Vu la procédure suivante :
L'association nationale d'assistance aux frontières pour les personnes étrangères (ANAFE), La Cimade, le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), la Ligue des droits de l'homme, le Mouvement citoyen tous migrants, l'association Emmaüs Roya, l'association Roya Citoyenne, l'association Secours catholique - Caritas France, l'Alliance des praticiens du droit des étrangers pour la défense des droits fondamentaux (Alliance-DEDF), l'association Information sur les mineurs isolés étrangers (InfoMIE), l'association Médecins du Monde, le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes, le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, le directeur départemental de la police aux frontières des Alpes-Maritimes, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice et le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse sur leur demande tendant à l'abrogation du " protocole d'accord " entre les services de l'Etat, l'autorité judiciaire et le conseil départemental, signé par ces autorités le 31 décembre 2019, relatif à la prise en charge des mineurs non accompagnés étrangers présents sur le territoire national dans le département des Alpes-Maritimes et de ses " avenants " n° 1 et n° 3, signés les 16 mars 2021 et 13 mars 2023.
Par une ordonnance n° 2406565 du 18 décembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 et 20 janvier et 4 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ANAFE et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (ensemble une annexe), signé à Chambéry le 3 octobre 1997 ;
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 juin 2016, Affum (C-47/15) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 septembre 2023, ADDE et autres (C-143/22) ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de l'ANAFE et autres, et à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat du Département des Alpes-Maritimes ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 juin 2025, présentée par les requérants ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que, le 31 décembre 2019, le préfet des Alpes-Maritimes, le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse ont signé un " protocole d'accord " relatif à la prise en charge dans le département des Alpes-Maritimes des mineurs non accompagnés étrangers présents sur le territoire national. Dans le cadre du rétablissement par la France des contrôles aux frontières intérieures, ce " protocole " a fait l'objet d'un premier " avenant " conclu le 16 mars 2021 entre les mêmes signataires et le directeur départemental de la police aux frontières des Alpes-Maritimes, relatif à l'appui de la décision d'admission sur le territoire des personnes se présentant comme mineures et non accompagnées, ainsi que de deux autres " avenants ", signés les 10 août 2021 et 13 mars 2023, le dernier ayant pour objet d'accroître l'amplitude horaire de dispositif d'appui. Par lettre du 31 juillet 2024, l'association nationale d'assistance aux frontières pour les personnes étrangères et autres ont demandé aux signataires du " protocole " et de ses " avenants " leur abrogation, en particulier celle des " avenants " n° 1 et n° 3. Par une ordonnance du 18 décembre 2024, contre laquelle ces associations se pourvoient en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution des décisions implicites rejetant leur demande d'abrogation.
Sur le cadre juridique :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 14 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), inséré dans le titre II de ce règlement relatif aux frontières extérieures de l'Union : " 1. L'entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l'ensemble des conditions d'entrée énoncées à l'article 6, paragraphe 1, et qui n'appartient pas à l'une des catégories de personnes visées à l'article 6, paragraphe 5. Cette disposition est sans préjudice de l'application des dispositions particulières relatives au droit d'asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour. / 2. L'entrée ne peut être refusée qu'au moyen d'une décision motivée indiquant les raisons précises du refus. La décision est prise par une autorité compétente habilitée à ce titre par le droit national. Elle prend effet immédiatement. (...) / 3. Les personnes ayant fait l'objet d'une décision de refus d'entrée ont le droit de former un recours contre cette décision. Les recours sont formés conformément au droit national. (...) / L'introduction d'un tel recours n'a pas d'effet suspensif à l'égard de la décision de refus d'entrée. / (...) / 4. Les gardes-frontières veillent à ce qu'un ressortissant de pays tiers ayant fait l'objet d'une décision de refus d'entrée ne pénètre pas sur le territoire de l'État membre concerné. / (...) ". L'article 32 de ce même règlement prévoit que lorsque le contrôle aux frontières intérieures est réintroduit dans les conditions prévues au chapitre II du titre III, les dispositions pertinentes du titre II de ce règlement, relatif aux frontières extérieures, " s'appliquent mutatis mutandis ".
