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04/07/2025 | FRANCE | N°495527

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 04 juillet 2025, 495527


Vu la procédure suivante :



Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et des nouveaux mémoires, enregistrés les 27 juin et 23 juillet 2024 et les 27 janvier et 13 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Groupe Canal Plus et la société d'édition de Canal Plus demandent au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) du 29 avril 2024 et, par voie de conséquence, celle du 20 décem

bre 2023 déclarant irrecevables leurs demandes des 3 octobre et 13, 20 et 27 novembre 2023 ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et des nouveaux mémoires, enregistrés les 27 juin et 23 juillet 2024 et les 27 janvier et 13 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Groupe Canal Plus et la société d'édition de Canal Plus demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) du 29 avril 2024 et, par voie de conséquence, celle du 20 décembre 2023 déclarant irrecevables leurs demandes des 3 octobre et 13, 20 et 27 novembre 2023 présentées sur le fondement du I de l'article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) d'enjoindre à l'Arcom de donner suite à ces demandes dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure civile ;

- le code de la propriété intellectuelle ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sarah Houllier, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la société Groupe Canal Plus et de la société d'édition de Canal Plus ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle : " En présence d'une atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d'un service de communication au public en ligne, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III ou des organismes de défense professionnelle visés à l'article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. (...) ". Selon l'article L. 331-27 de ce code : " I. - Lorsqu'une décision judiciaire passée en force de chose jugée a ordonné toute mesure propre à empêcher l'accès à un service de communication au public en ligne en application de l'article L. 336-2, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, saisie par un titulaire de droits partie à la décision judiciaire, peut demander à toute personne visée par cette décision, pour une durée ne pouvant excéder celle restant à courir pour les mesures ordonnées par le juge, d'empêcher l'accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service mentionné par ladite décision. (...) ". Aux termes de l'article R. 331-20 du même code : " I. - La saisine adressée à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique par un titulaire de droits dans les conditions prévues au I de l'article L. 331-27 a lieu par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen permettant d'attester de la date de réception et de l'identité du destinataire, y compris par voie électronique. Elle comporte : / 1° Une copie de la décision judiciaire passée en force de chose jugée, à laquelle le titulaire de droits est partie, ordonnant toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier en application de l'article L. 336-2 ; / (...) 3° Une déclaration sur l'honneur selon laquelle l'auteur de la saisine est titulaire de droits ou a qualité pour agir au nom du titulaire de droits sur une œuvre ou un objet protégé concernés par la reprise mentionnée au 2° et, le cas échéant, tout document justifiant des droits. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un titulaire de droits d'auteur ou droits voisins a obtenu, sur le fondement de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, une décision judiciaire ordonnant que soient prises toutes mesures propres à empêcher l'accès à un service de communication au public en ligne dont le contenu occasionne une atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin, il peut saisir l'Arcom d'une demande tendant à l'actualisation de la liste des sites bloqués pour empêcher l'accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service mentionné par cette décision.

2. La société d'édition de Canal Plus a obtenu les droits exclusifs de diffusion sur le territoire français du championnat de France de rugby " Top 14 " et les droits exclusifs sur le territoire métropolitain et non-exclusifs sur le reste du territoire français de diffusion du championnat de football anglais " Premier League " pour les saisons 2023/2024. Par deux jugements du 19 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné à plusieurs fournisseurs d'accès à des services de communication au public en ligne de prendre, pour toute la durée de la saison 2023/2024, toutes mesures propres à empêcher l'accès à plusieurs sites rediffusant sans autorisation les matchs du " Top 14 " et les matchs de " Premier League ". Par des saisines des 2 octobre et 13, 20 et 27 novembre 2023, la société Groupe Canal Plus et la société d'édition de Canal Plus ont, sur le fondement du I de l'article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle cité ci-dessus, demandé à l'Arcom d'actualiser la liste des sites visés par ces mesures de blocage. Ces sociétés demandent l'annulation des décisions de l'Arcom du 20 décembre 2023 et du 29 avril 2024 refusant de faire droit à leurs demandes.

3. En premier lieu, l'Arcom a fondé ses décisions sur la circonstance que les saisines n'étaient pas accompagnées de " la production d'un certificat de non-appel ou d'une preuve de l'acquiescement au jugement des défendeurs " ce qui constituait, selon elle, une méconnaissance du 1° de l'article R. 331-20 du code de la propriété intellectuelle cité ci-dessus.

4. Il résulte de la finalité du dispositif décrit au point 1 que les décisions rendues selon la procédure accélérée au fond, qui, en vertu de l'article 481-1 du code de procédure civile, bénéficient de plein droit de l'exécution provisoire, sauf au premier président de la cour d'appel, saisi sur le fondement de l'article 514-3 du même code, d'en ordonner l'arrêt, doivent être regardées, au sens et pour l'application des dispositions du I de l'article L. 331-27 et du 1° de l'article R. 331-20 du code de la propriété intellectuelle, comme passées en force de chose jugée. Par suite, l'Arcom ne pouvait légalement retenir que les décisions de justice en cause n'étaient pas passées en force de chose jugée pour refuser de faire droit aux demandes présentées par les sociétés requérantes.

