Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Pigeon Carrières a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des suppléments de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre, respectivement, de l'année 2015 et des années 2012 à 2016 dans les rôles des communes de La Croixille, Montreuil-Poulay et Torcé-Viviers-en-Charnie, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n°s 1708997 et 1805577 du 17 juillet 2020, ce tribunal a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 20NT02517 du 15 avril 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la société Pigeon Carrières, renvoyé au Conseil d'Etat ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions en décharge, restant en litige, à concurrence de la somme globale de 46 420 euros, exclu des bases de la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2012 à 2016, dans sa totalité, la valeur comptable des clôtures et portails, déchargé la société des suppléments de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2012 à 2016 correspondant à cette réduction, réformé le jugement du tribunal en ce qu'il a de contraire, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 juin 2022 et 1er mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) réglant l'affaire au fond, de remettre à la charge de la société Pigeon Carrières les montants de cotisation foncière des entreprises dont elle a obtenu la décharge au titre des clôtures et portails.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin avocats, avocat de la société Pigeon Carrières ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond qu'au regard d'informations recueillies dans le cadre d'une vérification de comptabilité de la société Pigeon Carrières, société exploitant des sites d'extraction à La Croixille et Montreuil-Poulay, ainsi qu'une installation de concassage à Torcé-Viviers-en-Charnie, l'administration fiscale a assujetti cette dernière à des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 2015 et de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2012 à 2016, à raison de l'inclusion des carrières dans le champ d'application de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la réévaluation des biens passibles de cette taxe selon la méthode comptable. Par un jugement du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société Pigeon Carrières tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt. Par un arrêt du 15 avril 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a, premièrement, renvoyé au Conseil d'Etat le pourvoi en cassation formé par la société Pigeon Carrières contre le rejet de ses conclusions relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties (article 1er), deuxièmement, constaté un non-lieu à statuer à concurrence de la somme globale de 46 420 euros (article 2), troisièmement, exclu des bases de la cotisation foncière des entreprises la valeur comptable des clôtures et des portails, prononcé la décharge des suppléments d'imposition correspondants et réformé en ce sens le jugement du tribunal administratif de Nantes (articles 3 à 6), et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société Pigeon Carrières (article 7). Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande l'annulation des articles 3 à 6 de cet arrêt en tant qu'ils excluent des bases de la cotisation foncière des entreprises la valeur comptable des clôtures et portails, et prononcent la décharge des suppléments d'imposition correspondants. La société Pigeon Carrières demande, par la voie du pourvoi incident, l'annulation de l'article 7 cet arrêt.
Sur le pourvoi du ministre :
2. D'une part, aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Selon l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / 2° Les ouvrages d'art et les voies de communication (...) ". Selon l'article 1382 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés à l'article 1381 1° et 2° ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du II de l'article 324 B de l'annexe III au même code : " Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux, équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation ". D'autre part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. (...) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ".
3. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.
4. En jugeant que l'ensemble des clôtures implantées autour des différents sites et leurs portails d'accès devaient être regardés comme étant spécifiquement adaptés à une activité industrielle au seul motif que les arrêtés préfectoraux autorisant les exploitations afférentes prévoient, sur la base des prescriptions énoncées par l'arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières et aux installations de premier traitement des matériaux de carrière, qu'une clôture solide et efficace doit être installée sur les espaces présentant des risques de chute et que les entrées de la carrière seront matérialisés par un dispositif interdisant l'accès en dehors des heures d'exploitation, la cour a commis une erreur de droit.
5. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, l'annulation des articles 3 à 6 de l'arrêt qu'il attaque.
Sur le pourvoi incident de la société Pigeon Carrières :
6. Comme rappelé au point 2, en vertu de l'article 1467 du code général des impôts, pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises, la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies à l'article 1499 du même code pour les " immobilisations industrielles ". Aux termes du premier alinéa de cet article 1499, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat ". Revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
7. Pour juger que la valeur cadastrale des sites de La Croixille, Montreuil-Poulay et Torcé-Viviers-en-Charnie devait être évaluée selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts pour les établissements industriels, la cour s'est bornée à relever qu'eu égard à la superficie des sites de carrières exploités par la société requérante sur la base de décisions préfectorales portant autorisation d'exploiter des installations classées et aux moyens matériels mis en œuvre, les carrières en litige devaient être regardées comme faisant l'objet d'une exploitation de caractère industriel. En se fondant ainsi exclusivement sur l'importance des moyens techniques mis en œuvre, sans rechercher si l'activité déployée par la société consistait dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, ou si, à défaut, le rôle de ces moyens revêtait un caractère prépondérant, la cour a commis une erreur de droit.
8. Par suite, la société Pigeon Carrières est fondée à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi incident, l'annulation de l'article 7 de l'arrêt qu'elle attaque.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur le règlement au fond :
10. En premier lieu, d'une part, la société requérante ne peut utilement soutenir que l'administration fiscale aurait méconnu les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dès lors que la garantie prévue par celles-ci ne trouve à s'appliquer que dans les hypothèses où l'administration a recours aux procédures de rectification prévues par les articles L. 55 et L. 65 du livre des procédures, lesquelles ne sont pas applicables en matière d'impositions directes locales.
