité de vente, d'achat, de location ou de reproduction d'animaux est interdite. / La présentation de numéros de dressage et tout contact direct entre le public et les animaux à l'initiative du visiteur ou du personnel du refuge ou du sanctuaire sont interdits. (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions qu'à compter du 2 décembre 2026, il sera interdit de détenir en captivité ou de faire se reproduire en captivité des spécimens de cétacés, sauf au sein des établissements répondant aux critères définis par l'article L. 413-1-1 du code de l'environnement. L'arrêté dont l'association " C'est assez ! " demande l'annulation, pris pour l'application du III de l'article L. 413-12 du code de l'environnement, détermine les caractéristiques générales et les règles de fonctionnement des établissements autorisés à héberger des spécimens vivants de cétacés.

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que préalablement à son adoption, l'arrêté attaqué a été soumis à participation du public par voie électronique, entre le 27 mai et le 18 juin 2024, en application des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement. La note de présentation accompagnant le projet d'arrêté expose clairement et de manière suffisamment précise le contexte et les objectifs poursuivis par le projet d'arrêté. En outre, si la requérante soutient que l'avis de la commission nationale consultative de la faune sauvage captive aurait dû être mis à disposition du public, il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement que l'autorité procédant à la consultation soit tenue de communiquer au public les avis qu'elle a précédemment recueillis. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure de consultation aurait méconnu les dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, d'une part, l'arrêté attaqué fixe, à son article 1er, les catégories de spécimens de cétacés que les établissements autorisés à héberger des cétacés peuvent détenir à compter du 2 décembre 2026, en application de l'article L. 413-12 du code de l'environnement, en précisant que cette détention est soumise à autorisation en application de l'article L. 412-1 du code de l'environnement et que seuls des établissements bénéficiant d'une autorisation d'ouverture en application de l'article L. 413-3 du code de l'environnement peuvent obtenir une telle autorisation et, à son article 8, détermine les règles relatives au transport des animaux entre établissements. Ces dispositions n'ont, contrairement à ce que soutient la requérante, ni pour objet, ni pour effet d'autoriser l'importation de cétacés, dont le régime est défini par l'article L. 412-1 du code de l'environnement. D'autre part, l'article 2 de cet arrêté précise en son I que " Les établissements autorisés à héberger des cétacés conformément à l'article L. 413-12 du code de l'environnement peuvent accueillir du public " et en son II que " Conformément à l'article L. 413-12 du code de l'environnement et à compter du 2 décembre 2026, les spectacles de cétacé sont interdits. Est considérée comme spectacle la mise en scène à des fins de divertissement devant un public d'exercices réalisés sous la contrainte par des cétacés, ainsi que ceux ne correspondant ni à des comportements propres de l'espèce, ni à des intérêts pédagogiques, ni à des entraînements médicaux ". En précisant ainsi la notion de spectacle de cétacés prohibé, conformément au III de l'article L. 413-12 du code de l'environnement, l'arrêté n'a pas excédé le champ de l'habilitation donnée par le législateur. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence doit par suite être écarté.

4. En troisième lieu, le III de l'article L. 413-12 du code de l'environnement renvoyant à un arrêté du ministre chargé de la protection de la nature la détermination des caractéristiques générales, des modalités de présentation du contenu des programmes scientifiques et des règles de fonctionnement des établissements autorisés à détenir des spécimens vivants de cétacés mentionnés au II , le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait dû être signé par le ministre chargé de l'agriculture ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'association requérante, les dispositions de l'article 3 de l'arrêté attaqué, qui prévoient qu'à compter du 2 décembre 2026, tout responsable d'établissement d'hébergement de cétacés dans le cadre de programmes scientifiques doit solliciter une autorisation de détention auprès du ministère, délivrée par arrêté, n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre à un établissement de détenir des cétacés après cette date sans être titulaire d'une autorisation conformément à l'article L. 413-12 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait ces dernières dispositions ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, l'article 8 de l'arrêté définit, ainsi qu'il a été précisé, les modalités de transport des cétacés, en rappelant les règles issues du règlement du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et en fixant des règles propres aux caractéristiques et sensibilités des espèces concernées, afin de garantir le bien-être de l'animal transporté. Ce faisant, l'arrêté qui, comme il a été dit au point 3, n'a ni pour objet, ni pour effet d'autoriser l'importation de cétacés, dont le régime est défini par l'article L. 412-1 du code de l'environnement, ne méconnaît pas, en tout état de cause, les dispositions des articles L. 214-1 et R. 214-17 du code rural et de la pêche maritime qui fixent des règles relatives au bien-être animal.

7. En troisième lieu, si les dispositions législatives citées au point 1 interdisent les spectacles incluant une participation des spécimens de cétacés et les contacts directs entre les cétacés et le public, elles n'interdisent pas aux établissements autorisés à héberger des cétacés d'accueillir du public. L'article 2 de l'arrêté attaqué précise la définition des spectacles interdits, constitués de la mise en scène, à des fins de divertissement et devant un public, d'exercices réalisés sous la contrainte par des cétacés, ainsi que ceux ne correspondant ni à des comportements propres de l'espèce, ni à des intérêts pédagogiques, ni à des entraînements médicaux. En outre, l'arrêté attaqué contient plusieurs dispositions permettant d'assurer la prise en compte du bien-être des spécimens détenus, notamment à travers la réalisation d'examens quotidiens par les soigneurs, et l'obligation pour chaque établissement de disposer d'installations permettant aux animaux de se soustraire à la proximité des visiteurs, afin de garantir que l'accueil du public dans ces établissements, autorisé uniquement pour des motifs pédagogiques, ne conduise pas à des souffrances pour ces animaux, compte tenu de la sensibilité des espèces concernées. Il suit de là que le moyen tiré de ce qu'en prévoyant que les établissements autorisés à héberger des cétacés peuvent accueillir du public, l'arrêté attaqué méconnaîtrait l'article L. 413-12 du code de l'environnement interdisant les spectacles mettant en scène des cétacés ne peut qu'être écarté. De même, le moyen tiré de que cet arrêté méconnaîtrait les dispositions des articles L. 214-1 et R. 214-17 du code rural et de la pêche maritime ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, l'arrêté attaqué se borne à définir les caractéristiques générales et les règles de fonctionnement des établissements autorisés à héberger des spécimens vivants de cétacés mais n'a ni pour objet, ni pour effet de déterminer la liste des programmes scientifiques qui pourraient être autorisés. Par suite, le moyen tiré de ce que certains programmes scientifiques pourraient ne pas être conformes aux dispositions des articles R. 214-87 à R. 214-98 du code rural et de la pêche maritime encadrant l'utilisation d'animaux vivants à des fins scientifiques ne peut être utilement invoqué.

9. En dernier lieu, si l'association requérante soutient que le pouvoir réglementaire aurait méconnu le principe de non régression tel que défini au 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, au motif que l'arrêté attaqué édicterait des dispositions moins favorables à la protection de l'environnement que celles qui résultaient de l'arrêté du 3 mai 2017 fixant les caractéristiques générales et les règles de fonctionnement des établissements présentant au public des spécimens vivant de cétacés, l'annulation de cet arrêté par une décision n° 424976 du 7 octobre 2020 du Conseil d'Etat statuant au contentieux a eu pour effet de remettre en vigueur l'arrêté du 24 août 1981 relatif aux règles de fonctionnement, au contrôle et aux caractéristiques auxquelles doivent satisfaire les installations abritant des cétacés vivants. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-régression ne peut par suite, en tout état de cause, qu'être écarté.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête de l'association " C'est assez ! " doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association " C'est assez ! " est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association " C'est assez ! " et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 juillet 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et Mme Leïla Derouich, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 4 août 2025.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Leïla Derouich

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 495757
Date de la décision : 04/08/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 aoû. 2025, n° 495757
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Leïla Derouich
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:495757.20250804
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