Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision, révélée par un courrier du 14 juin 2024, par laquelle la présidente de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a refusé de le retenir parmi les candidats dont elle a proposé au Président de la République la nomination dans le corps des professeurs des universités au titre des 5ème et 6ème sections du Conseil national des universités pour l'année universitaire 2023-2024 dans le cadre de la voie temporaire d'accès à ce corps par promotion interne. Par une ordonnance nos 2307916, 2417503 du 4 octobre 2024, le président du tribunal administratif a transmis, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, cette requête au Conseil d'Etat.
Par cette requête, enregistrée le 27 juin 2024 au greffe du tribunal administratif de Paris, et par deux mémoires, enregistrés les 9 et 28 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la présidente de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a refusé de l'inscrire sur la liste des candidats dont la nomination a été proposée dans le cadre de la voie temporaire d'accès par promotion interne dans le corps des professeurs des universités au titre des 5ème et 6ème sections du Conseil national des universités organisée par cette université pour l'année 2024 ;
2°) de condamner l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne à lui verser la somme de 4 000 euros en réparation de la perte de chance qu'il estime avoir subie du fait des irrégularités qui ont entaché la procédure de promotion interne litigieuse.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 2013-908 du 10 octobre 2013 ;
- le décret n° 2021-1722 du 20 décembre 2021 ;
- le décret n° 2023-172 du 9 mars 2023 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Fraval, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Cyrille Beaufils, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a bénéficié, au titre de l'année 2024, de l'ouverture de trois postes de professeurs des universités pour promouvoir en interne trois maîtres de conférences titulaires de l'habilitation à diriger des recherches, conformément aux dispositions du décret du 20 décembre 2021 modifié créant une voie temporaire d'accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés au titre des années 2021 à 2025. Par délibération du 11 janvier 2024, son conseil d'administration a décidé d'ouvrir un de ces postes au titre des 5ème et 6ème sections du Conseil national des universités (CNU), correspondant respectivement aux disciplines " Sciences économiques " et " Sciences de gestion et du management " pour l'année 2024. M. B..., maître de conférences en sciences de gestion et du management au sein de cette université et relevant de la 6ème section du CNU, a postulé à cette promotion interne. Par un courrier du 14 juin 2024, la présidente de l'université l'a informé qu'elle avait décidé de ne pas proposer au Président de la République sa nomination dans le corps des professeurs des universités. Par un décret du 19 août 2024, le Président de la République a nommé Mme C..., sur proposition de la présidente de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, dans le corps des professeurs des universités au sein de cette université, au titre de la 5ème section du CNU, à compter du 1er septembre 2024. M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation pour excès de pouvoir de la décision, révélée par le courrier du 14 juin 2024, par laquelle la présidente de l'université a refusé de proposer au Président de la République sa nomination dans le corps des professeurs des universités au titre de la 6ème section du CNU. Dans le dernier état de ses conclusions d'excès de pouvoir, transmises au Conseil d'Etat par ordonnance du président du tribunal administratif de Paris, le requérant ne demande l'annulation que de cette seule décision de la présidente de l'université.
2. Aux termes de l'article L. 523-1 du code général de la fonction publique : " Afin de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent, outre l'accès par concours interne, une proportion de postes qui peuvent être proposés aux fonctionnaires ou aux agents des organisations internationales intergouvernementales pour une nomination suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel, donnant lieu à l'établissement d'une liste d'aptitude dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière ; / 2° Liste d'aptitude établie par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des candidats. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, l'autorité chargée d'établir la liste d'aptitude tient compte des lignes directrices de gestion prévues au chapitre III du titre Ier du livre IV (...) ".
3. Les dispositions du I de l'article 4 du décret du 20 décembre 2021 créant une voie temporaire d'accès au corps des professeurs des universités et aux corps assimilés, dans sa rédaction issue du décret du 9 mars 2023 susvisé, prévoient que " Chaque année, le conseil d'administration de chaque établissement répartit, soit par section soit au niveau de deux sections d'un même groupe de disciplines, les possibilités de promotions arrêtées conformément [à un arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur] sur proposition du chef d'établissement et dans le respect des priorités nationales " et que " Les dossiers de candidature sont (...) examinés par la section compétente du Conseil national des universités (...). / Après avoir entendu deux rapporteurs membres du corps des professeurs des universités (...), le collège compétent pour le corps des professeurs des universités (...) rend deux avis sur le dossier du candidat. L'un des avis porte sur l'aptitude professionnelle et l'autre sur les acquis de son expérience professionnelle en prenant en compte, dans chaque cas, son investissement pédagogique, la qualité de son activité scientifique et son investissement dans des tâches d'intérêt collectif. Chacun des deux avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé (...) / Les dossiers ainsi complétés par les avis du collège compétent sont adressés au chef de l'établissement d'affectation de l'agent, qui les communique aux comités de promotion de l'établissement créés à cet effet ". S'agissant de la composition de ce comité de promotion, les deux premiers alinéas du II du même article disposent que " Chaque comité de promotion relatif à un ou plusieurs postes ouverts dans une ou deux sections d'un même groupe de disciplines est présidé par un professeur des universités ou un membre d'un corps assimilé. Il doit comprendre en sus a minima quatre membres du corps des professeurs des universités (...) dont au moins deux membres de chaque discipline pour laquelle une ou plusieurs candidatures ont été déclarées recevables. Le président et les membres du comité de promotion, qui peuvent être extérieurs à l'établissement, sont désignés par le conseil académique ou par l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation, en formation restreinte aux professeurs d'université et aux membres des corps assimilés. / La composition du comité de promotion est rendue publique avant le début de ses travaux ". L'avant-dernier alinéa de ce même II énonce ensuite que " Chaque comité de promotion rend deux avis sur le dossier de chaque candidat. L'un des avis porte sur l'aptitude professionnelle et l'autre sur les acquis de leur expérience professionnelle en prenant en compte, dans chaque cas, à la fois leur investissement pédagogique, la qualité de leur activité scientifique et leur investissement dans des tâches d'intérêt collectif. Chacun des deux avis est soit très favorable, soit favorable, soit réservé. " Il est en outre prévu, par les dispositions des III et IV de cet article, que " Dans la limite de quatre candidats par emploi ouvert à cette voie d'accès par promotion interne, les candidats ayant reçu les avis les plus favorables par les instances consultatives mentionnées au troisième alinéa du I et au II du présent article sont entendus par le comité de promotion (...) / IV. - A l'issue des auditions, le comité de promotion établit, pour chaque possibilité de promotion, les comptes rendus de chacune des auditions et les adresse au chef d'établissement, accompagnés de la liste classée par ordre alphabétique des candidats auditionnés. / L'audition a pour objet d'éclairer la décision du chef de l'établissement sur la motivation du candidat et sur son aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités ou des corps assimilés ". Au terme de cette procédure, " Le chef de l'établissement établit la liste des candidats dont la nomination est proposée dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er. / La nomination, prononcée par décret du Président de la République, prend effet au 1er septembre de l'année au titre de laquelle elle est prononcée. " Enfin, le V du même article dispose que " Cette procédure de promotion met en œuvre les principes et critères édictés par les lignes directrices de gestion en application de l'article 12 du décret du 29 novembre 2019 susvisé, notamment en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, en tenant compte de la part respective des femmes et des hommes dans les disciplines concernées (...) ".
4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que, dans le cadre de la procédure de promotion interne de maîtres de conférences dans le corps des professeurs des universités résultant du décret du 20 décembre 2021, tel que modifié par le décret du 9 mars 2023, d'une part, le Conseil national des universités, puis le comité de promotion, rendent chacun, successivement, deux avis sur le dossier des candidats, l'un sur leur aptitude professionnelle et l'autre sur les acquis de leur expérience professionnelle, en prenant en compte, pour chacun de ces avis, l'investissement pédagogique, la qualité de l'activité scientifique et l'investissement dans des tâches d'intérêt collectif, d'autre part, le comité de promotion, après avoir entendu les candidats ayant recueilli les avis les plus favorables - dans la limite de quatre -, afin d'éclairer leur motivation et leur aptitude à exercer les missions et responsabilités dévolues aux membres du corps des professeurs des universités, établit les comptes rendus de chacune des auditions et les adresse au chef d'établissement, accompagnés de la liste classée par ordre alphabétique des candidats auditionnés. Le chef d'établissement dresse ensuite la liste des candidats dont la nomination est proposée dans le corps des professeurs des universités, au vu de l'ensemble de ces éléments et en tenant compte, sans pour autant renoncer à son pouvoir d'appréciation, des principes et critères fixés par les lignes directrices de gestion édictées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et par les autorités compétentes de l'université, le principe d'indépendance des enseignants-chercheurs s'opposant toutefois à ce qu'il use de ce pouvoir d'appréciation en se fondant sur des motifs étrangers à l'administration de l'université tels, en particulier, la qualification scientifique des candidats telle qu'évaluée par le Conseil national des universités et le comité de promotion. Enfin, la nomination intervient par décret du Président de la République.
5. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 10 octobre 2013 relatif aux modalités de désignation des membres des jurys et des instances de sélection pour le recrutement, l'avancement ou la promotion interne des fonctionnaires relevant de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Pour la désignation des membres des jurys et des instances de sélection constitués pour le recrutement, l'avancement ou la promotion interne des fonctionnaires relevant des lois du 11 janvier 1984, du 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986 susvisées, l'autorité administrative chargée de l'organisation du concours, de l'examen ou de la sélection respecte une proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe justifiant des compétences nécessaires. " Les comités de promotion appelés à rendre des avis sur les dossiers des candidats à la promotion interne instituée par le décret du 20 décembre 2021 et à auditionner ceux d'entre eux ayant recueilli les avis les plus favorables, qui se bornent à adresser au chef d'établissement les comptes-rendus des auditions et la liste des candidats auditionnés sans les classer par ordre de mérite, ne sont ni des jurys ni des instances de sélection au sens de ces dispositions. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que la décision qu'il attaque serait entachée d'illégalité au motif que la composition du comité de promotion l'ayant auditionné dans le cadre de la procédure de promotion interne litigieuse est irrégulière dès lors qu'elle ne respecte pas la proportion minimale de 40 % de personnes de chaque sexe exigée par ces dispositions.
6. En second lieu, si M. B... soutient que la présidente de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne aurait dû se déporter de la procédure de promotion interne pour laquelle il présentait sa candidature en raison des relations conflictuelles qu'elle entretient avec lui et fait valoir que ces tensions se sont traduites, en particulier, par le retard mis par la présidente de l'université à signer une convention avec un organisme extérieur avec lequel il entendait collaborer dans le cadre de ses activités pédagogiques et de recherche, il ne ressort pas des pièces du dossier que les circonstances invoquées traduiraient un défaut d'impartialité. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la procédure de promotion interne litigieuse serait entachée d'irrégularité.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision qu'il attaque. Par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.