5. En second lieu, si l'Arcom a refusé de faire droit à la saisine du 20 novembre 2023 faute de production de la déclaration sur l'honneur visée par le 3° de l'article R. 331-20 du code de la propriété intellectuelle précité, il n'est pas sérieusement contesté que ce document a été transmis par courriel le 5 janvier 2024. Dans ces conditions, l'Arcom ne pouvait davantage se fonder sur ce motif pour refuser de procéder à l'actualisation demandée.

6. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes sont fondées à demander l'annulation des décisions de l'Arcom des 20 décembre 2023 et 29 avril 2024.

7. Il résulte de l'instruction que les saisons 2023/2024 du championnat de football anglais " Premier League " et du championnat de France de rugby " Top 14 " étant désormais terminées, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les décisions de l'Arcom des 20 décembre 2023 et 29 avril 2024 sont annulées.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Canal Plus, première dénommée, et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Copie en sera adressée à la ministre de la culture.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 495527
Date de la décision : 04/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - DROIT DE PROPRIÉTÉ - PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE - DÉCISION DU JUGE JUDICIAIRE ORDONNANT QUE SOIT EMPÊCHÉ L’ACCÈS À UN SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC EN LIGNE PORTANT ATTEINTE À UN DROIT D’AUTEUR OU DROIT VOISIN (ART - L - 336-2 DU CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE) – DÉCISION REGARDÉE COMME PASSÉE EN FORCE DE CHOSE JUGÉE POUR L’APPLICATION DU DISPOSITIF D’ACTUALISATION PAR L’ARCOM DE LA LISTE DES SITES INTERNET BLOQUÉS (ART - L - 331-27 ET R - 331-20 DU MÊME CODE).

26-04-03 Il résulte des articles L. 336-2, L. 331-27 et R. 331-20 du code de la propriété intellectuelle que lorsqu’un titulaire de droits d’auteur ou droits voisins a obtenu, sur le fondement de l’article L. 336-2 de ce code, une décision judiciaire ordonnant que soient prises toutes mesures propres à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne dont le contenu occasionne une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin, il peut saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) d’une demande tendant à l’actualisation de la liste des sites bloqués pour empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service mentionné par cette décision....Il résulte de la finalité de ce dispositif que les décisions rendues par le juge judiciaire selon la procédure accélérée au fond, qui, en vertu de l’article 481 1 du code de procédure civile, bénéficient de plein droit de l’exécution provisoire, sauf au premier président de la cour d’appel, saisi sur le fondement de l’article 514-3 du même code, d’en ordonner l’arrêt, doivent être regardées, au sens et pour l’application des dispositions du I de l’article L. 331-27 et du 1° de l’article R. 331 20 du code de la propriété intellectuelle, comme passées en force de chose jugée.

RADIO ET TÉLÉVISION - CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL - DÉCISION DU JUGE JUDICIAIRE ORDONNANT QUE SOIT EMPÊCHÉ L’ACCÈS À UN SERVICE DE COMMUNICATION AU PUBLIC EN LIGNE PORTANT ATTEINTE À UN DROIT D’AUTEUR OU DROIT VOISIN (ART - L - 336-2 DU CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE) – DÉCISION REGARDÉE COMME PASSÉE EN FORCE DE CHOSE JUGÉE POUR L’APPLICATION DU DISPOSITIF D’ACTUALISATION PAR L’ARCOM DE LA LISTE DES SITES INTERNET BLOQUÉS (ART - L - 331-27 ET R - 331-20 DU MÊME CODE).

56-01 Il résulte des articles L. 336-2, L. 331-27 et R. 331-20 du code de la propriété intellectuelle que lorsqu’un titulaire de droits d’auteur ou droits voisins a obtenu, sur le fondement de l’article L. 336-2 de ce code, une décision judiciaire ordonnant que soient prises toutes mesures propres à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne dont le contenu occasionne une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin, il peut saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) d’une demande tendant à l’actualisation de la liste des sites bloqués pour empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service mentionné par cette décision....Il résulte de la finalité de ce dispositif que les décisions rendues par le juge judiciaire selon la procédure accélérée au fond, qui, en vertu de l’article 481 1 du code de procédure civile, bénéficient de plein droit de l’exécution provisoire, sauf au premier président de la cour d’appel, saisi sur le fondement de l’article 514-3 du même code, d’en ordonner l’arrêt, doivent être regardées, au sens et pour l’application des dispositions du I de l’article L. 331-27 et du 1° de l’article R. 331 20 du code de la propriété intellectuelle, comme passées en force de chose jugée.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 jui. 2025, n° 495527
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sarah Houllier
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:495527.20250704
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