4. Selon l'article 2, paragraphe 2, de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, qui fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " 2. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive aux ressortissants de pays tiers : / a) faisant l'objet d'une décision de refus d'entrée conformément à l'article [14] du code frontières Schengen (...) ".
5. En deuxième lieu, selon l'article 3, paragraphes 3 et 4 de la directive du 16 décembre 2008, une décision de retour est une décision déclarant illégal le séjour d'un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour dans son pays d'origine, dans un autre pays tiers où il décide de retourner et sera admis ou dans un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux. Les pays de transit ainsi mentionnés sont des pays tiers à l'Union européenne avec lesquels des accords ou arrangements de réadmission ont été conclus par l'Union ou par l'un des Etats membres de celle-ci. Selon l'article 6, paragraphe 1, de cette directive, les États membres doivent prendre une décision de retour à l'encontre de tout ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions prévues aux paragraphes 2 à 5 du même article. Le paragraphe 3 de cet article 6 permet aux États membres de s'abstenir de prendre une décision de retour à l'encontre d'un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire si ce ressortissant d'un pays tiers est repris par un autre État membre en vertu d'accords ou d'arrangements bilatéraux existant à la date d'entrée en vigueur de la directive.
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne par ses arrêts du 7 juin 2016, Affum (C-47/17) et du 21 septembre 2023, ADDE et autres (C-143/22), que si un Etat membre peut, en cas de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, prendre à l'encontre d'un ressortissant d'un pays tiers qui se présente à un point de passage frontalier autorisé situé sur son territoire une décision ne visant pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine, une telle décision ne peut être prise qu'en vue de sa reprise par l'Etat membre dont il provient, en application d'un accord ou d'un arrangement existant à la date d'entrée en vigueur de la directive du 16 décembre 2008, dans le cadre des normes et des procédures communes établies par cette directive.
7. Par une décision n° 450285 du 2 février 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé pour excès de pouvoir la seconde phrase de l'article L. 332-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elle ne limite pas l'édiction de refus d'entrée aux frontières intérieures aux cas dans lesquels ils sont pris en vue de la réadmission de l'intéressé par l'Etat membre dont il provient en application d'un accord ou d'un arrangement passé par la France avec cet Etat existant le 13 janvier 2009. Par cette même décision, il a jugé que l'annulation prononcée maintenait la possibilité, sur le fondement des dispositions demeurant en vigueur de ce même article, de prendre une décision de refus d'entrée à l'égard de l'étranger qui ne satisfait pas aux conditions d'admission sur le territoire lors de vérifications à une frontière intérieure en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, dans le cas où une telle décision est prise soit en vue de la réadmission de l'intéressé par l'Etat dont il provient en application d'un accord ou d'un arrangement passé par la France avec cet Etat existant le 13 janvier 2009, soit en vue de l'édiction d'une décision de retour.
8. Ainsi, dans le cadre du rétablissement du contrôle aux frontières intérieures qui a été décidé par le Gouvernement français sur le fondement de l'article 25 du règlement du 9 mars 2016, il est possible aux autorités françaises soit de prendre à l'encontre d'un ressortissant d'un pays tiers qui se présente à un point de passage autorisé à la frontière franco-italienne une décision de refus d'entrée à l'issue d'un contrôle à cette frontière en vue sa réadmission par l'Italie en application de l'accord relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signé à Chambéry le 3 octobre 1997, soit d'édicter une décision de retour. Il appartient toutefois, lors de ces contrôles, d'accorder une attention particulière à la situation des personnes se déclarant mineures, les étrangers mineurs ne pouvant faire l'objet d'une décision de réadmission ou d'une décision de retour et ayant vocation à bénéficier des protections attachées à leur âge.
9. Enfin, il résulte des dispositions du code de l'action sociale et des familles que la compétence conférée aux départements en matière d'aide sociale à l'enfance et de protection des mineurs en danger implique nécessairement que le président du conseil départemental puisse apprécier, selon les modalités définies notamment aux articles L. 221-2-4 et R. 221-11 de ce code et sous le contrôle du juge, si les personnes qui sollicitent cette protection remplissent effectivement les conditions légales pour l'obtenir, dont celle de minorité. A cette fin, sauf dans le cas où la condition de minorité ne serait à l'évidence pas remplie, il incombe aux autorités du département de mettre en place un accueil provisoire d'urgence pour toute personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, confrontée à des difficultés risquant de mettre en danger sa santé, sa sécurité ou sa moralité, en particulier parce qu'elle est sans abri.
