Vu la procédure suivante :
La société Free Mobile a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 28 août 2024 par lequel le maire de Bormes-les-Mimosas s'est opposé à sa déclaration préalable en vue de l'implantation d'un relais de téléphonie mobile.
Par une ordonnance n° 2403836 du 19 décembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 et 17 janvier et le 19 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Free Mobile demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bormes-les-Mimosas la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la société Free Mobile, et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, Feliers, avocat de la commune de Bormes-les-Mimosas ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".
2. La société Free Mobile se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 19 décembre 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 28 août 2024 par lequel le maire de Bormes-les-Mimosas s'est opposé à la déclaration préalable qu'elle avait déposée en vue de l'installation d'un relais de téléphonie mobile sur le territoire de cette commune.
Sur le pourvoi :
3. L'article R. 111-27 du code de l'urbanisme prévoit que si les constructions projetées portent une atteinte aux paysages naturels avoisinants, un projet peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel au sens de cet article, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
4. Pour rejeter la demande de suspension de la société Free Mobile, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a retenu que les moyens tirés de l'application erronée de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme n'étaient pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté. En se prononçant ainsi, alors que ni cet arrêté ni les pièces du dossier soumis au juge des référés ne faisaient état d'éléments de nature à justifier de la qualité du site d'implantation du projet et de l'impact du projet sur ce site, le juge des référés a entaché son ordonnance de dénaturation. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, cette ordonnance doit être annulée.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
Sur la demande de suspension :
6. En premier lieu, eu égard à l'intérêt public qui s'attache à la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile, aux intérêts propres de la société Free Mobile qui a pris des engagements vis-à-vis de l'Etat quant à la couverture du territoire par son réseau et à la circonstance que le territoire de la commune de Bormes-les-Mimosas n'est que partiellement couvert par le réseau de téléphonie mobile de la société requérante, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.
7. En deuxième lieu, d'une part, il résulte de l'instruction qu'est de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée les moyens tirés de l'absence de contrariété du projet avec les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, du défaut de prise en compte d'un emplacement réservé et de la méconnaissance des articles 12 et 16 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme.
8. D'autre part la commune de Bormes-les-Mimosas demande que soient substitués aux motifs initiaux de la décision contestée ceux tirés de la méconnaissance des articles 6N, 7N et 10N du règlement du plan local d'urbanisme eu égard à la dimension de l'antenne et à son implantation. Il ne ressort toutefois pas à l'évidence des données de l'affaire, en l'état de l'instruction, que ces motifs seraient susceptibles de fonder légalement la décision attaquée. Il ne peut, dès lors, être procédé à la substitution demandée pour apprécier s'il y a lieu d'ordonner la suspension de ladite décision.
9. En revanche, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige n'est pas de nature à créer un tel doute.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Free Mobile est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision contestée du 28 août 2024.
Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :
11. Il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de Bormes-les-Mimosas de prendre, à titre provisoire, une décision de non-opposition à la déclaration préalable de la société Free Mobile dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Free Mobile qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bormes-les-Mimosas le versement à la société Free Mobile d'une somme de 4 000 euros au titre des frais qu'elle a engagés devant le tribunal administratif et le Conseil d'Etat.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 19 décembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 28 août 2024 du maire de la commune de Bormes-les-Mimosas s'opposant à la déclaration préalable de travaux déposée par la société Free Mobile est suspendue.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Bormes-les-Mimosas de prendre, à titre provisoire, une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée par la société Free Mobile dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : La commune de Bormes-les-Mimosas versera à la société Free Mobile une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Bormes-les-Mimosas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Free Mobile et à la commune de Bormes-les-Mimosas.