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24/06/2025 | FRANCE | N°500605

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 24 juin 2025, 500605


Vu la procédure suivante :



Le préfet du Gard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution de la décision du 5 août 2024 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Gard a refusé de retirer son arrêté du 31 juillet 2023 portant nomination dans l'emploi fonctionnel de directeur du SDIS. Par une ordonnance n° 2403392 du 23 septembr

e 2024, le juge des référés de ce tribunal a rejeté cette demande.



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Vu la procédure suivante :

Le préfet du Gard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, de suspendre l'exécution de la décision du 5 août 2024 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Gard a refusé de retirer son arrêté du 31 juillet 2023 portant nomination dans l'emploi fonctionnel de directeur du SDIS. Par une ordonnance n° 2403392 du 23 septembre 2024, le juge des référés de ce tribunal a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 24TL02533 du 14 novembre 2024, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par le préfet du Gard contre cette ordonnance.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés le 15 janvier et le 28 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référé de la cour administrative d'appel ;

2°) statuant en référé, d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes et de suspendre l'exécution de la décision contestée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2016-2003 du 30 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Elodie Fourcade, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat du service départemental d'incendie et de secours du Gard ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Toulouse que, par un arrêté du 31 juillet 2023, le président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours (SDIS) du Gard a détaché M. A... sur l'emploi fonctionnel de directeur du SDIS. Par courrier du 21 juin 2024, le préfet du Gard lui a demandé de retirer cet arrêté. Par courrier du 5 août 2024, le président du conseil d'administration du SDIS a refusé de faire droit à cette demande. Le préfet du Gard a déféré ce refus au tribunal administratif de Nîmes et en a demandé la suspension sur le fondement des dispositions de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 14 novembre 2024 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par le préfet du Gard contre l'ordonnance du 23 septembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes rejetant sa demande de suspension.

Sur la recevabilité du pourvoi :

2. Aux termes de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes... qu'il estime contraires à la légalité. / (...) L'appel des jugements du tribunal administratif... rendus sur recours du représentant de l'Etat, est présenté par celui-ci ". Aux termes de l'article R. 821-1 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire le délai de recours en cassation est de deux mois ". En application de ces dispositions, pour se pourvoir en cassation contre l'ordonnance du 14 novembre 2024 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Toulouse rejetant l'appel formé par le préfet du Gard contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes rejetant sa demande de suspension, le ministre de l'intérieur disposait d'un délai de deux mois à compter de la notification de cette ordonnance. Son pourvoi, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 janvier 2025 n'était, dès lors, pas tardif. La fin de non-recevoir soulevée par le SDIS du Gard doit ainsi être écartée.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article L. 1424-9 du code général des collectivités territoriales : " (...) les officiers de sapeurs-pompiers professionnels peuvent, dans des conditions fixées par voie réglementaire, être nommés dans leurs grades, emplois ou fonctions conjointement par l'autorité compétente de l'Etat et le président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours ". Aux termes de l'article R.1424-21 du même code : " Les officiers relevant du cadre d'emplois de conception et de direction des sapeurs-pompiers professionnels sont nommés, dans leurs grades, emplois ou fonctions, par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité civile et du président du conseil d'administration ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'après que le ministre de l'intérieur avait formellement refusé de signer le projet d'arrêté détachant M. A... sur l'emploi fonctionnel de directeur du SDIS du Gard, le président du conseil d'administration du SDIS a signé seul cet arrêté. L'illégalité entachant cette décision, par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS a délibérément empiété sur les compétences de l'Etat telles que prévues par les dispositions citées au point 3, est de nature à la faire regarder comme inexistante, et donc insusceptible de créer des droits, imposant à son auteur d'en prononcer le retrait, à tout moment, s'il est demandé, et imposant au juge d'en relever, au besoin d'office, l'inexistence. Par suite, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Toulouse n'a pu sans erreur de droit, eu égard à l'office que lui attribuent l'article L. 554-1 du code de justice administrative et l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, rejeter la demande du préfet du Gard au motif que l'arrêté dont il avait demandé le retrait constituait un acte créateur de droits, devenu définitif à la date à laquelle le préfet avait adressé cette demande au président du conseil d'administration du SDIS, et que dès lors le refus opposé à cette demande n'apparaissait pas lui-même entaché d'illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par le préfet.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes :

7. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoient l'article L. 554-1 du code de justice administrative et l'article L.3241-1 du code général des collectivités territoriales, lorsque le représentant de l'Etat assortit son recours dirigé contre l'acte d'une autorité départementale d'une demande de suspension, " il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué (...) ".

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté doit être regardé comme inexistant est, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du refus opposé par le président du conseil d'administration du SDIS du Gard à la demande de retrait de cet arrêté que lui a adressée le préfet du Gard. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a refusé de faire droit à sa demande de suspension de cette décision. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler cette ordonnance, et, dans l'attente de la décision du tribunal administratif de Nîmes sur le déféré du préfet du Gard, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS du Gard a refusé de retirer son arrêté portant détachement de M. A... sur l'emploi fonctionnel de directeur du SDIS et d'enjoindre au président du conseil d'administration de retirer cet arrêté dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Toulouse du 14 novembre 2024 est annulée.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 23 septembre 2024 est annulée.

Article 3 : L'exécution de la décision du 5 août 2024 par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS du Gard a refusé de retirer l'arrêté du 31 juillet 2023 portant nomination dans l'emploi fonctionnel de directeur du SDIS du Gard est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur le déféré du préfet du Gard.

Article 4 : Il est enjoint au président du conseil d'administration du SDIS du Gard de retirer, dans l'attente qu'il soit statué sur le déféré du préfet du Gard, l'arrêté du 31 juillet 2023 portant nomination dans l'emploi fonctionnel de directeur du SDIS du Gard.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au service départemental d'incendie et de secours du Gard.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 juin 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Pierre Boussaroque, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et Mme Elodie Fourcade, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 24 juin 2025.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Elodie Fourcade

La secrétaire :

Signé : Mme Elisabeth Ravanne


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 500605
Date de la décision : 24/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES INEXISTANTS - ARRÊTÉ DU PRÉSIDENT DU SDIS NOMMANT LE DIRECTEUR DE CE SERVICE - MALGRÉ UN REFUS FORMEL DU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR – ACTE INEXISTANT.

01-01-07 Président du conseil d’administration du service d’incendie et de secours (SDIS) ayant, après que le ministre de l’intérieur avait formellement refusé de signer le projet d’arrêté exigé par l’article R. 1424-21 du code général des collectivités territoriales (CGCT) pour permettre le détachement d’un agent sur l’emploi fonctionnel de directeur du SDIS, signé seul cet arrêté. ...L’illégalité entachant cette décision, par laquelle le président du conseil d’administration du SDIS a délibérément empiété sur les compétences de l’Etat telles que prévues par les articles L. 1424-9 et R.1424-21 du CGCT, est de nature à la faire regarder comme inexistante, et donc insusceptible de créer des droits, imposant à son auteur d’en prononcer le retrait, à tout moment, s’il est demandé, et imposant au juge d’en relever, au besoin d’office, l’inexistence.

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - DISPOSITIONS GÉNÉRALES - CONTRÔLE DE LA LÉGALITÉ DES ACTES DES AUTORITÉS LOCALES - DÉFÉRÉ PRÉFECTORAL ASSORTI D'UNE DEMANDE DE SUSPENSION (ART - L - 3132-1 DU CGCT ET L - 554-1 DU CJA) – DÉLAI POUR SE POURVOIR EN CASSATION CONTRE UNE ORDONNANCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS D’UNE CAA – DEUX MOIS [RJ1].

135-01-015 Le délai pour se pourvoir en cassation contre l’ordonnance du juge des référés d’une cour administrative d’appel statuant sur l’appel formé contre une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif se prononçant sur la demande de suspension d’un acte déféré à ce tribunal et dont le préfet demande la suspension sur le fondement des dispositions de l’article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), est de deux mois à compter de la notification de cette ordonnance.

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - DISPOSITIONS GÉNÉRALES - SERVICES PUBLICS LOCAUX - DISPOSITIONS PARTICULIÈRES - SERVICES D'INCENDIE ET SECOURS - ARRÊTÉ DU PRÉSIDENT DU SDIS NOMMANT LE DIRECTEUR DE CE SERVICE - MALGRÉ UN REFUS FORMEL DU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR – ACTE INEXISTANT.

135-01-04-02-03 Président du conseil d’administration du service d’incendie et de secours (SDIS) ayant, après que le ministre de l’intérieur avait formellement refusé de signer le projet d’arrêté exigé par l’article R. 1424-21 du code général des collectivités territoriales (CGCT) pour permettre le détachement d’un agent sur l’emploi fonctionnel de directeur du SDIS, signé seul cet arrêté. ...L’illégalité entachant cette décision, par laquelle le président du conseil d’administration du SDIS a délibérément empiété sur les compétences de l’Etat telles que prévues par les articles L. 1424-9 et R.1424-21 du CGCT, est de nature à la faire regarder comme inexistante, et donc insusceptible de créer des droits, imposant à son auteur d’en prononcer le retrait, à tout moment, s’il est demandé, et imposant au juge d’en relever, au besoin d’office, l’inexistence.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉLAIS - DURÉE DES DÉLAIS - DÉFÉRÉ PRÉFECTORAL ASSORTI D'UNE DEMANDE DE SUSPENSION (ART - L - 3132-1 DU CGCT ET L - 554-1 DU CJA) – DÉLAI POUR SE POURVOIR EN CASSATION CONTRE UNE ORDONNANCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS D’UNE CAA – DEUX MOIS [RJ1].

54-01-07-03 Le délai pour se pourvoir en cassation contre l’ordonnance du juge des référés d’une cour administrative d’appel statuant sur l’appel formé contre une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif se prononçant sur la demande de suspension d’un acte déféré à ce tribunal et dont le préfet demande la suspension sur le fondement des dispositions de l’article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), est de deux mois à compter de la notification de cette ordonnance.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2025, n° 500605
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elodie Fourcade
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:500605.20250624
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