Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 474536, l'association Vent du Haut Forez a demandé à la cour administrative d'appel de Lyon, premièrement, d'annuler la décision implicite de refus née du silence gardé par la préfète de la Loire sur sa demande tendant à ce que la société Monts du Forez Énergie soit mise en demeure de déposer une demande de dérogation à la protection des espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement à raison de son projet d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comprenant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Saint-Jean-la-Vêtre, La Côte-en Couzan et La Chamba (Loire), deuxièmement, d'enjoindre à l'État de demander à la société de déposer une telle demande dans un délai de trois mois et, troisièmement, de suspendre l'exécution de l'autorisation de défrichement jusqu'à la fin de l'instruction de la demande de dérogation et de la décision prise sur cette demande.
Par un arrêt n° 22LY00812 du 30 mars 2023, la cour administrative d'appel a rejeté sa requête.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mai et 28 juillet 2023 et le 12 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Vent du Haut Forez demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;
3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société Monts du Forez Energie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 474538, d'une part, l'association Vent du Haut Forez, la commune de Chalmazel-Jeansagnière, la commune de La Chamba, la commune de La Côte-en-Couzan, la commune de Leigneux, la commune de Saint-Didier-sur-Rochefort et le syndicat des eaux de Leigneux-Saint-Sixte, auquel a succédé la communauté d'agglomération Loire Forez, ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 par lequel le préfet de la Loire a délivré à la société Monts du Forez Energie une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comprenant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Saint-Jean-la-Vêtre, La Côte-en Couzan et La Chamba (Loire).
Par un jugement n° 1801566 du 12 septembre 2019, le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Par un premier arrêt n° 19LY04079 du 28 octobre 2021, la cour administrative de Lyon a sursis à statuer sur l'appel formé par l'association Vent du Haut Forez et autres contre ce jugement jusqu'à l'expiration d'un délai de dix mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre au préfet de la Loire de notifier à la cour un arrêté régularisant le vice tiré du caractère insuffisant de la présentation des capacités financières de l'entreprise.
D'autre part, l'association Vent du Haut-Forez et autres ont demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler l'arrêté de la préfète de la Loire du 11 août 2022 régularisant l'arrêté du 6 novembre 2017.
Par un second arrêt nos 19LY04079, 22LY02979 du 30 mars 2023, la cour administrative d'appel de Lyon, joignant les deux requêtes, les a rejetées.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 mai et 28 juillet 2023 et le 22 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Vent du Haut Forez, la commune de Chalmazel-Jeansagnière, la commune de La Chamba, la commune de La Côte-en-Couzan, la commune de Leigneux et la commune de Saint-Didier-sur-Rochefort demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les arrêts du 28 octobre 2021 et du 30 mars 2023 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société Monts du Forez Energie la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Vent du Haut Forez et autres et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Monts du Forez Energie ;
Considérant ce qui suit :
1. Les deux pourvois présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur le pourvoi n° 474538 :
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 6 novembre 2017, le préfet de la Loire a autorisé la société Monts du Forez Energie à exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs d'une hauteur totale de 150 mètres et d'un poste de livraison sur la crête du Grand Caire, située sur le territoire des communes de La Chamba, La Côte-en-Couzan et Saint-Jean-La-Vêtre (Loire). Par un premier arrêt du 28 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Lyon, sur le fondement du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, après avoir relevé un vice de procédure tiré de l'insuffisante présentation, dans le dossier de demande d'autorisation de la société pétitionnaire, de ses capacités financières, a sursis à statuer sur la requête dont elle était saisie jusqu'à la transmission d'un arrêté de régularisation ou l'expiration d'un délai de dix mois à compter de la notification de son arrêt. Le 11 août 2022, la préfète de la Loire a pris un arrêté modificatif. Par un second arrêt du 30 mars 2023, la cour administrative d'appel a rejeté les requêtes dirigées contre les deux arrêtés préfectoraux. L'association Vent du Haut Forez et autres se pourvoient en cassation contre ces deux arrêts.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêt du 28 octobre 2021 :
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...). " Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier. " Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ".
4. Pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet de la Loire aurait entaché la décision par laquelle il a accordé l'autorisation contestée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement citées au point 3, la cour administrative d'appel a retenu, d'une part, que l'implantation des cinq éoliennes respectera la ligne de crête du Grand Caire, selon un espacement régulier, créant un effet d'enfilade propre à limiter l'impact visuel de l'installation sur les panoramas offerts depuis les Hautes Chaumes, d'autre part, que l'effet masquant du relief boisé du Grand Caire évitera des ruptures d'échelles, de sorte que l'impact du projet litigieux ne sera pas manifestement incompatible avec la préservation des sites et paysages naturels du secteur. Eu égard à l'implantation des éoliennes projetées et à la dégradation de la qualité du paysage remarquable du site en résultant, en dépit des éléments mis en avant pour justifier l'atténuation de leur impact visuel, elle ne pouvait, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui étaient soumises, estimer que la décision du préfet de la Loire était exempte d'erreur manifeste d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'association Vent du Haut Forez et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt du 28 octobre 2021.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêt du 30 mars 2023 :
6. Lorsque le juge administratif, saisi de conclusions à fin d'annulation d'une autorisation environnementale, estime, par un premier jugement, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de l'acte attaqué est susceptible d'être régularisé et sursoit en conséquence à statuer en application du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, les motifs de ce premier jugement qui écartent les autres moyens sont au nombre des motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif du jugement qui clôt finalement l'instance, si ce second jugement rejette les conclusions à fin d'annulation en retenant que le vice relevé dans le premier jugement a été régularisé, dans le délai imparti, par la délivrance d'une mesure de régularisation. Dans ces conditions, il appartient au juge d'appel ou de cassation, saisi de conclusions dirigées contre ces deux jugements, s'il annule le premier jugement, d'annuler en conséquence, le cas échéant d'office, le second jugement.
7. Il résulte de ce qui précède que l'arrêt du 30 mars 2023 doit être annulé en conséquence de l'annulation de l'arrêt du 28 octobre 2021.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
9. Pour les motifs exposés au point 4, les inconvénients excessifs pour la préservation des sites et paysages naturels du secteur qu'emporte l'exploitation du parc éolien litigieux entachent d'illégalité l'autorisation environnementale accordée et ne sont pas susceptibles d'être régularisés par une autorisation modificative. Par suite, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
10. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, l'association Vent du Haut Forez et autres sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Loire des 6 novembre 2017 et 11 août 2022.
Sur le pourvoi n° 474536 :
11. L'association Vent du Haut Forez se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite de refus née du silence gardé par la préfète de la Loire sur sa demande tendant à ce que la société Monts du Forez Énergie soit mise en demeure de déposer une demande de dérogation à la protection des espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement à raison de son projet exposé au point 2. Toutefois, l'annulation des arrêtés préfectoraux des 6 novembre 2017 et 11 août 2022 prive d'objet ce pourvoi. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Monts du Forez Energie la somme de 1 500 euros à verser chacun à l'association Vent du Haut Forez et autres, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions s'opposent à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association Vent du Haut Forez et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.
D E C I D E :
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Article 1er : Les deux arrêts nos 19LY04079, 22LY02979 de la cour administrative d'appel de Lyon des 28 octobre 2021 et 30 mars 2023 sont annulés.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 septembre 2019 et les arrêtés préfectoraux des 6 novembre 2017 et 11 août 2022 sont annulés.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi n° 474536 de l'association Vent du Haut Forez.
Article 4 : L'Etat et la société Monts du Forez Energie verseront chacun une somme de 1 500 euros à l'association Vent du Haut Forez et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la société Monts du Forez Energie au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'Association Vent du Haut Forez, représentante unique pour l'ensemble des requérants, à la société Monts du Forez Energie et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 8 juillet 2025.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. Cédric Fraisseix
La secrétaire :
Signé : Mme Magalie Café