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19/06/2025 | FRANCE | N°497610

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 19 juin 2025, 497610


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions référencées " 48 " par lesquelles le ministre de l'intérieur a retiré des points du capital de points affecté à son permis de conduire à la suite d'infractions qu'il a commises au code de la route, ainsi que la décision référencée " 48 SI " du 10 février 2022 par laquelle ce ministre a constaté l'invalidité de son permis de conduire pour solde de points nul, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reconstituer son capital de points

dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions référencées " 48 " par lesquelles le ministre de l'intérieur a retiré des points du capital de points affecté à son permis de conduire à la suite d'infractions qu'il a commises au code de la route, ainsi que la décision référencée " 48 SI " du 10 février 2022 par laquelle ce ministre a constaté l'invalidité de son permis de conduire pour solde de points nul, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reconstituer son capital de points dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi que de lui restituer ce permis dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 2201680 du 4 juillet 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a annulé les décisions de retrait d'un point consécutives aux infractions commises les 24 février 2019 et 24 mai 2021, ainsi que la décision référencée " 48 SI " par voie de conséquence, enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de restituer à M. B... son permis de conduire ainsi que les deux points qui lui avaient été irrégulièrement retirés, dans la limite du capital de points affecté à ce permis et sous réserve des infractions non prises en compte le 10 février 2022 et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un pourvoi enregistré le 6 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 3 de ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions référencées " 48 " par lesquelles le ministre de l'intérieur a retiré des points du capital de points affecté à son permis de conduire à la suite d'infractions qu'il a commises au code de la route, ainsi que la décision référencée " 48 SI " du 10 février 2022 par laquelle ce ministre a constaté l'invalidité de son permis de conduire pour solde de points nul, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de reconstituer son capital de points et de lui restituer son permis de conduire. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre les articles 1er à 3 du jugement du 4 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif a annulé ses deux décisions de retrait d'un point consécutives aux infractions commises les 24 février 2019 et 24 mai 2021, constatées par radar automatique, ainsi que la décision référencée " 48 SI ", et lui a enjoint de restituer à M. B... son permis de conduire ainsi que les deux points qui lui avaient été irrégulièrement retirés.

2. Il résulte des dispositions du quatrième alinéa de l'article R. 223-3 du code de la route que les décisions constatant l'invalidité du permis de conduire pour solde de points nul doivent être notifiées au titulaire du permis de conduire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au titulaire du permis de conduire et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la réglementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

3. Il résulte des termes du jugement attaqué que, pour juger que la notification des décisions " 48 " consécutives aux infractions des 24 février 2019 et 24 mai 2021 ne pouvait être regardée comme régulière, le tribunal administratif a retenu que le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne produisait aucun élément de nature à établir le paiement des amendes forfaitaires majorées correspondantes et qu'il ne pouvait utilement soutenir que M. B... s'est abstenu de récupérer les avis de paiement de ces amendes forfaitaires majorées émis automatiquement par le " centre national de traitement du contrôle sanction automatisé " auquel les procès-verbaux d'infraction ont été télétransmis, dès lors que les avis de réception postaux retournés à la trésorerie du contrôle automatisé ne comportent ni la mention du nom et de l'adresse du destinataire, ni, pour la première de ces infractions, la date de vaine présentation du pli recommandé.

4. En premier lieu, en statuant ainsi en ce qui concerne la notification de la décision " 48 " consécutive à l'infraction du 24 février 2019, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit. Il n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, dont il ressort que le numéro de la lettre recommandée qui figure sur l'avis de réception n'a pas été reporté sur l'avis de paiement de l'amende forfaitaire majorée, quand bien même la mention " pli avisé et non réclamé " a été cochée et des chiffres manuscrits apparaissant sur l'avis de réception en dehors du cadre réglementaire pourraient constituer une partie de la date de vaine présentation. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est par suite pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il annule cette décision de retrait d'un point et lui enjoint de le rétablir au capital de points de l'intéressé.

5. En deuxième lieu, en revanche, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le numéro de la lettre recommandée qui figure sur l'avis de paiement de l'amende forfaitaire majorée correspondant à l'infraction du 24 mai 2021 est identique à celui qui est mentionné sur l'avis de réception postal produit par le ministre et qu'une date de vaine présentation, postérieure de deux jours à celle de l'envoi de l'avis de paiement, est en outre inscrite sur cet avis de réception. Dans ces conditions et alors même que le nom et l'adresse du destinataire ont été occultés par l'apposition du document autocollant mentionnant le motif de non-distribution, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant que le ministre ne justifiait pas de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer est, par suite, fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 du jugement qu'il attaque en tant qu'ils concernent la décision de retrait d'un point consécutive à l'infraction commise par M. B... le 24 mai 2021.

6. Il ressort enfin des mentions du relevé d'informations intégral relatif au permis de conduire de M. B... produit par le ministre de l'intérieur et des outre-mer devant le tribunal administratif qu'à la date du 10 février 2022, le solde du capital de points affecté au permis de conduire de l'intéressé était égal à zéro. Il résulte de ce qui est dit au point 5 qu'un point avait été illégalement retiré de ce capital de points. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il annule la décision référencée " 48 SI " et qu'il lui enjoint de restituer son permis de conduire à l'intéressé affecté d'un point.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond dans la mesure de l'annulation prononcée.

8. La délivrance, préalablement au règlement de l'amende, de l'information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route constitue une condition de la légalité des décisions de retrait de points. En vertu de l'article A. 37-28 du code de procédure pénale, le formulaire d'avis d'amende forfaitaire majorée utilisé par l'administration est revêtu des mentions qui permettent au contrevenant de comprendre qu'en l'absence de contestation de l'amende, il sera procédé au retrait de points et qui portent à sa connaissance l'ensemble des informations requises par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route.

9. Ainsi qu'il est dit au point 5, il ressort des pièces du dossier que l'avis de paiement de l'amende forfaitaire majorée faisant suite à l'infraction commise par M. B... le 24 mai 2021, constatée par radar automatique, doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à l'intéressé le 23 octobre 2021. M. B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu, à l'occasion de cette infraction, l'information préalable prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route.

10. Les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision de retrait d'un point du capital de points de son permis de conduire consécutive à l'infraction qu'il a commise le 24 mai 2021 doivent dès lors être rejetées, ainsi que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juillet 2024 sont annulés en tant qu'ils concernent la décision de retrait d'un point du capital de points affecté au permis de conduire de M. B... à la suite de l'infraction qu'il a commise le 24 mai 2021.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de la décision de retrait d'un point du capital de points affecté à son permis de conduire à la suite de l'infraction qu'il a commise le 24 mai 2021, ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction, sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 22 mai 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 19 juin 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 497610
Date de la décision : 19/06/2025

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2025, n° 497610
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:497610.20250619
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