Vu la procédure suivante :
Par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 13 décembre 2024 et les 13 et 27 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association de concertation et de proposition pour l'aménagement et les transports (ACPAT) et l'association Désenclavement cohérent et protection des habitants (DCPH) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 25 et 29 du cahier des charges annexé à la convention de concession passée entre l'Etat et la société AMEDEA pour l'autoroute A412 et approuvée par le décret n° 2024-933 du 11 octobre 2024 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Céline Boniface, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que par un décret du 11 octobre 2024, le Premier ministre a approuvé la convention de concession passée entre l'Etat et la société AMEDEA pour la conception, la construction, l'exploitation, l'entretien et la maintenance de la liaison autoroutière à 2 × 2 voies (A412) entre Machilly et Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) ainsi que le cahier des charges annexé à cette convention. Le cahier des charges fixe, à son article 25, les tarifs de péage et, à son article 29, la durée de la concession. L'Association de concertation et de proposition pour l'aménagement et les transports (ACPAT) et l'association Désenclavement cohérent et protection des habitants (DCPH) demandent au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux clauses du cahier des charges.
Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la clause du cahier des charges fixant la durée de la concession :
2. Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, un tiers à un contrat est recevable à demander, par la voie du recours pour excès de pouvoir, l'annulation des clauses réglementaires contenues dans un contrat administratif qui portent une atteinte directe et certaine à ses intérêts.
3. Revêtent un caractère réglementaire les clauses d'un contrat qui ont, par elles-mêmes, pour objet l'organisation ou le fonctionnement d'un service public. S'agissant d'une convention de concession autoroutière, relèvent notamment de cette catégorie les clauses qui définissent l'objet de la concession et les règles de desserte, ainsi que celles qui définissent les conditions d'utilisation des ouvrages et fixent les tarifs des péages applicables sur le réseau concédé. En revanche, les stipulations relatives notamment au régime financier de la concession ou à la réalisation des ouvrages, qu'il s'agisse de leurs caractéristiques, de leur tracé, ou des modalités de cette réalisation, sont dépourvues de caractère réglementaire et revêtent un caractère purement contractuel
4. Il suit de là que la clause d'un contrat de concession fixant la durée d'une concession autoroutière et les conditions d'une résiliation par le concédant, qui n'a pour objet que d'organiser les relations entre le concédant et le concessionnaire et de participer à la détermination du régime financier de la concession, est dépourvue de caractère réglementaire. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une telle clause sont irrecevables.
5. Le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation est, dès lors, fondé à soutenir que les conclusions de la requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la clause de l'article 29 du cahier des charges annexé à la convention de concession fixant la durée de la concession sont irrecevables. Par voie de conséquence, les interventions de la ville de Genève et des communes de Gy, Jussy, Meinier et Presinge et de la commune de Puplinge à l'appui de ces conclusions sont irrecevables dans cette mesure.
Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la clause du cahier des charges fixant les tarifs de péage :
En ce qui concerne les interventions :
6. La ville de Genève et les communes de Gy, Jussy, Meinier, Presinge et Puplinge (Suisse) justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'article 25 du cahier des charges annexé à la convention de concession fixant les tarifs de péage. Par suite, leurs interventions sont recevables dans cette mesure.
En ce qui concerne la légalité de la clause attaquée :
7. Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la voirie routière : " L'usage des autoroutes est en principe gratuit. / Toutefois, il peut être institué par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Autorité de régulation des transports, un péage pour l'usage d'une autoroute en vue d'assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure. / En cas de concession des missions du service public autoroutier, le péage couvre également la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire. / (...) ".
8. En se bornant à soutenir que l'autoroute concédée, dont la réalisation a été déclarée d'utilité publique par un décret du 24 décembre 2019, ne rendrait aucun service, les associations requérantes n'apportent aucun élément de nature à établir que le tarif des péages qu'elles contestent ne serait, conformément aux dispositions citées au point précédent, pas proportionné à la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure, ainsi qu'à la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le concessionnaire.
9. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'article 25 du cahier des charges annexé à la convention de concession qu'elles attaquent. Leurs conclusions aux fins d'annulation de cet article ne peuvent, par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les interventions de la ville de Genève et des communes de Gy, Jussy, Meinier et Presinge et de la commune de Puplinge sont admises en tant seulement qu'elles viennent au soutien des conclusions de l'Association de concertation et de proposition pour l'aménagement et les transports et autre tendant à l'annulation de l'article 25 du cahier des charges annexé à la convention de concession.
Article 2 : La requête de l'Association de concertation et de proposition pour l'aménagement et les transports et autre est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Association de concertation et de proposition pour l'aménagement et les transports, première requérante dénommée, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, à la ville de Genève, première intervenante dénommée et à la commune de Puplinge.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.