11. D'autre part, si le principe général des droits de la défense imposait à l'administration fiscale de mettre la société Pigeon Carrières à même de présenter ses observations dès lors qu'elle entendait établir des droits excédant le montant de ceux résultant des éléments déclarés par l'intéressée, les rectifications envisagées reposant notamment sur la remise en cause de l'affectation des terrains déclarée par cette dernière, l'administration a satisfait à cette obligation dès lors que, par courriers du 9 juillet 2015, elle l'a informée de ces rectifications, de leurs motifs et du détail des bases d'imposition telles que rectifiées. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la société requérante, le principe général des droits de la défense n'imposait pas que l'administration l'informe, préalablement à la mise en recouvrement des impositions contestées, du montant en droits et pénalités des rectifications envisagées. Enfin, si l'intéressée fait valoir une discordance entre les bases d'imposition portées à sa connaissance à la suite de l'interlocution départementale et celles figurant sur les avis d'imposition, celle-ci manque en fait dès lors qu'il résulte de l'instruction que la " valeur locative imposable méthode comptable " indiquée, pour chaque année et pour chaque site, dans le courrier du 7 juillet 2016, et détaillée en annexe, correspond à la " base rectifiée RS " portée sur les avis d'imposition. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les impositions en litige auraient été établies en méconnaissance du principe général des droits de la défense.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1393 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés non bâties de toute nature sises en France, à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. / Elle est notamment due pour les terrains occupés par les chemins de fer, les carrières, mines et tourbières, les étangs, les salines et marais salants ainsi que pour ceux occupés par les serres affectées à une exploitation agricole ". Aux termes du 5° de l'article 1381 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : " Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les terrains non cultivés affectés à un usage commercial ou industriel sont imposés à la taxe foncière sur les propriétés bâties, du moment qu'ils n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages. Ces dispositions sont notamment applicables aux carrières qui font l'objet d'une exploitation à caractère industriel et n'ont pas été rendues disponibles à d'autres usages.
13. Il résulte de l'instruction que, au titre des périodes de référence en cause, la société Pigeon Carrières exerçait son activité de carrier sur les sites en question au moyen d'importantes installations permettant l'extraction de matériaux (La Croixille et Montreuil-Poulay) et leur concassage (Torcé-Viviers-en-Charnie). Le ministre fait valoir, sans être contesté, que ces terrains supportaient notamment des installations de criblage, de concassage et des tapis de transport de matériaux, comprenant des concasseurs, des convoyeurs, des gravillonneurs, des cribles, des ponts à bascule, des ponts roulants, des dumpers, des pelles sur chenilles, des usines de traitement de sable et de traitement des eaux ou encore des unités de broyage. Dans ces conditions et compte tenu du rôle prépondérant pour les besoins de l'activité de carrier, en règle générale et sans que cela soit sérieusement contesté en l'espèce, des installations techniques, matériels et outillages ainsi mis en œuvre, c'est à bon droit que le service a estimé que les sites en cause devaient, en principe, être soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties et leur valeur locative déterminée, en application de l'article 1499 du même code, selon la méthode comptable définie à cet article.
14. En troisième lieu, d'une part, il résulte des dispositions de l'article 1467 du code général des impôts, citées au point 2, qu'entre dans l'assiette de la cotisation foncière des entreprises la valeur locative de toute immobilisation corporelle placée sous le contrôle du redevable, utilisable matériellement pour la réalisation des opérations qu'effectue celui-ci, et dont il dispose au terme de la période de référence, qu'il en fasse ou non, alors, effectivement usage, sauf à ce que cette utilisation ait été exclue, pendant cette période, par une mesure ou injonction de l'autorité publique.
15. D'autre part, aux termes de l'article 1467 A du même code : " Sous réserve des II, III, IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ". Aux termes de l'article 1380 de ce code : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Aux termes de l'article 1415 du même code : " La taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d'habitation sont établies pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année de l'imposition ". La circonstance que la taxe foncière soit établie pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année de l'imposition ne fait pas obstacle à ce que les biens dont le redevable disposait au terme de la période de référence sans en disposer au début de celle-ci soient intégrés dans l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.
16. Il résulte de l'instruction que la société Pigeon Carrières a été autorisée à exploiter, dans le cadre de son activité de carrier, les sites de La Croixille et de Montreuil-Poulay par deux arrêtés du préfet de la Mayenne des 9 janvier 2012 et 25 juillet 2008 selon des " plans de phasage d'exploitation et de réaménagement " des sites définissant, pour chaque phase temporelle, l'usage qui peut être fait des différentes parcelles. Si l'intéressée peut être regardée comme utilisant matériellement, pour la réalisation des opérations qu'elle effectue, les parcelles ouvertes à l'extraction ou comportant des installations, au terme de la période de référence, tel n'est pas le cas des parcelles pour lesquelles, compte tenu des prescriptions du plan de phasage, aucun usage particulier concourant à l'activité du carrier n'est défini et donc autorisé. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit au point 14 que c'est à tort que l'administration fiscale a inclus la valeur locative de ces dernières dans les bases d'imposition à la cotisation foncière des entreprises de la société.