Sur le pourvoi :
En ce qui concerne les " avenants " n° 1 et n° 3 :
10. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que l'" avenant n° 1 " au " protocole " du 31 décembre 2019 a pour objet, dans un contexte d'arrivées à la frontière franco-italienne de personnes se présentant comme mineures et non accompagnées, de préciser le cadre dans lequel les agents de la police aux frontières du poste de Menton sont appelés à statuer, dans l'exercice de la compétence qu'ils tiennent des articles L. 332-2 et R. 332-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du règlement du 9 mars 2016, sur l'admission de telles personnes sur le territoire national en appréciant notamment l'état de minorité déclaré. A ce titre, il prévoit la possibilité pour le département des Alpes-Maritimes d'apporter son appui pour les vérifications à opérer et dispose, à cet effet, que des agents, missionnés par lui et spécialement formés, peuvent, sur la demande des agents de la police aux frontières, procéder à des entretiens avec les personnes concernées et donner ainsi un avis sur leur minorité, susceptible d'éclairer, sans la lier, la décision à prendre par la police aux frontières sur leur admission sur le territoire. L'" avenant n° 3 " a été pris pour élargir l'amplitude horaire de la mission d'assistance assurée par les agents du département.
11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les " avenants " n° 1 et n° 3 n'ont ni pour objet ni pour effet de fixer des règles relatives à la détermination de l'âge d'un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur mais seulement de préciser les conditions de mise en œuvre d'un dispositif d'appui du département des Alpes-Maritimes, sous forme d'un simple avis, à l'exercice de la compétence de l'Etat relative au contrôle des frontières intérieures, notamment s'agissant de la vérification des conditions d'admission sur le territoire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le juge des référés de tribunal administratif de Nice à ne pas avoir relevé d'office l'incompétence des signataires des " avenants " litigieux ne peut qu'être écarté. De même, il ne saurait être sérieusement soutenu que la signature par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice et le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grasse, qui ne peut engager ces autorités que dans la limite de leurs compétences et ne porte aucunement atteinte à la séparation des pouvoirs, entacherait ces mêmes actes d'une incompétence qui aurait dû être relevée d'office.
12. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 8, l'autorité administrative compétente peut, dans le cadre du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, prendre à l'encontre d'un ressortissant d'un pays tiers qui se présente à un point de passage autorisé à la frontière franco-italienne une décision de refus d'entrée à l'issue d'un contrôle à cette frontière en vue de sa réadmission par l'Italie ou de la prise d'une décision de retour. La seule circonstance que les " avenants " litigieux ne précisent pas la finalité de la procédure d'admission sur le territoire national à laquelle ils se rattachent ne saurait les entacher d'illégalité. Par suite, en jugeant que le moyen tiré de ce que la procédure de non-admission d'un étranger qui se présente à un point de passage frontalier autorisé ne serait plus applicable depuis la décision n° 450285 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 2 février 2024 ne paraissait pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées, le juge des référés du tribunal administratif de Nice n'a pas commis d'erreur de droit.
13. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que les " avenants " litigieux ne font pas application des dispositions concernant les mineurs de la directive du 16 décembre 2008 n'avait pas été soulevé devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice. Par suite, il ne peut être utilement reproché au juge des référés de ne pas l'avoir visé ni mentionné dans l'ordonnance attaquée. De même, il ne peut être utilement soutenu que le juge des référés aurait commis une erreur de droit en ne regardant pas ce moyen, qui est nouveau en cassation sans être d'ordre public, comme étant propre à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Selon l'article 8 de la même convention : " 1. Les États parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales tels qu'ils sont reconnus par loi, sans ingérence illégale. / 2. Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d'entre eux, les États parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible ". Aux termes de l'article 12 de la même convention : " 1. Les États parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. / 2. A cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale ". L'article 20 de la même convention stipule que : " 1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'État. / 2. Les États parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale. (...) ".
