Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La chambre de commerce et d'industrie du Var a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner à la société VIP et Co de lui communiquer les attestations de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale manquantes, la teneur des déclarations sociales effectuées durant la période d'exécution du marché d'assistance commerciale conclu avec cette chambre le 11 octobre 2017, ainsi que les explications et justificatifs de l'ensemble des personnels affectés à l'exécution du marché du 11 octobre 2017 au 10 octobre 2020.
Par une ordonnance n° 2300392 du 6 mars 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a enjoint à la société VIP et Co de communiquer à la chambre de commerce et d'industrie du Var, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, les pièces et éléments d'information cités au point 5 de cette ordonnance.
Par une ordonnance n° 2302145 du 25 octobre 2023, le juge des référés du même tribunal a fixé à 30 000 euros le montant provisoire de l'astreinte à laquelle la société VIP et Co était condamnée au titre de l'inexécution de l'ordonnance du 6 mars 2023.
La société VIP et Co a demandé au juge des référés du même tribunal, sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, d'une part, de mettre fin à l'injonction qui lui avait été faite par l'ordonnance du 6 mars 2023 de communiquer à la chambre de commerce et d'industrie divers pièces et éléments, d'autre part, de supprimer ou modérer l'astreinte de 300 euros par jour de retard prononcée par la même ordonnance, et, enfin, de supprimer ou modérer le montant provisoire de l'astreinte à laquelle elle a été condamnée par l'ordonnance du 25 octobre 2023.
Par une ordonnance n° 2403982 du 3 mars 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a, d'une part, mis fin à l'injonction de communication de divers pièces et éléments prononcée par son ordonnance du 6 mars 2023 et, d'autre part, fixé à 1 000 euros le montant définitif de l'astreinte mise à la charge de la société VIP et Co au titre de l'inexécution de cette même ordonnance.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 1er avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre de commerce et d'industrie du Var demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société VIP et Co ;
3°) de mettre à la charge de la société VIP et Co une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Céline Boniface, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la chambre de commerce et d'industrie du Var et à Me Bardoul, avocat de la société VIP et Co ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 juin 2025, présentée par la société VIP et Co ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulon que, le 11 octobre 2017, la chambre de commerce et d'industrie du Var a conclu avec la société VIP et Co un marché public d'assistance commerciale pour le développement de la taxe d'apprentissage affectée à ses établissements d'enseignement. Ce marché a pris fin le 10 octobre 2020. Malgré les demandes réitérées de cette chambre, la société VIP et Co ne lui a pas communiqué l'ensemble des attestations de fourniture de déclaration sociale et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale effectués durant la période d'exécution du marché. Saisi par cette chambre sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a, par une ordonnance du 6 mars 2023, enjoint à la société VIP et Co de communiquer à la chambre de commerce et d'industrie, dans un délai d'un mois sous astreinte de 300 euros par jour de retard, ces attestations ainsi que la teneur des déclarations sociales effectuées durant la période d'exécution du marché et les explications et justificatifs de l'ensemble des personnels affectés à l'exécution de ce marché. Par une ordonnance du 25 octobre 2023, le même juge des référés, constatant l'absence d'exécution de sa précédente ordonnance, a procédé à une liquidation provisoire de l'astreinte pour la période comprise entre le 11 avril et le 25 octobre 2023 en condamnant la société VIP et Co à verser à la chambre de commerce et d'industrie du Var la somme de 30 000 euros. Par une ordonnance du 3 mars 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, saisi par la société VIP et Co sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, a mis fin à l'injonction prononcée par son ordonnance du 6 mars 2023 et fixé à 1 000 euros le montant définitif de l'astreinte due par la société VIP et Co en raison de l'inexécution de cette même ordonnance. La chambre de commerce et d'industrie du Var se pourvoit en cassation contre cette dernière ordonnance.
Sur le pourvoi de la chambre de commerce et d'industrie du Var :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Il résulte de ces dispositions que, saisi sur le fondement de cet article d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, notamment sous forme d'injonctions adressées à l'administration, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.
3. Aux termes de l'article L. 521-4 du code de justice administrative : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ".
4. Pour mettre fin à l'injonction qu'il avait faite à la société VIP et Co, par son ordonnance du 6 mars 2023, de communiquer divers pièces et éléments à la chambre de commerce et d'industrie du Var, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a relevé, par des motifs devant être regardés comme opposant l'existence d'une contestation sérieuse aux mesures sollicitées, que les nouveaux gérants de la société VIP et Co avaient pris attache avec l'ancienne gérante et actionnaire unique de la société pour obtenir les documents réclamés, que celle-ci leur avait répondu par un courriel du 14 mars 2023 qu'elle ne disposait pas de ces éléments et que, au regard de cette réponse, la société VIP et Co avait décidé d'assigner en justice son ancienne gérante pour obtenir sa condamnation pour l'ensemble du préjudice subi. En déduisant de ces seuls éléments que la société VIP et Co se trouvait dans l'impossibilité matérielle de produire les documents sollicités et qu'elle avait entrepris toutes les démarches utiles pour les obtenir, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
5. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ordonnance du 3 mars 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon doit être annulée.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l'article L. 821 2 du code de justice administrative.