17. En quatrième lieu, la contestation de la société Pigeon Carrières tendant à ce que la valeur locative des sites qu'elle exploite soit minorée de la somme correspondant à la valeur d'acquisition des gisements des carrières est sans objet, l'administration ayant fait droit, par une décision de dégrèvement datée du 18 juin 2021, à sa demande sur ce point, au regard des éléments qu'elle lui a communiqués, par courriel du 21 septembre 2020 et dans une mesure qu'elle ne conteste pas.
18. En cinquième lieu, aux termes de l'article 324 AE de l'annexe III au code général des impôts : " Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies. " Aux termes de l'article 38 quater de la même annexe : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Enfin, aux termes de l'articles 38 quinquies de la même annexe : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière doivent être évaluées d'après leur prix de revient, qui est celui inscrit à l'actif du bilan. Sauf pour la société à démontrer que des dépenses inscrites au registre de ses immobilisations constitueraient en réalité des charges déductibles, l'administration fiscale peut se fonder sur ces énonciations comptables, opposables à la société, pour établir, selon la méthode comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts, la valeur locative des immobilisations.
19. Il résulte des dispositions du règlement du Comité de la réglementation comptable n° 2004-06 du 23 novembre 2004 relatif à la définition, la comptabilisation et l'évaluation des actifs, homologué par arrêté du 24 décembre 2004, applicables aux exercices clos les 31 octobre 2010 à 2014, que si les frais d'extraction des couches dites stériles exposés en cours d'exploitation de la carrière afin de maintenir le gisement dans un état tel que l'exploitation normale de la carrière puisse continuer constituent des charges d'exploitation, les frais de préparation du terrain en vue de l'exploitation du gisement, dès lors qu'ils sont nécessaires à la mise en état d'exploitation de la carrière, doivent en revanche être inclus dans le coût d'acquisition de celle-ci.
20. Par suite et dès lors que la société requérante ne conteste pas que les frais de découverte qu'elle a inscrits à l'actif de son bilan en tant qu'immobilisations corporelles correspondaient à des frais de préparation des terrains en vue de l'exploitation des gisements, elle n'est pas fondée à soutenir que ces frais devaient être regardés comme des charges d'exploitation, et que l'administration fiscale les aurait à tort inclus dans le prix de revient des immobilisations dont la valeur locative sert de base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises due au titre des années 2012 à 2016.
21. En sixième lieu, les frais de découverte d'une carrière ne sont pas au nombre des " outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels " mentionnés au 11° de l'article 1382 du code général des impôts. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ceux exposés pour la carrière de La Croixille entreraient dans le champ de l'exonération prévue par ces dispositions et celles de l'article 1467 du même code. Par ailleurs, sa contestation sur ce point relative aux gisements des carrières est sans objet dès lors que, comme il a été rappelé au point 17, l'administration a fait droit à sa demande sur ce point.
22. En septième lieu, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que les clôtures et portails de l'entreprise soient spécifiquement adaptés à une activité industrielle, et, comme il a été rappelé au point 4, la circonstance qu'ils soient destinés à empêcher l'accès à certaines zones d'un site industriel et imposés par la réglementation applicable à l'exploitation ne permet pas, à elle seule, de les regarder comme tels. D'autre part, s'agissant d'un local technique de floculation de Montreuil-Poulay, de l'abri de la pompe de lavage, du local de l'armoire électrique et de l'ensemble modulaire constituant le réfectoire et les vestiaires du site de La Croixille, la société requérante n'apporte aucun élément permettant d'apprécier la consistance des équipements auxquels ces libellés d'immobilisations se rapportent ni, par suite, de déterminer s'ils peuvent être regardés comme spécifiquement adaptés à une activité industrielle. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ces immobilisations devaient bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du 11° de l'article 1382 du code général des impôts et qu'elles ne devaient, par conséquent, pas être prises en compte pour la détermination de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.
23. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pigeon Carrières est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que soit exclue de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie la valeur locative des parcelles des sites pour lesquelles les plans de phasage ne définissent, au titre de la période de référence, aucun usage particulier concourant à son activité.
24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Pigeon Carrières, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour les frais exposés en appel et en cassation.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 3 à 7 de l'arrêt du 15 avril 2022 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés.
Article 2 : La société Pigeon Carrières est déchargée des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2016 dans la mesure indiquée au point 23 de la présente décision.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 juillet 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera à la société Pigeon Carrières une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête présentée devant la cour administrative d'appel de Nantes par la société Pigeon Carrières est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée (SAS) Pigeon Carrières et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 juin 2025 où siégeaient : M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 4 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Philippe Ranquet
La rapporteure :
Signé : Mme Muriel Deroc
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova