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25/06/2025 | FRANCE | N°492560

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 25 juin 2025, 492560


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a refusé de lui communiquer six catégories de documents administratifs relatifs à onze missions de conseil exécutées par des cabinets privés pour le compte de ce ministère entre 2018 et 2021.



Par un jugement n° 2224810 du 12 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté, à l'article 1er, qu'il

n'y avait pas lieu de statuer sur la demande relative à la communication des documents...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a refusé de lui communiquer six catégories de documents administratifs relatifs à onze missions de conseil exécutées par des cabinets privés pour le compte de ce ministère entre 2018 et 2021.

Par un jugement n° 2224810 du 12 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté, à l'article 1er, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande relative à la communication des documents relatifs à l'appel d'offres et à l'attribution du marché pour huit des onze missions, a, à l'article 2, annulé la décision implicite de rejet attaquée en tant qu'elle porte refus de communiquer les bons de commande, la fiche d'évaluation et les livrables produits par l'entreprise attributaire relatifs à trois lots de la mission " Accompagnement à la conception et à la mise en œuvre opérationnelle de projets de transformation de l'action publique ", ainsi que l'ensemble des documents demandés pour huit autres missions et, à l'article 3, enjoint à la ministre de les produire.

1° Sous le n° 492560, par un pourvoi enregistré le 13 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter la demande.

2° Sous le n°492561, par une requête enregistrée le 13 mars 2024, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat qu'il prononce, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution des articles 2 et 3 du jugement.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Renaud Vedel, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a demandé au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de lui communiquer un ensemble de documents relatif à onze missions de conseil réalisées par des cabinets privés pour le compte de son ministère entre 2018 et 2021. A la suite du refus implicite opposé à sa demande, M. B... a saisi la commission d'accès aux documents administratifs qui, le 23 juin 2022, a émis un avis favorable à la communication des documents sollicités. Par un jugement du 12 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté, à son article 1er, qu'il n'y avait plus de lieu de statuer sur la demande relative à la communication des documents relatifs à l'appel d'offres et à l'attribution du marché pour huit des onze missions, a, à l'article 2, annulé la décision implicite de rejet attaquée en tant qu'elle porte refus de communiquer les bons de commande, la fiche d'évaluation et les livrables produits par l'entreprise attributaire relatifs à trois lots de la mission " Accompagnement à la conception et à la mise en œuvre opérationnelle de projets de transformation de l'action publique ", ainsi que l'ensemble des documents demandés pour huit autres missions et, à l'article 3, enjoint à la ministre de les produire. La ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit en cassation contre les articles 2 et 3 du jugement du 12 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris et demande, par un autre recours, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Ces deux recours présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes de l'article L. 311-6 de ce code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : / 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, (...) et au secret des affaires (...) ". Le dernier alinéa de l'article L. 311-2 du même code dispose : " L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ".

3. Il ressort des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration que revêt un caractère abusif la demande qui a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l'administration sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. Lorsque l'administration fait valoir que la communication des documents sollicités, en raison notamment des opérations matérielles qu'elle impliquerait, ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il revient au juge de prendre en compte, pour déterminer si cette charge est effectivement excessive, l'intérêt qui s'attache à cette communication pour le demandeur ainsi, le cas échéant, que pour le public.

4. Pour juger que la demande de communication formulée par M. B... n'était pas abusive, le tribunal administratif s'est borné à relever que cette demande, eu égard aux conditions de sa présentation, n'avait pas pour objet de perturber le bon fonctionnement de l'administration sollicitée et que le ministre n'était pas fondé à invoquer son caractère général ou imprécis pour y faire obstacle. En statuant ainsi, sans rechercher si les éléments précis et chiffrés produits par le ministre relatifs au nombre important de documents concernés, à la charge de travail occasionnée par l'occultation des mentions relevant du secret de la vie privée et du secret industriel et commercial et aux moyens humains à mobiliser par ses services pour effectuer ces opérations d'occultation étaient de nature à faire regarder la demande comme impliquant une charge excessive pour l'administration, le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que la ministre l'éducation nationale et de la jeunesse est fondée à demander l'annulation des articles 2 et 3 du jugement qu'elle attaque. Ses conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont, par suite, devenues sans objet.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Paris du 12 janvier 2024 sont annulés.

Article 2 : Le jugement de l'affaire est, dans cette mesure, renvoyé au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 492561 de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 12 janvier 2024.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mai 2025 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Renaud Vedel, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 25 juin 2025.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. Renaud Vedel

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 492560
Date de la décision : 25/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2025, n° 492560
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Renaud Vedel
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:492560.20250625
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