Sur la demande de la société VIP et Co tendant à ce qu'il soit mis fin aux effets de l'ordonnance du 6 mars 2023 :
7. En premier lieu, si la société VIP et Co soutient que la demande de la chambre de commerce et d'industrie du Var de communiquer les attestations de fourniture de déclaration sociale et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale effectués durant la période d'exécution du marché aurait été formulée postérieurement à cette période d'exécution et que la chambre de commerce et d'industrie aurait manqué à son obligation de vigilance durant cette période d'exécution, ces éléments, déjà avancés par la société VIP et Co dans l'instance ayant conduit à l'ordonnance du 6 mars 2023, ne constituent pas des éléments nouveaux au sens de l'article L. 521-4 du code de justice administrative.
8. En deuxième lieu, la société VIP et Co n'établit pas, par les pièces versées au dossier, avoir accompli l'ensemble des démarches envisageables auprès des organismes de sécurité sociale pour obtenir les attestations sollicitées par la chambre de commerce et d'industrie. Elle n'établit pas davantage être dans l'impossibilité de fournir à celle-ci la teneur des déclarations sociales effectuées durant la période d'exécution du marché et les explications et justificatifs de l'ensemble des personnels affectés à l'exécution de ce marché du 11 octobre 2017 au 10 octobre 2020, alors qu'il résulte de l'instruction que l'intégralité des éléments comptables de la société lui ont été remis par son ancienne gérante lors de son changement d'associé et de gérant. Dès lors, les mesures sollicitées par la chambre de commerce et d'industrie du Var ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.
9. Cependant, en dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale : " Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle elles sont dues. "
10. La demande de la chambre de commerce et d'industrie du Var tendant à ce qu'il soit enjoint à la société VIP et Co de lui communiquer l'ensemble des attestations de fourniture de déclaration sociale et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale effectués durant la période d'exécution du marché conclu avec cette société visait à lui permettre, dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, de satisfaire aux obligations de vérification incombant au donneur d'ordre en vertu de l'article L. 8222-1 du code du travail, dont le non-respect peut conduire, en vertu de l'article L. 8222-2 du même code, à la solidarité financière du donneur d'ordre avec l'auteur d'un travail dissimulé, ainsi que, en vertu de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses personnels. Ainsi que l'admet la chambre de commerce et d'industrie du Var, il résulte de l'instruction que, en application des dispositions, citées au point précédent, du premier alinéa de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, les cotisations et contributions sociales dues par la société VIP et Co au titre de l'exécution du marché passé avec la chambre de commerce et d'industrie du Var, qui a pris fin le 10 octobre 2020, sont prescrites au plus tard le 30 juin 2024. Dès lors, à la date de la présente décision, les mesures sollicitées par la chambre de commerce et d'industrie ont perdu leur utilité. Il en résulte qu'il y a lieu de mettre fin aux effets de l'ordonnance du 6 mars 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a enjoint à la société VIP et Co, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, de communiquer divers pièces et éléments à la chambre de commerce et d'industrie du Var.
Sur la demande de suppression ou de modération de l'astreinte liquidée par l'ordonnance du 25 octobre 2023 :
11. Lorsque le juge a liquidé une astreinte provisoire, cette liquidation ne peut être remise en cause à l'occasion de sa décision procédant à la liquidation définitive de l'astreinte ou en prononçant une nouvelle. Par suite, la société VIP et Co ne peut utilement demander la suppression ni la modération de l'astreinte liquidée provisoirement à 30 000 euros par l'ordonnance du 25 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon.
Sur la liquidation définitive de l'astreinte :
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 que l'injonction faite à la société VIP et Co, par l'ordonnance du 6 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon, de communiquer divers pièces et éléments à la chambre de commerce et d'industrie du Var a perdu son utilité, au plus tard, le 30 juin 2024. L'astreinte de 300 euros par jour de retard ayant déjà été liquidée, par l'ordonnance du même juge des référés du 25 octobre 2023, pour la période courant jusqu'au 25 octobre 2023, il y a lieu de procéder à la liquidation définitive de l'astreinte pour la période courant du 26 octobre 2023 au 30 juin 2024. Toutefois, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, de modérer l'astreinte initialement prononcée et de fixer le montant de la somme due par la société VIP et Co à la chambre de commerce et d'industrie du Var à 10 000 euros.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société VIP et Co la somme de 4 500 euros à verser à la chambre de commerce et d'industrie du Var au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'ensemble de la procédure. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie du Var, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 3 mars 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon est annulée.
Article 2 : Il est mis fin aux effets de l'ordonnance du 6 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon.
Article 3 : La société VIP et Co est condamnée à verser la somme de 10 000 euros à la chambre de commerce et d'industrie du Var.
Article 4 : La société VIP et Co versera à la chambre de commerce et d'industrie du Var la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la demande présentée par la société VIP et Co devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulon est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la chambre de commerce et d'industrie du Var et à la société VIP et Co.