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04/07/2025 | FRANCE | N°473536

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 04 juillet 2025, 473536


Vu la procédure suivante :



La société par actions simplifiée (SAS) Pigeon Carrières a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des suppléments de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre, respectivement, de l'année 2015 et des années 2012 à 2016 dans les rôles des communes de Louvigné-de-Bais, Bais et Martigné-Ferchaud, ainsi que des majorations correspondantes. Par un jugement nos 1704553 et 1802820 du 4 décembre 2019, ce tribunal a re

jeté ses demandes.



Par l'article 1er d'un arrêt n° 20NT00381 du ...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Pigeon Carrières a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des suppléments de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre, respectivement, de l'année 2015 et des années 2012 à 2016 dans les rôles des communes de Louvigné-de-Bais, Bais et Martigné-Ferchaud, ainsi que des majorations correspondantes. Par un jugement nos 1704553 et 1802820 du 4 décembre 2019, ce tribunal a rejeté ses demandes.

Par l'article 1er d'un arrêt n° 20NT00381 du 15 avril 2022, enregistré le 24 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Nantes a renvoyé au Conseil d'Etat le pourvoi, enregistré le 3 février 2020 au greffe de cette cour, formé par la société Pigeon Carrières contre ce jugement, en tant qu'il a statué sur sa demande en décharge des suppléments de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Par ce pourvoi et quatre mémoires, enregistrés les 3 février et 25 septembre 2020, les 26 mars, 11 mai et 30 juillet 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, la société Pigeon Carrières demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 4 décembre 2019 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il rejette ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015 ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Pigeon Carrières ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au regard d'informations recueillies dans le cadre d'une vérification de comptabilité de la société Pigeon Carrières, société exploitant trois carrières sur les sites de Louvigné-de-Bais, Bais et Martigné-Ferchaud, l'administration fiscale a assujetti cette dernière à des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 2015 et de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2012 à 2016, à raison de l'inclusion des carrières dans le champ d'application de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la réévaluation des biens passibles de cette taxe selon la méthode comptable. Par un jugement du 4 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la société Pigeon Carrières tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt. Par le présent pourvoi, la société Pigeon Carrière demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions en décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Sur l'étendue du litige :

2. Par deux décisions des 16 octobre 2020 et 15 juillet 2021, postérieures à l'enregistrement, par la cour administrative d'appel de Nantes, de la requête par laquelle la société Pigeon Carrières a sollicité la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015 et l'annulation du jugement du tribunal administratif dans cette mesure, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de ces suppléments d'impôt à concurrence de 43 891 euros en ce qui concerne le site de Louvigné-de-Bais, 50 359 euros en ce qui concerne le site de Bais et 24 459 euros en ce qui concerne le site de Martigné-Ferchaud. Dès lors, les conclusions du pourvoi de la société Pigeon Carrières sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions du pourvoi :

3. En premier lieu, d'une part, la garantie prévue par les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ne trouve à s'appliquer que dans les hypothèses où l'administration a recours aux procédures de rectification prévues par les articles L. 55 et L. 65 du livre des procédures, lesquelles ne sont pas applicables en matière d'impositions directes locales. Dès lors, c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que la méconnaissance des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ne pouvait être utilement invoquée par la société requérante.

4. D'autre part, lorsqu'une imposition est, telle la taxe foncière sur les propriétés bâties, assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense et à défaut d'applicabilité de la procédure de redressement contradictoire prévue par les articles L. 55 à L. 61 du livre des procédures fiscales, mis à même de présenter ses observations. Après avoir relevé que, par courriers du 9 juillet 2015, l'administration avait informé la société Pigeon Carrières des rectifications envisagées, de leurs motifs ainsi que des bases d'impositions rehaussées, c'est sans erreur de droit, et par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation que le tribunal administratif a jugé que, eu égard aux éléments portés à la connaissance du redevable, et alors même que le courrier ne précisait pas le montant des impositions et des pénalités résultant des bases rectifiées, la société avait été mise à même de présenter utilement des observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par lettre du 7 septembre 2015. Enfin, si la société Pigeon Carrières fait également valoir que les bases d'imposition portées à sa connaissance par un courrier du 7 juillet 2016, modifiant, à la suite de l'interlocution régionale, celles initialement retenues dans le courrier du 9 juillet 2015, ne correspondraient pas à celles portées sur l'avis d'imposition qui lui a été notifié et mises en recouvrement, un tel moyen est nouveau en cassation et, par suite, inopérant.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1381 du code général des impôts : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 5° Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux (...) ". Si l'article 1393 du code général des impôts, qui trouve son origine dans l'article 81 de la loi du 3 frimaire an VII, dispose que la taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés non bâties de toute nature et qu'elle est notamment due pour les terrains occupés par les carrières, le 5° de l'article 1381 du même code, issu de l'article 1er de la loi du 29 décembre 1884, qui ne comporte aucune exception quant à la nature des terrains concernés a, en prévoyant que les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que les chantiers, lieux de dépôt des marchandises et autres emplacements de même nature, seront imposés à la taxe foncière sur les propriétés bâties, édicté des règles fiscales de caractère général, applicables notamment aux carrières qui font l'objet d'une exploitation à caractère industriel.

6. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en jugeant que les carrières en cause, faisant ou ayant fait l'objet d'une exploitation à caractère industriel, devaient être imposées à la taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts et non à la taxe foncière sur les propriétés non bâties en application de l'article 1393 du même code et que la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe devait être déterminée à partir de leur prix de revient, conformément à l'article 1499 du même code.

7. En troisième lieu, en mentionnant, pour les assimiler à des propriétés bâties au regard de la taxe foncière, les " terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel (...) ", le 5° de l'article 1382 du code général des impôts doit être entendu comme visant des terrains non cultivés affectés à un usage commercial ou industriel, du moment qu'ils n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages.

8. D'une part, pour juger que l'administration fiscale avait pu, à bon droit, considérer que l'ensemble des terrains des sites de Louvigné-de-Bais, Bais et Martigné-Ferchaud, à raison desquels la société Pigeon Carrières a été assujettie aux suppléments d'imposition contestés, faisaient l'objet d'une exploitation à usage industriel au sens et pour l'application du 5° l'article 1381 du code général des impôts, le tribunal administratif, après avoir estimé que ces terrains étaient compris dans le périmètre des arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploitation de la carrière et étaient, ou avaient été, affectés à un usage industriel, a, au vu des pièces produites au dossier et des éléments d'explication apportés par l'administration, écarté les allégations de la requérante selon lesquelles certaines de ces parcelles auraient été affectées à un usage agricole ou n'auraient pas été comprises dans le périmètre des arrêtés. Ils se sont ainsi prononcés sur l'affectation des terrains en litige au vu des résultats de l'instruction, et la circonstance qu'ils aient, à tort mais de façon superfétatoire, ajouté qu'il incombait à la société Pigeon Carrières d'apporter la preuve de ce que ces terrains auraient été rendus disponibles à d'autres usages est restée sans incidence sur l'issue du litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve applicables en l'espèce doit être écarté.

9. D'autre part, dès lors qu'il ne résultait pas de l'instruction, et notamment des éléments produits par la société requérante, que les parcelles comprises dans le périmètre des arrêtés préfectoraux autorisant la société Pigeon Carrières à exploiter les sites de Louvigné-de-Bais, de Bais et de Martigné-Ferchaud auraient été rendues disponibles à d'autres usages, notamment agricole, c'est sans erreur de droit, ni dénaturation des pièces des dossiers, que le tribunal a pu déduire de cette inclusion que ces parcelles devaient être regardées comme ayant été affectées, à compter de ces autorisations, à un usage industriel et ce alors même que, pour certaines, leur usage premier était agricole et leur exploitation effective, compte tenu des plans de phasage imposés, n'avait pas encore pu débuter ou avait cessé au 1er janvier 2015.

10. En quatrième lieu, la société Pigeon Carrières ne peut utilement soutenir que le tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant qu'elle n'était pas fondée à demander que la valeur locative des sites qu'elle exploite soit minorée de la somme correspondant à la valeur d'acquisition des gisements des carrières ainsi que du montant des frais de découverte inscrits au compte n° 218200, dès lors que, par les dégrèvements mentionnés au point 2, il a été fait droit à sa demande en décharge sur ces points, notamment au regard des éléments qu'elle a communiqués à l'administration, par courriel du 21 septembre 2020 et dans une mesure qu'elle ne conteste pas.

11. En cinquième lieu, la société Pigeon Carrières ne saurait utilement soutenir, pour la première fois en cassation, que le service aurait à tort, pour déterminer la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, pris en compte le prix de revient de clôtures et portails de sécurité exigés des carriers ainsi que, pour le site de Louvigné-de-Bais, d'un système d'éclairage du bâtiment ALTAIRAC, au motif qu'ils seraient pourtant, selon elle, exonérés de cette taxe en application du 11°de l'article 1382 du code général des impôts.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Pigeon Carrières n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il rejette ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015 et restant en litige.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la société Pigeon Carrières au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi à concurrence de la somme de 118 709 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Pigeon Carrières est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée (SAS) Pigeon Carrières et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 juin 2025 où siégeaient : M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 4 juillet 2025.

Le président :

Signé : M. Philippe Ranquet

La rapporteure :

Signé : Mme Muriel Deroc

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 473536
Date de la décision : 04/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 jui. 2025, n° 473536
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Muriel Deroc
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SAS HANNOTIN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:473536.20250704
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