15. Si une personne se déclarant mineure ne saurait être indûment regardée comme majeure et être ainsi privée des protections dont bénéficient les personnes mineures, l'autorité administrative chargée, en cas de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, de vérifier que les conditions d'admission sur le territoire national sont remplies peut à ce titre refuser l'entrée des étrangers qui, bien que se déclarant mineurs, ne le sont à l'évidence pas. A cet effet, il lui est loisible, pour compléter les informations dont elle dispose, de recueillir l'avis d'agents du département amenés à conduire des entretiens avec les personnes concernées et spécialement formés à cet exercice. Dans ces conditions et dès lors que le dispositif mis en place ne peut avoir pour objet que de vérifier que les étrangers se déclarant mineurs non accompagnés ne sont pas manifestement majeurs, le juge des référés du tribunal administratif de Nice n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que le moyen tiré de la méconnaissance par les " avenants " litigieux des stipulations des articles 3, 8, 12 et 20 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'était pas en l'état de l'instruction propre à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.
16. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 10, il ressort de leurs énonciations que les " avenants " litigieux ont pour objet de préciser les modalités selon lesquelles la police aux frontières, dans l'exercice de la compétence qu'elle tient des articles L. 332-2 et R. 332-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, apprécie la situation de l'étranger qui se déclare mineur et privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. S'inscrivant dans le cadre d'une procédure d'appréciation de la majorité manifeste le temps de l'examen de l'admission ou non sur le territoire national, en amont de la procédure, distincte, d'évaluation de la minorité organisée par le code de l'action sociale et des familles au titre de la mise à l'abri des mineurs non accompagnés et de leur prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, ils ne peuvent être utilement critiqués par l'invocation des dispositions de ce code. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit à avoir regardé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du code de l'action sociale et des familles comme n'étant pas en l'état de l'instruction propre à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées ne peut qu'être écarté.
17. Enfin, le moyen tiré de ce que le juge des référés du tribunal administratif de Nice aurait insuffisamment motivé son ordonnance et commis une erreur de droit en se fondant sur le motif tiré de ce que le dispositif prévu par le " protocole " litigieux s'inscrit dans le cadre de l'exercice propre de la compétence de l'Etat relative au contrôle aux frontières intérieures résultant des dispositions du code frontières Schengen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne le " protocole " en tant qu'il porte sur les demandes de titre de séjour présentées par les jeunes majeurs ayant été pris en charge, comme mineurs non accompagnés, par l'aide sociale à l'enfance :
18. D'une part, si les requérants contestaient le point 4.1 du " protocole " signé le 31 décembre 2019 en ce qu'il aurait fixé des conditions de délai pour le dépôt des demandes de titre de séjour plus restrictives que celles prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en ce qu'il prévoyait, en cas de dépôt d'un dossier complet, la délivrance d'un récépissé sans droit au travail, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que l' " avenant n° 2 " signé le 10 août 2021 a modifié ce point pour le mettre en conformité avec les dispositions légales.
19. D'autre part, si les annexes 2 et 3 du " protocole " litigieux établissent des listes de pièces à présenter à l'appui de leur demande d'obtention de titre de séjour par les jeunes majeurs qui avaient été confiés à l'aide sociale à l'enfance, il en ressort que la liste mentionnée n'est qu'indicative et n'a ni pour objet ni pour effet de priver les intéressés de la possibilité de produire d'autres pièces dans les conditions précisées par l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
20. Par suite, en jugeant que n'était pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées le moyen tiré de ce que le " protocole " du 31 décembre 2019 fixe, en ce qui concerne les demandes de titre de séjour déposées par les jeunes majeurs, des conditions plus restrictives que celles prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, qui a suffisamment motivé son ordonnance, n'a pas commis d'erreur de droit.
21. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme mise à ce titre à la charge de l'Etat et du département des Alpes-Maritimes, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants la somme demandée par le département des Alpes-Maritimes au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi présenté par l'ANAFE et autres est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Alpes-Maritimes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les personnes étrangères, première requérante dénommée, au département des Alpes-Maritimes et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 juin 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 1er juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Trémolière
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard