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10/07/2025 | FRANCE | N°496718

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 10 juillet 2025, 496718


Vu la procédure suivante :



Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 6 août, 6 novembre et 7 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 30 mai 2024 portant refus d'acquisition de la nationalité française ;



2°) d'enjoindre au Premier ministre de lui accorder la nationalité française dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, ou, à défau

t, de réexaminer sa demande dans le même délai ;



3°) de mettre à la charge de l'Etat la...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 6 août, 6 novembre et 7 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 30 mai 2024 portant refus d'acquisition de la nationalité française ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de lui accorder la nationalité française dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 21-2 du code civil : " L'étranger (...) qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité (...) ". L'article 21-4 du même code prévoit toutefois que : " Le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai de deux ans à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l'article 26 ou, si l'enregistrement a été refusé, à compter du jour où la décision judiciaire admettant la régularité de la déclaration est passée en force de chose jugée ".

2. M. A..., ressortissant marocain, a souscrit le 14 juin 2021 une déclaration d'acquisition de la nationalité française à raison de son mariage avec une ressortissante française. Par décret du 30 mai 2024, le Premier ministre s'est opposé à l'acquisition de la nationalité française au motif que M. A... ne pouvait être regardé comme digne de l'acquérir.

3. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que les signatures du Premier ministre et du ministre de l'intérieur et des outre-mer ne soient apposées sur l'ampliation du décret qui a été notifiée à M. A....

4. En deuxième lieu, il ressort de l'avis émis par le Conseil d'Etat sur le projet de décret rapportant le décret lui ayant conféré la nationalité française, produit par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, que le décret attaqué a été pris conformément à cet avis.

5. En troisième lieu, les deux premiers alinéas de l'article 32 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française disposent que : " Lorsque le Gouvernement veut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par une personne ayant souscrit une déclaration au titre de l'article 21-2, 21-13-1 ou 21-13-2 du code civil, le ministre chargé des naturalisations notifie les motifs de fait et de droit qui justifient l'intention de faire opposition à l'intéressé qui dispose d'un délai qui ne peut être inférieur à un mois pour produire un mémoire en défense. / La notification est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Elle peut également l'être en la forme administrative par l'autorité qui a reçu la déclaration. / Le décret d'opposition prend effet à la date de sa signature ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur et des outre-mer a indiqué à M. A... les motifs s'opposant à l'acquisition de la nationalité française par une lettre notifiée à l'intéressé le 15 décembre 2023. M. A... a produit des observations en défense, reçues le 27 janvier 2024. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est rendu coupable, d'une part, en 2018, en tant que gérant de société, des faits d'emploi d'étrangers sans autorisation de travail et d'exécution d'un travail dissimulé, et, d'autre part, depuis 2000, de multiples infractions routières, la dernière infraction ayant été constatée en 2022 malgré l'invalidité de son permis. En estimant, à la date du décret attaqué, que ces faits, eu égard à leur caractère répété et récent et à leur gravité, rendaient M. A... indigne d'acquérir la nationalité française, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application de l'article 21-4 du code civil. M. A... ne saurait, par ailleurs, utilement se prévaloir de sa bonne intégration et de son insertion professionnelle en France.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 30 mai 2024 par lequel le Premier ministre lui a refusé l'acquisition de la nationalité française. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 juin 2025 où siégeaient : Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 10 juillet 2025.

La présidente :

Signé : Mme Anne Courrèges

La rapporteure :

Signé : Mme Amélie Fort-Besnard

Le secrétaire :

Signé : M. Guillaume Auge


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 496718
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2025, n° 496718
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Amélie Fort-Besnard
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:496718.20250710
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