Vu la procédure suivante :
Le préfet de la Loire-Atlantique a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir l'article 3 de l'arrêté du maire de La Montagne du 11 janvier 2021 réglementant les dépôts sauvages de déchets et ordures.
Par un jugement n° 2102186 du 23 juin 2022, le tribunal administratif, faisant droit à la demande du préfet, a annulé la disposition attaquée.
Par un arrêt n° 22NT02595 du 13 octobre 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la commune de La Montagne contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2023 et 14 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de La Montagne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
- Les substances qui, dans le cadre de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, sont entraînées en dehors des zones traitées constituent-elles des déchets au sens de l'article 3 de la directive n° 2008/98/CE du 19 novembre 2008 '
- Ces substances ne répondant plus à aucun usage défini à l'article 2 du règlement n° 1107/2009 et se trouvant hors de la maîtrise de la personne les ayant laissé être entrainés hors de la parcelle ou de la zone traitée, ces déchets n'étant pas valorisables peuvent-ils encore être qualifiés de produits phytopharmaceutiques '
3°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 4 mai 2017 modifié de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, du ministre de l'économie et des finances, de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la commune de La Montagne ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 11 janvier 2021, le maire de La Montagne (Loire-Atlantique) a pris un arrêté réglementant les dépôts sauvages de déchets et ordures, dont l'article 3 dispose que : " Tout rejet de produits phytopharmaceutiques hors de la propriété à laquelle ils sont destinés constitue un dépôt de déchet et est interdit ". La commune de La Montagne se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 13 octobre 2023 rejetant son appel contre le jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes, faisant droit à la demande du préfet de la Loire-Atlantique, a annulé cet article.
2. Il résulte des dispositions du code rural et de la pêche maritime, notamment de ses articles L. 253-1, L. 253-7 et suivants, R. 253-1, R. 253-45, D. 253-45-1 et D. 253-46-1-5, ainsi que de l'arrêté ministériel du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants que le législateur a organisé une police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, qu'il a confiée à l'Etat. En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé de l'agriculture ainsi que, le cas échéant, aux ministres chargés de la santé, de l'environnement et de la consommation de prendre les mesures d'interdiction ou de limitation de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dont l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail a autorisé la mise sur le marché qui s'avèrent nécessaires à la protection de la santé publique et de l'environnement, en particulier dans les zones où sont présentes des personnes vulnérables. L'autorité préfectorale est également chargée, au niveau local et dans le cadre fixé au niveau national, de fixer les distances minimales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité de certains lieux accueillant des personnes vulnérables, d'approuver les chartes d'engagements d'utilisateurs formalisant des mesures de protection des riverains de zones d'utilisation des produits et, enfin, en cas de risque exceptionnel et justifié, de prendre toute mesure d'interdiction ou de restriction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques nécessaire à la préservation de la santé publique et de l'environnement, avec une approbation dans les plus brefs délais du ministre chargé de l'agriculture. Dans ces conditions, si le maire peut, en vertu des pouvoirs de police spéciale qu'il tient de l'article L. 541-3 du code de l'environnement sans préjudice des pouvoirs de police générale qu'il tient des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, prendre, pour la commune, les mesures nécessaires au respect de la réglementation en matière de gestion des déchets, il ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques, qu'il appartient aux seules autorités de l'Etat de prendre.
3. L'article 3 de l'arrêté attaqué, cité au point 1, traite des produits phytopharmaceutiques qui viennent à être disséminés, pour quelque quantité et sous quelque effet que ce soit, hors de la parcelle à laquelle ils étaient destinés. Il vise en conséquence à régir les conditions générales d'utilisation de ces produits, et non pas à réglementer la collecte ou le traitement de déchets, que ne constituent pas des produits phytopharmaceutiques ainsi disséminés de manière incidente, lors de leur utilisation, sur d'autres parcelles que la parcelle prévue. Par suite, la cour administrative d'appel, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, n'a ni méconnu son office ni commis d'erreur de droit en jugeant que le maire de la commune de La Montagne avait incompétemment édicté une réglementation relative, non aux déchets, mais à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Pour les mêmes raisons, elle n'a pas commis d'erreur de droit en estimant, après avoir relevé que le litige ne portait pas sur l'application du droit de l'Union européenne, mais sur la détermination de la répartition des pouvoir de police administrative entre autorités nationales, qu'il n'était pas nécessaire de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la notion de déchet au sens de la directive 2008/98/CE.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin, pour les motifs exposés au point précédent, de renvoyer à la CJUE une question préjudicielle, que la commune de La Montagne n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de La Montagne est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de La Montagne et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Délibéré à l'issue de la séance du 19 mai 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Stéphane Hoynck, M. Christophe Pourreau, conseillers d'Etat et Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 16 juin 2025.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Juliette Mongin
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain