Vu la procédure suivante :
M. et Mme B... et C... A... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 14 juin 2024 par lequel le préfet de Haute-Savoie a déclaré cessible au profit de la commune de Faucigny une partie des parcelles dont ils sont propriétaires, pour l'aménagement et l'élargissement de la route d'Entre-deux-nants.
Par une ordonnance n° 2409969 du 14 janvier 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 29 janvier, 5 février et 2 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande de suspension ;
3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la commune de Faucigny la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Julia Flot, auditrice,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. et Mme A..., et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de Faucigny ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 juillet 2025, présentée par M. et Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 14 juin 2024 par lequel le préfet de Haute-Savoie a déclaré cessible au profit de la commune de Faucigny une partie des parcelles dont ils sont propriétaires, pour l'aménagement et l'élargissement de la route d'Entre-deux-Nants. Par l'ordonnance attaquée du 14 janvier 2025, contre laquelle M. et Mme A... s e pourvoient en cassation, le juge des référés a rejeté cette demande.
Sur le pourvoi :
3. Aux termes de l'article L. 220-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobiliers est opéré, à défaut de cession amiable, par voie d'ordonnance du juge de l'expropriation ". En vertu de l'article L. 221 1 du même code : " L'ordonnance portant transfert de propriété est rendue par le juge au vu des pièces constatant que les formalités prescrites par le livre 1er ont été accomplies. " Aux termes de l'article L. 222-2 du même code : " L'ordonnance d'expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés (...) ". L'article L. 223-1 de ce code dispose que : " L'ordonnance d'expropriation ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation et pour incompétence, excès de pouvoir ou vice de forme. " En vertu de l'article L. 223-2 de ce code : " Sans préjudice de l'article L. 223-1, en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale et demander son annulation. " Selon l'article R. 221-3 de ce code : " Si l'acte déclarant l'utilité publique, l'arrêté de cessibilité ou l'acte en tenant lieu fait l'objet d'une suspension dans le cadre d'une procédure de référé, le préfet en informe le juge dès qu'il a reçu notification de la suspension. / Celui-ci sursoit au prononcé de l'ordonnance d'expropriation dans l'attente de la décision de la juridiction administrative sur le fond de la demande. "
4. Eu égard à l'objet d'un arrêté de cessibilité et à ses effets pour les propriétaires concernés, la condition d'urgence à laquelle est subordonné l'octroi d'une mesure de suspension en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée, en principe, comme remplie, sauf à ce que l'expropriant justifie de circonstances particulières, notamment si un intérêt public s'attache à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l'expropriation. Il en va ainsi alors même que l'ordonnance du juge de l'expropriation procédant au transfert de propriété est intervenue.
5. Pour rejeter la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 14 juin 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a retenu que, dans le cas où l'ordonnance du juge de l'expropriation est intervenue antérieurement à cette demande, la condition d'urgence ne saurait être regardée comme remplie. Ce faisant, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.
7. Il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
Sur la demande de suspension :
8. Si, ainsi qu'il a été dit au point 5, eu égard à l'objet d'un arrêté de cessibilité et à ses effets pour les propriétaires concernés, la condition d'urgence doit être regardée, en principe, comme remplie, il ressort des pièces du dossier que l'aménagement de la route a pour objet de remédier à la dangerosité de la route, sa largeur actuelle ne permettant pas d'assurer la sécurité des usagers, comme en attestent de nombreuses pièces au dossier. L'expropriant justifie ainsi de l'intérêt public qui s'attache à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l'expropriation. Par suite la condition d'urgence requise par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de la demande, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté qu'ils attaquent.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la commune de Faucigny, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes la somme que demandent à ce titre M. et Mme A.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Faucigny.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 14 janvier 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble est annulée.
Article 2 : La demande de M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : M. et Mme A... verseront à la commune de Faucigny la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. et Mme A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et Mme C... A..., à la commune de Faucigny et au préfet de Haute-Savoie.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 juillet 2025 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et Mme Julia Flot, auditrice-rapporteure.
Rendu le 22 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Nicolas Boulouis
La rapporteure :
Signé : Mme Julia Flot
La secrétaire :
Signé : Mme Sandrine Mendy