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08/07/2025 | FRANCE | N°501402

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 08 juillet 2025, 501402


Vu la procédure suivante :



La société civile immobilière Phila Invest a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision de préemption du 19 décembre 2024 par laquelle la maire de Paris a préempté le lot no 1 ainsi que les 85/1000e des parties communes d'un immeuble situé au 3, rue de la Main d'Or, dans le 11ème arrondissement de Paris. Par une ordonnance n° 2434097 du 27 janvier 2025, le juge des référés du tribunal a

dministratif de Paris a fait droit à cette demande.



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Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Phila Invest a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision de préemption du 19 décembre 2024 par laquelle la maire de Paris a préempté le lot no 1 ainsi que les 85/1000e des parties communes d'un immeuble situé au 3, rue de la Main d'Or, dans le 11ème arrondissement de Paris. Par une ordonnance n° 2434097 du 27 janvier 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 20 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ville de Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Phila Invest ;

3°) de mettre à la charge de la société Phila Invest la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nejma Benmalek, auditrice,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris et à la SARL Gury, Maître, avocat de la société Phila Invest ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que, par une décision du 19 décembre 2024, la maire de Paris a exercé le droit de préemption en vue de l'acquisition d'un local commercial et de 85/1000e des parties communes d'un immeuble situé au 3, rue de la Main d'Or, dans le 11ème arrondissement de Paris. La Ville de Paris se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 27 janvier 2025 par laquelle le juge des référés de ce tribunal a fait droit à la demande de la société Phila Invest, acquéreuse évincée, tendant à la suspension de l'exécution de cette décision.

Sur le pourvoi :

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser la mutation, le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le recyclage foncier ou le renouvellement urbain, de sauvegarder, de restaurer ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, de renaturer ou de désartificialiser des sols, notamment en recherchant l'optimisation de l'utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser. " Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision de préemption litigieuse a été prise pour la réalisation d'un local d'activité commerciale ou artisanale conforme aux objectifs du nouveau plan parisien pour le commerce et programme d'actions en faveur de la diversité et de l'animation de l'offre commerciale et artisanale, que le conseil municipal de Paris a adopté par une délibération du 14 décembre 2022 et qui vise à lutter contre la vacance commerciale, à préserver la diversité des activités et à favoriser l'installation de commerces et services de proximité, et que ce projet a fait l'objet d'une étude de faisabilité technique et financière soumise, le 18 décembre 2024, à la commission chargée d'étudier les opportunités d'acquisition de lots de copropriété à usage commercial par la Ville de Paris. Par suite, en retenant comme propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de préemption litigieuse, qui mentionnait la délibération précitée et faisait état du projet poursuivi, les moyens tirés de ce qu'elle était insuffisamment motivée et que la Ville de Paris n'établissait pas la réalité du projet en vue duquel elle était intervenue, au motif que les caractéristiques de celui-ci n'étaient pas précisées, le juge des référés a commis une erreur de droit.

4. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la Ville de Paris est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le règlement au titre de la procédure de référé :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

7. Les moyens soulevés par la société Phila Invest, tirés du défaut de motivation de la décision de préemption, du défaut de consultation du service des domaines et de l'absence de justification d'un projet réel, précis et d'intérêt général en méconnaissance des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme, ne sont pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la société Phila Invest n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision du 19 décembre 2024.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de société Phila Invest une somme de 3 000 euros à verser à la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 27 janvier 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la société Phila Invest devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : La société Phila Invest versera à la Ville de Paris une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Ville de Paris et à la société civile immobilière Phila Invest.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 juin 2025 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, présidant ; M. Edouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Nejma Benmalek, auditrice-rapporteure.

Rendu le 8 juillet 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Luc Nevache

La rapporteure :

Signé : Mme Nejma Benmalek

La secrétaire :

Signé : Mme Vasantha Breme


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 501402
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2025, n° 501402
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nejma Benmalek
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SARL GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:501402.20250708
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