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24/07/2025 | FRANCE | N°494620

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 24 juillet 2025, 494620


Vu la procédure suivante :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 février 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".



Par un jugement n° 2207765 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif a rejeté

sa demande.



Par un arrêt n° 23PA04522 du 27 mars 2024, la cour administrat...

Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 février 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 2207765 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 23PA04522 du 27 mars 2024, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 mai et 29 août 2024 et le 31 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... B..., se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 mars 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 5 octobre 2023 ayant rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 10 février 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que le préfet n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que la présence en France de M. B... constituait toujours une menace pour l'ordre public, la cour a retenu que, par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 février 2018, ce dernier avait été condamné à une peine de six ans d'emprisonnement, assortie d'une peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire français, pour des faits, commis en 2014 et 2015, d'acquisition, détention, transport et offre ou cession non autorisés de stupéfiants et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement. Eu égard à la gravité des faits pour lesquels il a été condamné et nonobstant l'arrêt du 17 janvier 2020 par lequel la cour d'appel de Paris a relevé M. A... B... de la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire français, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de qualification juridique des faits de l'espèce.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ". Enfin, aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a écarté, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision attaquée méconnaissait les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, après avoir relevé que le requérant reprenait en appel ces moyens sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif. Celui-ci avait retenu que, si M. B... se prévalait de la présence en France de l'ensemble de sa famille, en particulier de son épouse, compatriote en situation régulière, et de leurs cinq enfants, nés en France, il avait déclaré, lors de la séance de la commission du titre de séjour du 22 décembre 2021, qu'il vivait séparé de son épouse et de ses enfants et n'avait produit aucune pièce de nature à justifier d'une reprise de la communauté de vie avec sa famille, ni de sa participation, depuis sa sortie de prison, à l'éducation et à l'entretien de ses enfants, dont la charge effective était supportée par son épouse, de sorte que, compte tenu de la gravité des faits pour lesquels il avait été condamné, l'atteinte portée par la décision attaquée au respect de sa vie familiale n'apparaissait pas disproportionnée au regard du but de préservation de l'ordre public poursuivi, et ne méconnaissait pas l'intérêt supérieur de ses enfants.

6. Il ressort de la procédure et des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour démontrer qu'il résidait avec sa famille et qu'il contribuait à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, M. B... a fait valoir en appel le certificat d'un médecin de mai 2022, deux attestations de paiement de prestations de la caisse d'allocation familiales d'octobre 2023, un témoignage de la directrice de l'école élémentaire de l'un de ses enfants de février 2024 et une promesse d'embauche de février 2024, ainsi qu'une attestation sur l'honneur et un courrier de son épouse, respectivement du 19 octobre 2023 et du 21 février 2024, faisant état d'une reprise de vie commune depuis janvier 2022, des contacts de M. B... avec ses enfants, de son sevrage après une longue période d'addiction et de la situation de précarité économique dans laquelle se trouve la famille. Ces pièces sont postérieures à l'arrêté contesté et ne se rapportent pas à la situation de fait prévalant à la date de cette décision. Par suite, c'est sans se méprendre sur la portée de sa requête d'appel, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis et sans erreur de droit, que la cour a retenu que M. B... n'apportait pas en appel d'élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif.

7. Enfin, en jugeant ainsi, par adoption des motifs des premiers juges, que l'arrêté litigieux n'avait ni porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale, ni porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A... B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 juin 2025 où siégeaient :

M. Stéphane Hoynck, assesseur, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et

Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 24 juillet 2025.

Le président :

Signé : M. Stéphane Hoynck

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Juliette Dolley


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 494620
Date de la décision : 24/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2025, n° 494620
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:494620.20250724
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